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Domanialité publique : le domaine public virtuel existe encore et toujours !

!Conseil d’État

N° 391431   
Publié au recueil Lebon
8ème / 3ème SSR
M. Jean-Marc Anton, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DIDIER, PINET, avocats

lecture du mercredi 13 avril 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par jugement avant-dire droit du 2 février 2015, le tribunal d’instance de Montpellier a sursis à statuer sur les conclusions de MM. B…C…et F…deH…deI…et deMmeE…D…, veuveC…, tendant à ce qu’il soit procédé contradictoirement au bornage des parcelles cadastrées AL n° 27 et AL n° 28, situées à Baillargues, et a invité les parties à soumettre au juge administratif une question préjudicielle relative à l’appartenance ou non de ces parcelles au domaine public de la commune.

M. B…C…, M. F…deH…deI…et MmeE…D…ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de dire que les parcelles cadastrées section AL n° 27 et AL n° 28 qui ont fait l’objet d’une expropriation partielle n’étaient pas entrées dans le domaine public de la commune de Baillargues. Par un jugement n° 1501454 du 16 juin 2015, le tribunal a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er juillet 2015, 1er octobre 2015 et 18 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Baillargues demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande ;

3°) de mettre à la charge de M. C…et autres la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

– les conclusions de MmeNathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Baillargues et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B…C…et autres ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Baillargues a décidé d’aménager sur une surface d’une douzaine d’hectares un plan d’eau artificiel destiné à la pratique des activités sportives et de loisir et pouvant servir de bassin d’écrêtement des crues ; qu’à la suite de la décision de la commune, le préfet de l’Hérault a pris, le 29 octobre 2012, un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents les travaux d’aménagement du parc Gérard Bruyères ; qu’après l’ordonnance du juge de l’expropriation du département de l’Hérault du 3 décembre 2013, la commune a exproprié M.C…, M. deH…deI…et MmeE…D…d’une partie de leur propriété correspondant aux parcelles cadastrées section AL 27 et AL 28, afin d’augmenter la surface des terrains dont elle était propriétaire et de les utiliser pour le plan d’eau ; que M.C…, M. deH…deI…etA… D… ont assigné la commune de Baillargues devant le tribunal d’instance de Montpellier afin que soit désigné un expert-géomètre chargé de proposer un bornage entre la partie expropriée et la partie non expropriée de leur propriété ; que le tribunal d’instance a sursis à statuer par un jugement du 2 février 2015 dans l’attente de savoir si les parcelles qui ont fait l’objet d’une expropriation relèvent ou non du domaine public de la commune ; que la commune se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la partie expropriée de ces parcelles ne fait pas partie du domaine public ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques:  » Le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public  » ;

3. Considérant que, quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public ;

4. Considérant que le tribunal administratif, devant lequel il n’était pas contesté que la commune avait pris la décision d’affecter les terrains en cause au service public, a, par un motif qui n’est argué d’aucune dénaturation, relevé que les travaux de réalisation du projet avaient été engagés ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu’en jugeant que les terrains n’étaient pas incorporés au domaine public de la commune, sans rechercher s’il résultait de l’ensemble des circonstances de droit et de fait, notamment des travaux dont il constatait l’engagement, que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions du service public auquel la commune avait décidé d’affecter ces terrains pouvait être regardé comme entrepris de façon certaine, le tribunal a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la commune est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque ;

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…, de M. deH…deI…et de MmeD…la somme globale de 3 000 euros à verser à la commune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions du même article font obstacle à ce que la commune verse aux défendeurs la somme qu’ils réclament à ce titre ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 juin 2015 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : M.C… , M. deH…deI…et MmeE…D…verseront à la commune de Baillargues la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de MM. C…et deH…deI…et MmeD…présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Baillargues, à MM. B… C…et F…deH…deI…et àA… E…D….

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