Les dernières nouvelles

Critères de développement durable et aménagement commercial

 

Conseil d’État

N° 336234
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Bernard Stirn, président
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur
M. Rémi Keller, rapporteur public

lecture du lundi 27 juin 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu 1°), sous le n° 336234, la requête, enregistrée le 3 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS, dont le siège est allée Morvan Lebersque, à Rennes (35700), représenté par son président, le SYNDICAT COMMERCANTS DETAILLANTS DE L’HABILLEMENT ET ACCESSOIRES BRETAGNE, dont le siège est à l’Union des entreprises, 2, allée du Bâtiment, à Rennes (35000), représenté par son président, l’ASSOCIATION LA ROUTE DU MEUBLE ET DES LOISIRS, dont le siège est 2, avenue de la Préfecture, à Rennes (35000), représentée par son président ; le GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n°s 232 T et suivants du 3 décembre 2009 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé aux sociétés Au commerce rennais et Immochan France l’autorisation préalable requise en vue de la création d’un centre commercial multi-spécialiste non alimentaire à l’enseigne Auchan de 21 650 m² de surface de vente, composé d’un grand magasin de 10 000 m² et d’une galerie marchande de 11 650 m², comportant 26 boutiques spécialisées, sur la zone d’aménagement concertée de La Bunelais à Betton (Ille-et-Vilaine) ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 336235, la requête, enregistrée le 3 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE, dont le siège est à la Maison du Val d’Ille Le Bas Champ à Vignoc (35630), représentée par son président ; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n°s 232 T et suivants du 3 décembre 2009 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé aux sociétés Au commerce rennais et Immochan France l’autorisation préalable requise en vue de la création d’un centre commercial multi-spécialiste non alimentaire à l’enseigne Auchan de 21 650 m² de surface de vente, composé d’un grand magasin de 10 000 m² et d’une galerie marchande de 11 650 m², comportant 26 boutiques spécialisées, sur la zone d’aménagement concertée de La Bunelais à Betton (Ille-et-Vilaine) ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu 3°), sous le n° 337744, la requête, enregistrée le 19 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS, dont le siège est 3, rue Alexandre Lefas à Rennes (35700), représentée par son président ; l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n°s 232 T et suivants du 3 décembre 2009 par laquelle la Commission nationale d’aménagement commercial a accordé aux sociétés Au commerce rennais et Immochan France l’autorisation préalable requise en vue de la création d’un centre commercial multi-spécialiste non alimentaire à l’enseigne Auchan de 21 650 m² de surface de vente, composé d’un grand magasin de 10 000 m² et d’une galerie marchande de 11 650 m², comportant 26 boutiques spécialisées sur la ZAC de La Bunelais à Betton (Ille-et-Vilaine) ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mai 2011 sous les n°s 336234, 336235 et 337744, présentée par les sociétés Au commerce rennais et Immochan France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2011, sous le n° 337744, présentée pour l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mai 2011, sous le n° 336234, présentée par le GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGCHAMPS et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juin 2011, sous le n° 336235, présentée par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

– les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes du GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS et autres, de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE et de l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS sont dirigées contre la même décision ; qu’il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par les sociétés Au commerce rennais et Immochan France :

Considérant, d’une part, que le GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS, le SYNDICAT COMMERCANTS DETAILLANTS DE L’HABILLEMENT ACCESSOIRES BRETAGNE, l’ASSOCIATION LA ROUTE DU MEUBLE ET DES LOISIRS et l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS, qui ont notamment pour objet de défendre les intérêts de commerçants situés dans la zone de chalandise du projet, justifient d’intérêts leur donnant qualité pour contester devant le juge de l’excès de pouvoir la décision attaquée, d’autre part, que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE a autorisé son président à la représenter en justice par une délibération du 2 février 2010 ; qu’ainsi, les fins de non-recevoir opposées par les sociétés Au commerce rennais et Immochan France doivent être rejetées ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie : Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu’elle statue sur l’autorisation d’exploitation commerciale visée à l’article L. 752-1, la commission départementale d’aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d’évaluation sont : / 1° En matière d’aménagement du territoire : / a) L’effet sur l’animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L’effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l’habitation et L. 123-11 du code de l’urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu’il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles statuent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du code de commerce ;

Considérant que l’autorisation attaquée a pour objet d’autoriser, dans la zone d’aménagement concertée de La Bunelais sur le territoire de la commune de Betton, la création d’un centre commercial non alimentaire de 21 650 m² de surface de vente dont les terrains d’assiette sont situés à proximité d’un autre centre commercial déjà existant d’une surface de vente d’environ 30 000 m² ;

Considérant, d’une part, au regard du critère de qualité environnementale, qu’il ressort des pièces du dossier, qu’ainsi que le relevait la direction départementale de l’équipement et de l’agriculture dans son avis défavorable, le projet, à raison d’une emprise insuffisante des espaces verts par rapport à celle des surfaces bâties, entraînerait l’assèchement de prairies humides qui constituent aujourd’hui le terrain d’implantation ; qu’il impliquerait la disparition de la totalité de la végétation actuelle, à l’exception d’une haie bocagère ; qu’eu égard à sa dimension, il entraînerait une dégradation du paysage naturel de coteau bocager, que ne sauraient compenser les mesures particulières prévues par les pétitionnaires ; qu’ainsi le projet porterait au paysage dans lequel il s’inscrit ainsi qu’à son milieu naturel une atteinte que ne compenseraient pas les mesures en matière d’économies d’énergie et de traitement des déchets ;

Considérant, d’autre part, au regard du critère d’insertion dans les réseaux de transports collectifs, que la commission nationale a tenu compte d’un projet de desserte entre Rennes et Betton ; que toutefois, en dépit d’une mention dans le schéma de cohérence territoriale, aucun élément du dossier ne permet de regarder la réalisation de ce projet comme suffisamment certaine, alors que la taille du centre commercial projeté rend, en l’absence de toute desserte actuelle, une liaison par transports collectifs particulièrement nécessaire ; que par ailleurs, l’intention exprimée par la société Auchan Immochan et par d’autres sociétés intéressées de financer une solution intérimaire en attendant la mise en place de la liaison prévue par le schéma de cohérence territoriale, qui ne précise ni le tracé, ni les modalités, ni les conditions de financement d’une telle desserte, ne permet pas de regarder le centre commercial projeté comme inséré dans un réseau de transport collectif ; qu’ainsi, au regard des critères énumérés à l’article L. 752-6 du code de commerce précité, la réalisation du centre commercial projeté compromettrait l’objectif de développement durable fixé par la loi ;

Considérant, au surplus, que, contrairement à ce qu’a affirmé la commission nationale, le dossier des sociétés pétitionnaires ne fait apparaître aucun élément de nature à établir que le centre commercial projeté, qui serait implanté à l’écart de l’agglomération de la commune de Betton, contribuerait à l’animation de la vie urbaine dans cette commune ou dans l’agglomération de Rennes ;

Considérant que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la commission nationale a fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de commerce en accordant les autorisations demandées et à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement des sommes que demandent les sociétés Au commerce rennais et Immochan France au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 500 euros à verser à chacun des requérants, au titre des frais de même nature exposés par eux ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : La décision du 3 décembre 2009 de la Commission nationale d’aménagement commercial est annulée.

Article 2 : L’Etat versera au GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS, au SYNDICAT COMMERCANTS DETAILLANTS DE L’HABILLEMENT ACCESSOIRES BRETAGNE, à l’ASSOCIATION LA ROUTE DU MEUBLE ET DES LOISIRS, à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE et à l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS la somme de 500 euros chacun.

Article 3 : Les conclusions des sociétés Au commerce Rennais et Immochan France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au GIE CENTRE COMMERCIAL DES LONGS CHAMPS, au SYNDICAT COMMERCANTS DETAILLANTS DE L’HABILLEMENT ET ACCESSOIRES BRETAGNE, à l’ASSOCIATION LA ROUTE DU MEUBLE ET DES LOISIRS, à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU VAL D’ILLE, à l’ASSOCIATION CARRE RENNAIS et aux sociétés Au commerce rennais et Immochan France.
Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d’aménagement commercial et à la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Regardez aussi !

Ouvrages publics : l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant sur une propriété privée est imprescriptible !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat 27-09-2023 n° 466321 Texte intégral : Vu les procédures suivantes …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.