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Carte communale : pour l’élaboration, ne pas oublier de consulter la Chambre d’agriculture !

CAA de DOUAI
N° 14DA01485   
Inédit au recueil Lebon
1re chambre – formation à 3
M. Yeznikian, président
M. Olivier Yeznikian, rapporteur
M. Riou, rapporteur public
SCP WABLE TRUNECEK TACHON AUBRON, avocat

lecture du jeudi 12 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D…A…a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 10 février 2012 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sempy a adopté la carte communale et l’arrêté du 16 avril 2012 du préfet du Pas-de-Calais l’approuvant.

Par un jugement n° 1203659 du 3 juillet 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre 2014 et 29 juin 2015, la commune de Sempy, représentée par la SCP Wable, Trunecek, Tachon, Aubron, demande à la cour :

1°) à titre principal, d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M.A… ;

3°) à titre subsidiaire, de l’inviter à régulariser la procédure d’élaboration de la carte communale sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, dans un délai de six mois ;

4°) de mettre à la charge de M. A…le versement d’une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– la chambre d’agriculture a rendu un avis le 3 août 2010 qui a pris en compte le projet de carte communale ;
– l’absence d’avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n’a pas eu pour effet de porter atteinte au droit à l’information du public ;
– les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués ;
– la délibération a été affichée en mairie ;
– l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique a été régulièrement publié ;
– l’avis d’enquête publique a fait l’objet de mesures de publicité suffisantes ;
– le rapport de présentation du projet qui figurait au dossier d’enquête était suffisant ;
– la procédure d’élaboration de la carte communale ne méconnaît pas les dispositions des articles R. 123-7 du code de l’environnement et R. 124-6 du code de l’urbanisme ;
– le commissaire enquêteur a pris en compte les observations émises par M. A…auxquelles il a répondu ;
– le classement de la parcelle ZC 69 comme terrain inconstructible est justifié par sa proximité avec un silo à céréales ;
– un tel classement n’emporte pas une rupture d’égalité entre les citoyens ;
– le moyen d’annulation retenu par le tribunal administratif étant susceptible d’être régularisé et aucun des autres moyens présentés par le demandeur de première instance n’étant de nature à justifier l’annulation sollicitée, la cour peut mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme ;
– la commission de la consommation des espaces agricoles et la chambre d’agriculture ont été consultées sur le projet de carte communale le 29 novembre 2014 et le 19 janvier 2015 à la suite de l’annulation prononcée par le tribunal administratif de Lille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, M. D…A…, représenté par la SCP Robiquet, Delevacque, Verague, Yahiaoui, Leger, conclut au rejet de la requête de la commune de Sempy et à la mise à la charge de la commune de Sempy d’une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– les moyens de la commune ne sont pas fondés ;
– ses autres moyens de première instance sont de nature à justifier l’annulation de la délibération communale et de l’arrêté préfectoral d’approbation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
– les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
– et les observations de Me B…C…, représentant M.A….

Sur le motif d’annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

1. Considérant que, pour prononcer, à la demande de M.A…, l’annulation de la délibération du 10 février 2012 du conseil municipal de la commune de Sempy et l’arrêté du 16 avril 2012 du préfet du Pas-de-Calais, le tribunal administratif de Lille s’est fondé sur un unique moyen tiré de l’absence de consultation de la chambre d’agriculture et de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles sur le projet de carte communale en violation des dispositions de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme ; qu’en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif qui est contesté devant elle ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige résultant de l’article 51 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 :  » Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, consultation de la chambre d’agriculture et avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, par le conseil municipal et le préfet (…)  » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 51 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui a été publiée au Journal officiel de la République française le 28 juillet 2010 :  » IV.-Le III entre en vigueur à une date et dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et au plus tard six mois après la publication de la présente loi. ; / V.-L’obligation de consultation préalable de la commission mentionnée à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime ne s’applique pas : / (…) / 3° Aux cartes communales en cours d’élaboration ou de révision, lorsque le projet de carte a été soumis à l’enquête publique avant la même date ; / (…)  » ;

4. Considérant qu’il est constant que la carte communale de la commune de Sempy a été soumise à enquête publique du 30 avril au 30 mai 2011 soit postérieurement à la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 51 de la loi du 27 juillet 2010 citées au point précédent, intervenue au plus tard le 28 janvier 2011 ; que, dès lors, les dispositions de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme alors applicables imposaient à la commune de consulter la chambre d’agriculture et la commission départementale de la consommation des espaces agricoles sur le projet de carte communale ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la chambre d’agriculture a été consultée sur la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime relatives aux règles d’éloignement entre les bâtiments agricoles et les habitations et y a répondu par un avis rendu le 3 août 2010 ; que, toutefois, ni cet organisme consulaire ni la commission départementale de la consommation des espaces agricoles n’ont été consultés sur le projet de carte communale par la commune de Sempy au regard notamment de la consommation foncière ; qu’ainsi, une telle absence de consultation est intervenue en violation des dispositions de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme ;

6. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de carte communale permet de procéder à des réductions significatives d’espaces agricoles et naturels au profit de l’urbanisation du bourg, notamment à proximité d’exploitations ; que, dans ces conditions, l’omission de la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et de la chambre d’agriculture avant l’adoption de la carte communale a été susceptible d’exercer en l’espèce une influence sur le sens de la décision de la commune de Sempy ; que, par suite, cette dernière n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lille a retenu le motif tiré de la violation de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme pour annuler la délibération du conseil municipal adoptant la carte communale et, par voie de conséquence, l’arrêté préfectoral portant approbation de cette dernière ;

Sur les conclusions de la commune de Sempy présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :

8. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme :  » Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (…) une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration (…) de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d’illégalité autre qu’un vice de forme ou de procédure, pour (…) les cartes communales, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité est susceptible d’être régularisée par une procédure de modification prévue (…) au cinquième alinéa de l’article L. 124-2 ; / (…). / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations  » ; que le cinquième alinéa de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme dispose que :  » La carte communale peut faire l’objet d’une modification simplifiée lorsque la commune (…) envisage de rectifier une erreur matérielle.(…)  » ;

9. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la commune a produit en cours d’instance les avis qu’elle a pris l’initiative de solliciter postérieurement au jugement attaqué et qui ont été rendus par la commission départementale de la consommation des espaces agricoles le 9 novembre 2014 et par la chambre d’agriculture le 15 janvier 2015 ; que ce dernier avis est d’ailleurs défavorable à la carte communale en raison notamment de la consommation foncière permise par ce document ;

10. Considérant, d’autre part, que si, à la date à laquelle l’enquête publique s’est déroulée, les dispositions de l’article R. 124-6 du code de l’urbanisme dans leur rédaction alors applicable n’exigeaient pas que figurent au dossier soumis à l’enquête les avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles et de la chambre d’agriculture, les nouvelles dispositions de l’article R. 124-6 du code de l’urbanisme, qui notamment renvoient à l’article R. 123-8 du code de l’environnement dans sa nouvelle rédaction, prévoient que les avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet soient au nombre des pièces du dossier d’enquête ;

11. Considérant qu’il résulte des deux points précédents que, pour régulariser la procédure à la date du présent arrêt, la commune de Sempy doit non seulement établir qu’elle a consulté les deux organismes mentionnés ci-dessus mais également soumettre ces avis explicites à une consultation dans le cadre d’une nouvelle enquête publique, puis délibérer à nouveau sur le projet de carte communale au vu des résultats de cette enquête et soumettre enfin sa délibération à l’approbation de l’autorité préfectorale ; qu’ainsi, l’illégalité retenue par le présent arrêt, compte tenu du stade de la procédure qu’elle affecte et, au demeurant en l’espèce, du caractère divergent des avis qui lui ont été communiqués, n’est pas susceptible d’être régularisée par une procédure de modification prévue par les dispositions du code de l’urbanisme citées au 1° de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme rappelées au point 8 ; que, par suite, la demande de sursis à statuer présentée par la commune de Sempy sur le fondement de cet article doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Sempy, partie perdante, sur leur fondement ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Sempy le versement à M. A…d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Sempy est rejetée.

Article 2 : La commune de Sempy versera à M. A…une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sempy, à M. D…A…et au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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