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Élimination des déchets : la taxe doit être proportionnelle au service rendu !

Conseil d’État

N° 387546   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème / 8ème SSR
M. Christian Fournier, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
DELAMARRE ; SCP LE BRET-DESACHE, avocat

lecture du jeudi 17 mars 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Les sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus ont demandé au tribunal d’instance de Saint-Malo d’annuler les titres exécutoires émis à leur encontre le 4 juin 2012 par la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo, tendant au recouvrement, au titre de l’année 2012, de la redevance spéciale d’enlèvement des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

Par trois jugements en date du 14 janvier 2014, le tribunal d’instance de Saint-Malo a sursis à statuer sur les recours de ces trois sociétés et a invité les parties à saisir la juridiction administrative en vue d’apprécier la légalité de la délibération n° 121-2010 du 18 novembre 2010 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo a fixé à 500 euros le montant annuel de la redevance spéciale d’enlèvement des déchets mentionnés l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, pour les redevables situés dans les zones dites spécifiques de  » Saint-Malo intra-muros  » et de  » Cancale-Port de La Houle « .

Les sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus, qui exploitent chacune un hôtel dans la zone spécifique de  » Saint-Malo intra-muros « , ont demandé au tribunal administratif de Rennes, en exécution de ces jugements, d’apprécier la légalité de la délibération n° 121-2010 du 18 novembre 2010 et de déclarer que cette délibération est entachée d’illégalité.

Par un jugement n° 141802, 141803, 141807 du 4 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a déclaré que cette délibération est entachée d’illégalité.

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier, 28 avril et 7 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par les sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus ;

3°) de mettre à la charge de chacune de ces trois sociétés une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de la communauté d’agglomération du pays de Saint- Malo et à la SCP Le Bret-Desaché, avocat des sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus ;

1. Considérant que par trois jugements du 14 janvier 2014, rendus dans des instances civiles opposant les sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus à la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo, le tribunal d’instance de Saint-Malo a renvoyé les parties à saisir le juge administratif de la question de la légalité de la délibération n° 121-2010 du 18 novembre 2010 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo a fixé à 500 euros le montant annuel de la redevance spéciale d’enlèvement des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, mise à la charge des redevables situés dans les zones dites spécifiques de  » Saint-Malo intra-muros  » et de  » Cancale-Port de La Houle  » et a sursis à statuer jusqu’à la décision du juge administratif ; que la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo relève appel du jugement du 4 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a déclaré que cette délibération était illégale ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige :  » Les collectivités visées à l’article L. 2224-13 assurent également l’élimination des autres déchets définis par décret, qu’elles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières  » ; qu’aux termes de l’article L. 2333-78 du même code :  » A compter du 1er janvier 1993, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les syndicats mixtes qui n’ont pas institué la redevance prévue à l’article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d’assurer l’élimination des déchets visés à l’article L. 2224-14. /(…)/ Cette redevance est calculée en fonction de l’importance du service rendu et notamment de la quantité des déchets éliminés. Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour l’élimination de petites quantités de déchets. (…)  » ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo a entendu appliquer, par la délibération litigieuse, un tarif forfaitaire et unique de la redevance spéciale d’enlèvement des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales aux professionnels installés dans les deux zones anciennes de  » Saint-Malo intra-muros  » et de  » Cancale-Port de La Houle « , où la collecte en porte-à-porte des déchets n’est pas possible en raison de l’étroitesse des rues et qui sont contraints de déposer leurs déchets dans des points d’apport collectifs ;

4. Considérant, d’une part, qu’au regard de la fixation de la redevance spéciale instituée en vertu de l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et compte-tenu des conditions particulières de la mise en oeuvre dans la secteur  » Saint-Malo intra-muros  » du service de l’enlèvement des déchets, il est loisible à la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo d’appliquer aux trois sociétés requérantes, exploitant chacune un hôtel dans ce secteur, un taux distinct de celui qui est appliqué aux professionnels situés dans les autres secteurs de cette communauté d’agglomération, lesquels sont placés dans une situation objectivement différente ; que la fixation du taux appliqué dans le secteur  » Saint-Malo intra-muros  » ne saurait toutefois déroger au principe applicable à toutes les redevances, rappelé par les dispositions précitées de l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, selon lequel le taux fixé doit être proportionnel à l’importance du service rendu ; que, d’autre part, si la dernière phrase du premier alinéa de cet article prévoit que la redevance peut être fixée de manière forfaitaire pour l’élimination de petites quantités de déchets, cette disposition ne saurait être légalement appliquée à la totalité des professionnels soumis à cette redevance, mais seulement à ceux qui produisent effectivement une faible quantité de déchets à éliminer ; qu’il n’est d’ailleurs pas établi par les pièces du dossier que tel soit le cas des sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus ;

5. Considérant dès lors qu’en adoptant un tarif unique et forfaitaire, applicable à l’ensemble des professionnels situés dans les zones spécifiques de  » Saint-Malo intra-muros  » et de  » Cancale-Port de La Houle « , sans distinguer selon les quantités de déchets que ces professionnels sont susceptibles de produire, le cas échéant par voie d’estimation et en édictant un barème, les auteurs de la délibération litigieuse ont méconnu les dispositions précitées de l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a déclaré que la délibération de son conseil communautaire n° 121-2010 du 18 novembre 2010 était entachée d’illégalité ;

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent à la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo les sommes que celle-ci demande au titre de ces dispositions ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo le versement à chacune des sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus d’une somme de 1 000 euros au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo est rejetée.

Article 2 : La communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo versera à chacune des sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo et aux sociétés Hôtel Le Croiseur, Midotel et Le Nautilus.

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