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Construction sans permis : l’indemnisation de l’occupant sans titre !

Conseil d’État

N° 388127   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème – 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats

lecture du mercredi 15 mars 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Casinotière du Littoral Cannois a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler les titres de recettes n° 1270 du 8 avril 2010, n°s 7342, 7343, 7344, 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011 émis à son encontre par le maire de Cannes en contrepartie de l’occupation sans titre du domaine public et de lui accorder la décharge de l’obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement n°s 1002171, 1100693, 1100694, 1100696, 1100699, 1200801 du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Nice a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt n° 13MA01866 du 19 décembre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la commune de Cannes contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février 2015, 19 mai 2015, 3 juin 2015 et 6 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Cannes demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Casinotière du Littoral Cannois la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Casinotière du Littoral Cannois.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Noga Hôtels Cannes a conclu avec la commune de Cannes un bail à construction le 7 octobre 1988, pour une durée de 75 ans, en vue de la construction d’un ensemble immobilier comprenant un hôtel, un casino et une salle de spectacle, situé boulevard de la Croisette. Elle a également conclu avec la commune, le 13 septembre 1990, une convention d’occupation du domaine public pour la réalisation d’un passage souterrain, sous le boulevard de la Croisette, permettant de relier l’immeuble à la plage. Une nouvelle convention d’occupation du domaine public a été conclue le 30 mars 1994, pour la période du 1er septembre 1993 au 31 août 2005, afin de régulariser des empiètements sur le sous-sol de la voie publique résultant, d’une part, des travaux de construction de l’hôtel lui-même et, d’autre part, de la construction du passage souterrain. Le 24 septembre 2003, la société Noga Hôtels Cannes, propriétaire de l’ensemble immobilier, a conclu un bail commercial avec la société fermière du casino municipal de Cannes, aux droits de laquelle est venue la société Casinotière du Littoral Cannois, pour la location d’une surface de 2 797,22 m² située au rez-de-chaussée inférieur, au rez-de-chaussée et au cinquième sous-sol de l’immeuble, en vue de l’exploitation du casino. Par six titres de recettes émis pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, la commune de Cannes a réclamé à la société Casinotière du Littoral Cannois le paiement d’une indemnité à raison de l’occupation sans titre, pour une surface de 168 m², du tréfonds du domaine public communal. Le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 26 mars 2013, a annulé ces titres de recettes et a accordé à la société la décharge de l’obligation de payer les sommes correspondantes. La commune de Cannes se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 19 décembre 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement.

2. Sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire d’une dépendance du domaine public est fondé à réclamer à un occupant sans titre, à raison de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’il aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. Lorsque l’occupation du domaine public procède de la construction sans autorisation d’un bâtiment sur le domaine public et que ce bâtiment est lui-même occupé par une personne autre que celle qui l’a édifié ou qui a acquis les droits du constructeur, le gestionnaire du domaine public est fondé à poursuivre l’indemnisation du préjudice résultant de l’occupation irrégulière auprès des occupants sans titre, mettant ainsi l’indemnisation soit à la charge exclusive de la personne ayant construit le bâtiment ou ayant acquis les droits du constructeur, soit à la charge exclusive de la personne qui l’occupe, soit à la charge de l’une et de l’autre en fonction des avantages respectifs qu’elles en ont retiré.

3. La cour a jugé que la redevance d’occupation du domaine public au titre de l’occupation irrégulière d’une de ses dépendances, résultant de l’implantation du sous-sol d’un bâtiment empiétant sur le tréfonds de ce domaine, ne pouvait être mise à la charge de  » l’occupant non propriétaire  » d’une partie du sous-sol de l’immeuble, lié par un  » bail  » au constructeur de ce bâtiment, alors même que cet occupant y exercerait une partie de son activité commerciale. En statuant ainsi pour confirmer l’annulation des titres de recettes émis par la commune de Cannes à l’encontre de la société Casinotière du Littoral Cannois, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 2, la commune propriétaire du domaine pouvait réclamer la paiement de la redevance soit à la personne ayant construit le bâtiment ou ayant acquis les droits du constructeur, soit à la société Casinotière du Littoral Cannois qui l’occupait à la date du litige, soit à l’une et à l’autre en fonction des avantages respectifs qu’elles avaient retiré de l’occupation irrégulière, la cour a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de son pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Casinotière du littoral Cannois demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Casinotière du littoral Cannois une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cannes et non compris dans les dépens.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 19 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : La société Casinotière du Littoral Cannois versera à la commune de Cannes une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Casinotière du Littoral Cannois présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cannes et à la société Casinotière du Littoral Cannois.

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