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Aménagements portuaires : ils doivent être nécessaires à la sécurité maritime ou au fonctionnement du service !

Conseil d’État

N° 372537   
Inédit au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
BALAT ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats

lecture du mercredi 17 juin 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Les associations Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement (UDVN 83), Les amis de la Terre-Hyères, Les amis du Niel, Georges Cooper Les Jardiniers de la mer, Les amis de la presqu’île de Giens et Nature et environnement en pays hyérois ont demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler :
– l’arrêté du préfet du Var du 12 août 2005 autorisant le conseil général du Var à aménager le port de La Madrague de Giens situé à Hyères-les-Palmiers ;
– l’arrêté du préfet du Var du 16 novembre 2005 approuvant le transfert de gestion d’une partie des dépendances du domaine public maritime de l’Etat au département du Var, destiné à la remise à niveau et en sécurité de ce port ;
– l’arrêté du préfet du Var du 19 décembre 2005 approuvant l’extension portuaire destinée à la remise à niveau et en sécurité du port.

Par un jugement n° 0602259 du 28 décembre 2010, le tribunal administratif de Nice a annulé les trois arrêtés du préfet du Var.

Par un arrêt n° 11MA01118 du 30 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par le syndicat mixte Ports Toulon Provence contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er octobre 2013, 26 décembre 2013 et 29 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat mixte Ports Toulon Provence demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’UDVN 83 et autres la somme de 7 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement de la contribution pour l’aide juridique au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat du syndicat mixte Ports Toulon Provence et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie de la nature et de l’environnement 83 et autres ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 12 août 2005, le préfet du Var a, en application de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, autorisé le conseil général du Var à aménager le port de La Madrague de Giens, à Hyères-les-Palmiers ; que les aménagements autorisés consistent en la construction de deux nouvelles digues, de 70 et 40 mètres de long et d’une surface de 647 et 417 mètres carrés, dans le remplacement des sept pannes existantes par six pannes plus longues, dans l’augmentation du nombre des anneaux d’amarrage de 148 à 192 unités, dans la construction d’un brise-clapot de 48 mètres de long, dans l’édification d’une capitainerie et dans l’aménagement d’une aire de stationnement pouvant accueillir 36 voitures et 4 remorques à bateaux ; que, saisi par les associations Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement (UDVN 83), Les amis de la Terre-Hyères, Les amis du Niel, Georges Cooper Les Jardiniers de la mer, Les amis de la presqu’île de Giens et Nature et environnement en pays hyérois, le tribunal administratif de Nice a, par un jugement du 28 décembre 2010, annulé l’arrêté du 12 août 2005 ainsi que, par voie de conséquence, deux arrêtés du préfet du Var des 16 novembre et 19 décembre 2005 pris pour permettre la réalisation par le département des travaux autorisés ; que le syndicat mixte Ports Toulon Provence, devenu bénéficiaire, en lieu et place du département, des arrêtés attaqués, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 30 juillet 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 28 décembre 2010 du tribunal administratif ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que le second mémoire en défense produit par l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement (UDVN 83) et autres ne contenait pas de moyen ou d’élément nouveau ; que le syndicat mixte Ports Toulon Provence n’est, par suite, pas fondé à soutenir que la cour aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne lui communiquant pas ce mémoire ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme :  » Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (…) / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 146-8 du même code :  » Les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires au fonctionnement des aérodromes et des services publics portuaires autres que les ports de plaisance ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative (…)  » ;

4. Considérant que, pour estimer que le projet était situé dans un espace remarquable au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour a notamment relevé la présence de prairies de cymodocées et d’herbiers de posidonies, espèces marines protégées, dans les fonds marins situés dans l’emprise du projet ; qu’elle n’a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

5. Considérant qu’en estimant que les travaux envisagés ne pouvaient être regardés comme des aménagements légers au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

6. Considérant qu’en jugeant que le port de La Madrague de Giens est à la fois un port de plaisance et de pêche dite de  » petit métier « , la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation exempte de dénaturation ;

7. Considérant que, lorsqu’un port comporte à la fois une activité de plaisance et d’autres activités, les installations, constructions ou aménagements d’ouvrages susceptibles d’entrer dans le champ du premier alinéa de l’article L. 146-8 du code de l’urbanisme sont ceux qui sont nécessaires soit à la sécurité maritime, soit au fonctionnement du service public portuaire au regard des seules activités autres que l’activité de plaisance ;

8. Considérant que la cour a d’abord recherché si les travaux autorisés pouvaient être regardés comme nécessaires à la sécurité maritime, au sens de l’article L. 146-8 du code de l’urbanisme ; qu’ayant souverainement constaté, ainsi qu’il a été dit, que le port n’était pas exclusivement un port de plaisance, elle a ensuite recherché si les installations projetées pouvaient être regardées comme nécessaires au fonctionnement d’un service public portuaire, au sens de ce même article, c’est-à-dire, en l’espèce, au regard de la seule activité de pêche ; qu’en procédant ainsi, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

9. Considérant qu’en jugeant que seule la construction des deux digues et du brise-clapot pouvait être regardée comme nécessaire à la sécurité maritime et que les autres installations projetées, destinées à l’extension de l’activité de plaisance du port de La Madrague de Giens, ne pouvaient être regardées comme nécessaires ni à la sécurité maritime, ni au fonctionnement de l’activité de pêche de ce port, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si elles étaient physiquement et fonctionnellement dissociables des autres ouvrages autorisés par l’arrêté du 12 août 2005 du préfet du Var, les installations jugées nécessaires à la sécurité portuaire par la cour étaient conçues dans la perspective de l’extension de l’activité de plaisance du port ; que, par suite, en jugeant que cet arrêté était indivisible, alors même qu’elle avait apprécié séparément si ces installations étaient susceptibles d’entrer dans le champ du premier alinéa de l’article L. 146-8 du code de l’urbanisme, la cour, qui a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine qui n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation, n’a ni dénaturé les faits, ni commis d’erreur de droit ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est sans erreur de droit que la cour a jugé que le projet, dans son ensemble, ne pouvait être regardé comme entrant dans les prévisions de l’article L. 146-8 du code de l’urbanisme et méconnaissait les dispositions de l’article L. 146-6 de ce code ; qu’il en résulte que le pourvoi du syndicat mixte Ports Toulon Provence doit être rejeté ;

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des associations UDVN 83, Les amis de la Terre-Hyères, Les amis du Niel, Georges Cooper Les jardiniers de la mer et Les amis de la presqu’île de Giens qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du syndicat mixte Ports Toulon Provence le versement à ces associations de la somme globale de 3 000 euros au même titre et de laisser à sa charge la contribution pour l’aide juridique ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi du syndicat mixte Ports Toulon Provence est rejeté.

Article 2 : Le syndicat mixte Ports Toulon Provence versera aux associations Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement (UDVN 83), Les amis de la Terre-Hyères, Les amis du Niel, Georges Cooper Les Jardiniers de la mer et Les amis de la presqu’île de Giens la somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte Ports Toulon Provence, à l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement (UDVN 83), à l’association Nature et environnement en pays hyérois et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les autres défendeurs seront informés de la décision par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation qui les représente devant le Conseil d’Etat.

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