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Chemin rural : jurisprudence Danthony et aliénation d’un chemin rural désaffecté

Conseil d’État 

N° 361986    

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Patrick Quinqueton, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
SCP VINCENT, OHL ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ODENT, POULET, avocats

lecture du mercredi 20 novembre 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 17 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la commune de Royère-de-Vassivière (Creuse), représentée par son maire ; elle demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 11BX01024 du 21 juin 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement n° 0901781 du 24 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. D…tendant à l’annulation de la délibération du 23 juillet 2009 par laquelle son conseil municipal a décidé de procéder à la désaffectation d’un chemin rural et de le céder à Mme A…C…-E…, ainsi que cette délibération ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M.D… ;

3°) de mettre à la charge de M. D…la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Royère-de-Vassiviere, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D… et à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme C…-E… ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 161-10 du code rural :  » Lorsqu’un chemin rural cesse d’être affecté à l’usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l’article L. 161-11 n’aient demandé à se charger de l’entretien dans les deux mois qui suivent l’ouverture de l’enquête. / Lorsque l’aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d’acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. / Si, dans le délai d’un mois à dater de l’avertissement, les propriétaires riverains n’ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l’aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales  » ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 27 juin 2008, le conseil municipal de la commune de Royère-de-Vassivière (Creuse) a décidé d’engager une procédure de désaffectation et de cession d’un chemin rural ; qu’à l’issue d’une enquête publique, il a décidé, par une délibération du 23 juillet 2009, de le céder à Mme C…-E… ; que la commune se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 21 juin 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du 24 février 2011 du tribunal administratif de Limoges rejetant la demande de M. D… dirigée contre la délibération du 23 juillet 2009, ainsi que cette délibération ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 161-10 du code rural qu’en cas d’aliénation d’un chemin rural, tous les propriétaires riverains doivent être mis en demeure d’acquérir les terrains attenant à leurs propriétés ; que doit être regardé comme un propriétaire riverain tout propriétaire qui possède au moins une parcelle contigüe au chemin rural, alors même que le chemin n’est pas une voie d’accès à sa propriété ;

4. Considérant que la cour a relevé que le chemin en litige prenait fin en impasse à la limite de la propriété de M.D… et que celui-ci ne disposait plus d’accès à ce chemin depuis de nombreuses années, en raison de la présence d’une haie de conifères au bout du chemin ; qu’elle a suffisamment motivé son arrêt et n’a pas commis d’erreur de droit en déduisant de ces faits, qu’elle n’a pas dénaturés, que M. D…justifiait, en tant que propriétaire riverain, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la délibération du conseil municipal ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

6. Considérant que lorsqu’une commune envisage de céder un chemin rural, l’obligation prévue par l’article L. 161-10 du code rural de mettre en demeure tous les propriétaires riverains de ce chemin, quelle que soit l’utilité pour eux de celui-ci, a pour objet de leur permettre d’être informés de ce projet d’aliénation et de présenter une offre d’achat chiffrée et constitue pour eux une garantie ;

7. Considérant que, d’une part, la cour a estimé que la lettre du 3 juillet 2008 par laquelle le maire de la commune avait informé M. D…du souhait de Mme C… -E…, qui était l’autre propriétaire riveraine, d’acquérir le chemin rural, ainsi que de l’avis favorable de principe émis par le conseil municipal sous réserve de l’enquête publique, ne pouvait être regardée comme valant mise en demeure au sens de l’article L. 161-10 du code, quand bien même ce courrier aurait conduit M. D…à manifester le 15 juin 2009 son intérêt pour l’acquisition du chemin ; que, d’autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. D…avait, le 15 juin 2009, à l’issue de l’enquête publique, déclaré être acquéreur de ce chemin, il n’avait fourni aucune offre chiffrée ; que, par suite, la cour, qui a porté sur ces faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n’a ni insuffisamment motivé son arrêt ni commis d’erreur de droit en jugeant irrégulière la délibération attaquée dès lors que M. D…avait été privé d’une garantie ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la commune ne peut qu’être rejeté ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D…de la somme que la commune demande au titre de ces dispositions ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune le versement à M. D…de la somme de 3 000 euros demandée par celui-ci en application de ces dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Royère-de-Vassivière est rejeté.

Article 2 : La commune de Royère-de-Vassivière versera à M. D…la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Royère-de-Vassivière, à M. B… D…et à Mme A… C…-E….

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