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Lotissement : subdiviser un reliquat de lotissement sans bâtir n’est pas lotir !

Conseil d’État

N° 362019   
Publié au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP VINCENT, OHL, avocats

lecture du lundi 26 janvier 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 16 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme A…C…, demeurant … ; M. et Mme C… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 11BX00956 du 21 juin 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation, d’une part, du jugement du tribunal administratif de Pau du 22 février 2011 rejetant leur demande d’annulation de l’arrêté du 11 janvier 2010 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a délivré à M. B…D…et à la société civile de construction vente (SCCV) Le Clos Matisse un permis de construire pour la réalisation d’un bâtiment de dix-neuf logements à Idron et, d’autre part, de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat, de M. D…et de la SCCV Le Clos Matisse le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. et Mme C…;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’un lotissement composé de trois lots, dénommé  » lotissement Général Prax « , a été autorisé en 2003 par détachement d’un ensemble de terrains d’une propriété appartenant à M. D…et située sur le territoire de la commune d’Idron, dans les Pyrénées-Atlantiques ; que l’intéressé a conservé le reliquat de ces terrains, composé de deux parcelles attenantes, dont l’une accueillait déjà une villa ; que, par un arrêté du 11 janvier 2010, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a délivré à M. D…et à la société Le Clos Matisse un permis de construire en vue de l’édification d’un immeuble collectif de dix-neuf logements sur leur terrain ; que par jugement du 22 février 2011, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. et Mme C…dirigée contre cet arrêté ; que, par l’arrêt attaqué du 21 juin 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que les insuffisances ou omissions entachant un dossier de demande de permis de construire ne sont, en principe, susceptibles de vicier la décision prise, compte tenu des autres pièces figurant dans ce dossier, que si elles ont été de nature à affecter l’appréciation à laquelle se sont livrées les autorités chargées de l’examen de cette demande ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 431-6 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Lorsque le terrain d’assiette comporte des constructions, la demande précise leur destination, par référence aux différentes destinations définies à l’article R. 123-9, leur surface hors oeuvre nette et indique si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination est modifiée par le projet.  » ; que, pour écarter le moyen tiré ce que la demande de permis ne comportait pas la mention de la surface hors oeuvre nette d’une construction située sur le terrain, en méconnaissance de ces dispositions, la cour a relevé, au terme d’une appréciation souveraine des pièces du dossier, que l’administration n’avait pu être influencée par cette omission dès lors, d’une part, que le plan masse et la notice descriptive du projet faisaient apparaître l’existence d’une villa et, d’autre part, qu’aucune disposition relative à la densité des constructions n’était applicable sur le territoire de la commune ; qu’en statuant ainsi, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n’a commis aucune erreur de droit ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme :  » Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; (…)  » ; que l’article R. 431-10 du même code dispose :  » Le projet architectural comprend également : (…) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu’aucune photographie de loin n’est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse.  » ; que la cour a souverainement relevé qu’il ressortait des pièces du dossier que la demande de permis de construire décrivait l’état initial du terrain d’assiette du projet ainsi que de ses abords et comportait de nombreuses photographies permettant de situer ce terrain dans son environnement proche et dans le paysage lointain ; qu’elle a, en outre, estimé que la circonstance que la construction des consorts C…ne serait pas visible sur ces photographies n’était pas de nature à démontrer l’insuffisance de la notice paysagère, dès lors que les documents produits permettaient à l’administration d’apprécier l’environnement du projet et son insertion dans le site ; qu’en écartant en conséquence le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus, la cour a suffisamment motivé son arrêt et n’a pas entaché son appréciation de dénaturation ; que le moyen tiré de ce que cette motivation procéderait d’une erreur de droit n’est pas assorti de précisions de nature à permettre d’en apprécier le bien-fondé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 441-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Constitue un lotissement l’opération d’aménagement qui a pour objet ou qui, sur une période de moins de dix ans, a eu pour effet la division, qu’elle soit en propriété ou en jouissance, qu’elle résulte de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de locations, d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments.  » ; qu’aux termes de l’article R. 421-19 du même code :  » Doivent être précédés de la délivrance d’un permis d’aménager : a) Les lotissements, qui ont pour effet, sur une période de moins de dix ans, de créer plus de deux lots à construire : /- lorsqu’ils prévoient la réalisation de voies ou espaces communs ; /- ou lorsqu’ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé dont le périmètre a été délimité ;  » ; qu’aux termes de l’article R. 421-23 :  » Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : a) Les lotissements autres que ceux mentionnés au a de l’article R. 421-19 ;(…)  » ;

6. Considérant qu’en vertu de ces dispositions, une opération d’aménagement ayant pour objet ou ayant eu pour effet, sur une période inférieure à dix ans, la division d’une unité foncière constitue un lotissement, au sens de l’article L. 442-1 du code de l’urbanisme, dès lors qu’il est prévu d’implanter des bâtiments sur l’un au moins des lots résultant de la division ; que, toutefois, lorsque le propriétaire de cette unité foncière a décidé de ne lotir qu’une partie de son terrain, le projet ultérieur d’implanter des bâtiments sur la partie conservée ne peut être regardé comme relevant du lotissement créé, alors même que ne serait pas expirée la période de dix ans mentionnée à l’article L. 442-1 ; que ce projet n’est susceptible de relever du régime du lotissement que s’il entre par lui-même dans les prévisions de cet article, c’est-à-dire s’il procède à une division de son terrain d’assiette en vue de l’implantation de nouveaux bâtiments ;

7. Considérant que la cour a notamment relevé, au terme d’une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que le projet litigieux n’avait ni pour objet ni pour effet de diviser une propriété foncière en vue de l’implantation de bâtiments et qu’il était sans lien avec l’opération de lotissement réalisée moins de dix ans auparavant sur des terrains qui appartenaient à l’origine à la même unité foncière ; qu’il résulte de ce qui vient d’être dit qu’en en déduisant que ce projet ne relevait pas d’une opération de lotissement, la cour n’a entaché son arrêt d’aucune erreur de droit ;

8. Considérant, en troisième lieu, que pour écarter le moyen tiré de l’insuffisance des moyens de desserte du projet litigieux, la cour a relevé que l’immeuble projeté serait desservi par une voie privée d’une largeur totale de 6 mètres dont la chaussée présentait une largeur de 4,6 mètres, que la notice descriptive jointe au dossier mentionnait la présence d’un portail et prévoyait sa suppression et qu’il ressortait également des plans et pièces du dossier que cette voie privée était aménagée sur la parcelle appartenant au pétitionnaire, sur laquelle les habitants du lotissement voisin ne disposaient que d’une servitude de passage, et sans que soit spécifié un droit au maintien du portail en cause, dont il n’était pas établi qu’il empêcherait le passage des véhicules de secours ; que, ce faisant, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

9. Considérant, enfin, que la cour a estimé, pour écarter le moyen tiré de ce que l’autorisation litigieuse était entachée d’irrégularité, que si la création d’un bassin de rétention de quelque 300 m2 de superficie n’avait été prévue que dans les pièces complémentaires fournies lors de l’instruction de la demande, il n’était pas établi que cette modification aurait substantiellement affecté la teneur du projet ; qu’en statuant ainsi, la cour a, sans les dénaturer, porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C…ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C…est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A…C…et à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée à M. et Mme B…D…et à la SCCV Matisse.

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