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Droit de préemption urbain et utilisation du bien à des fins privées

I. Le principe est assez clair. Dans un délai de 5 ans suivant la préemption, le préempteur doit affecter le bien à la réalisation d’une opération d’intérêt général prévue par l’article L210-1 du Code de l’urbanisme. Au-delà de 5 ans, il dispose du bien comme il l’entend et peut le céder à qui il souhaite.

Article L.210-1 du Code de l’urbanisme

« Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1, à l’exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d’aménagement. […] »

Avant le terme du délai de 5 ans, il arrive parfois que l’opération pour laquelle le bien a été préempté ne soit plus d’actualité. Dans cette hypothèse, le législateur a prévu que le bien puisse être affecté à la réalisation d’une opération différente et être cédé, en pleine propriété, tant à une personne publique qu’une personne privée.

Cette nouvelle opération doit néanmoins rester d’intérêt général et respecter les dispositions de l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme qui liste les opérations pour lesquelles le droit de préemption est prévu.

Article L.300-1 du Code de l’urbanisme

« Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.[…] »

II. Il arrive également que dans le délai de 5 ans plus aucune opération d’intérêt général ne soit prévue par le préempteur. Dans cette situation, il peut revendre le bien à la personne de son choix. Cette personne peut être différente du propriétaire préempté et de l’acquéreur évincé. Il peut s’agir d’une personne privée, par exemple un voisin.

Cette possibilité est cependant encadrée par l’article L.213-11 du Code de l’urbanisme.

Article L.213-11 du Code de l’urbanisme

« […] Si le titulaire du droit de préemption décide d’utiliser ou d’aliéner à d’autres fins un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l’acquisition de ce bien en priorité.A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, conformément aux règles mentionnées par l’article L. 213-4. A défaut d’acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l’acquisition.Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition dans les conditions visées aux alinéas précédents, le titulaire du droit de préemption doit également proposer l’acquisition à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien.Le titulaire du droit de préemption n’est tenu de respecter cette procédure que lorsque le nom de l’acquéreur était inscrit dans la déclaration mentionnée à l’article L. 213-2. »

Selon l’article L.213-11, pour disposer librement du bien avant le terme du délai de 5 ans et lorsqu’il n’y a plus d’opération d’intérêt général prévue, le bénéficiaire de la préemption doit proposer aux anciens propriétaires d’acquérir le bien car ils disposent d’un droit de priorité.

Si les anciens propriétaires ne souhaitent pas racheter le bien, le bénéficiaire doit se retourner vers l’acquéreur évincé car il dispose lui aussi d’un droit de priorité.

Si l’un ou l’autre accepte l’offre de rétrocession au prix et conditions proposés par le titulaire, la vente est réalisée. Si l’un des deux accepte l’offre mais à un prix différent, une procédure en fixation judiciaire du prix sera initiée par le bénéficiaire de la préemption.

Ce n’est que dans l’hypothèse où tous les deux refusent d’acheter le bien que le bénéficiaire peut en disposer librement et le revendre à une personne privée (riverain, voisin, etc.).

III. Une question se pose. Elle est de savoir si, dans le délai de 5 ans, le bénéficiaire du droit de préemption peut proposer à la rétrocession qu’une partie du bien préempté.

Dans l’immédiat, la question ne semble pas trouver de réponse évidente. Il est fort probable cependant que le juge administratif ou judiciaire est eu à connaître de celle-ci et y ait apporté une solution.

Si tel est le cas, cela signifie que le bénéficiaire peut vendre le bien en lots, à la condition que le propriétaire initial et l’acquéreur évincé ne les achètent pas. Si cette possibilité est offerte au bénéficiaire, un voisin en limite de propriété pourrait se porter acquéreur d’une seule bande de terrain.

Frédéric RENAUDIN
Avocat à la cour

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