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Permis de construire soumis à étude d’impact : quel degré de précision de l’étude ?

Cour administrative d’appel de Bordeaux 

N° 11BX02693    
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
Mme GIRAULT, président
M. Didier PEANO, rapporteur
Mme MEGE, rapporteur public
DE CASTELNAU, avocat

lecture du jeudi 10 janvier 2013

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2011 par télécopie, régularisée le 27 septembre 2011, présentée pour la société Nouvelle Métal Dom dont le siège social est Immeuble Montplaisir Z.I. de la Lézarde à Le Lamentin (97232), par Me de Castelnau, avocat ;

La SAS Nouvelle Métal Dom demande à la cour :
– d’annuler le jugement n° 0900074 du 11 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé, à la demande de la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement, le permis de construire délivré le 18 février 2008 par le maire de Fort-de-France en vue de l’édification d’une installation de traitement et d’élimination de produits blancs et bruns, de véhicules hors d’usage, de métaux ferreux et non ferreux ainsi que de pneumatiques usagés sur le terrain cadastré W437 sis dans la zone industrialo-portuaire de la Pointe des Grives à Fort-de-France ;
– de condamner la société Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
– à titre subsidiaire, d’annuler le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 11 juillet 2011 en ce qu’il l’a condamnée à verser à la SARL Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement la somme de 2 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2012 :

– le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;
– les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
– et les observations de Me Boyez, avocat de la SAS Nouvelle Métal Dom ;

1. Considérant que par arrêté du 18 février 2008, le maire de Fort-de-France a accordé à la SAS Nouvelle Métal Dom un permis de construire un centre de traitement et d’élimination de produits blancs et bruns (déchets de produits électroménagers et électriques et électroniques), de véhicules hors d’usage, de métaux ferreux et non ferreux et de pneumatiques usagés ; que la SAS Nouvelle Métal Dom relève appel du jugement n° 0900074 du 11 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé, à la demande de la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement, ce permis de construire ;

Sur la recevabilité de la demande :

S’agissant de l’intérêt à agir :

2. Considérant que la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement a acheté le 29 décembre 2006 à la Société d’économie mixte d’aménagement de la ville de Fort-de-France (SEMAFF) une parcelle jouxtant le terrain d’assiette du projet contesté dans la zone d’aménagement concerté de l’Etang Z’Abricots, et exploite à proximité un immeuble de bureaux dénommé La Yole ; que dans ces conditions, la construction autorisée par le permis de construire délivré le 18 février 2008 à la SAS Nouvelle Métal Dom est de nature à affecter les conditions d’exploitation de cet immeuble surplombant le terrain d’assiette ; qu’ainsi la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement dispose d’un intérêt pour agir à l’encontre de ce permis ; que, par suite, sans qu’il y ait lieu de vérifier ses droits de propriété sur les immeubles qu’elle exploite, le moyen tiré de l’absence d’intérêt pour agir de la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement ne peut qu’être écarté ;

S’agissant de la tardiveté :

3. Considérant qu’aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme :  » Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15.  » ; qu’aux termes de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme :  » Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (…) Cet affichage mentionne également l’obligation, prévue à peine d’irrecevabilité par l’article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. / En outre, dans les huit jours de la délivrance expresse ou tacite du permis ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable, un extrait du permis ou de la déclaration est publié par voie d’affichage à la mairie pendant deux mois. L’exécution de cette formalité fait l’objet d’une mention au registre chronologique des actes de publication et de notification des arrêtés du maire prévu à l’article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales. / Un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme règle le contenu et les formes de l’affichage.  » ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article A. 424-17 du code de l’urbanisme :  » Le panneau d’affichage comprend la mention suivante : / « Droit de recours : / Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent panneau (article R. 600-2 du code de l’urbanisme). / Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d’irrecevabilité, être notifié à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (article R. 600-1 du code de l’urbanisme).  » ;

5. Considérant que la mention relative au droit de recours contre un permis de construire prévue à l’article A. 424-17 du code de l’urbanisme, qui doit être affichée sur le terrain d’assiette du projet en application des articles R. 424-15 et R. 600-2 du même code, est un élément indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits ; que, par suite, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre d’un permis dont l’affichage ne comporte pas cette mention ou une mention équivalente, en particulier lorsque cet affichage fait référence à des règles fixant de façon différente de celles de l’article A. 424-17 le point de départ du délai de recours contentieux ;

6. Considérant qu’il ressort des constats d’huissier dressés les 24 juillet 2008, 25 septembre 2008 et 12-13 février 2009 que l’affichage du permis de construire délivré le 18 février 2008 ne comportait pas la mention relative au droit de recours contre un permis de construire prévue à l’article A. 424-17 du code de l’urbanisme mais uniquement la mention « tout recours doit être exercé dans le délai fixé par l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme »; que, dès lors, le délai de recours contentieux n’a pas couru à l’encontre de ce permis de construire et la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée ;

S’agissant de la notification :

7. Considérant qu’aux termes de l’article R. 411-7 du code de justice administrative :  » La présentation des requêtes dirigées contre un document d’urbanisme ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol est régie par les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ci-après reproduit : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. » ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement a signifié sa demande à la ville de Fort-de-France et à la SAS Nouvelle Métal Dom par exploit d’huissier du 10 février 2009 ; que cette modalité de notification constitue une formalité équivalente à la notification par lettre recommandée avec avis de réception prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ; que, dès lors, la ville de Fort-de-France n’était pas fondée à soutenir que la demande était irrecevable faute de notification par voie postale ;

Sur la légalité du permis de construire :

S’agissant de l’insuffisance du projet architectural :

9. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme :  » Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L’aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L’implantation, l’organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L’organisation et l’aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement.  » ; qu’aux termes de l’article R. 431-10 du même code :  » Le projet architectural comprend également : (…) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l’environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu’aucune photographie de loin n’est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse « .

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet de construction d’un centre de traitement et d’élimination de déchets de produits électroménagers et électriques et électroniques, de véhicules hors d’usage, de métaux ferreux et non ferreux et de pneumatiques usagés se trouve dans un secteur comprenant des immeubles de bureaux et des habitations à loyer modéré comprenant plusieurs dizaines de logements, dont les plus proches sont situés sur les parcelles limitrophes ; que s’il est vrai que le dossier joint à la demande de permis de construire présentée par la SAS Nouvelle Métal Dom fait état des immeubles construits à la date du dépôt du dossier, les documents photographiques joints ne permettent pas de situer le terrain d’assiette par rapport aux constructions avoisinantes , en raison des angles de vue choisis, lesquels au demeurant n’ont pas été reportés sur les plans ; qu’ainsi les documents photographiques ne permettaient pas d’apprécier la proximité de ces bâtiments, dont fait partie l’immeuble de bureaux dénommé La Yole implanté à environ vingt mètres de la construction projetée ; qu’eu égard à la nature du projet autorisé et à son importance rapportée à son environnement immédiat, les autres indications figurant au dossier, et notamment celles de l’étude d’impact, ne sont pas de nature à pallier les lacunes constatées et ne mettaient pas l’autorité compétente à même de statuer en toute connaissance de cause sur la demande de la SAS Nouvelle Métal Dom ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le permis de construire avait été délivré en méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme ;

S’agissant de l’insuffisance de l’étude d’impact :

11. Considérant qu’aux termes de l’article R. 122-3 du code de l’environnement :  » I. Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. II. L’étude d’impact présente successivement : 1° Une analyse de l’état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; (…) 4° Les mesures envisagées par le maître de l’ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement et la santé, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes ; (…)  » ;

12. Considérant que l’étude d’impact jointe au dossier de demande de permis de construire présente l’insertion du projet dans son environnement proche en mentionnant d’une part qu’il est situé à proximité de la zone d’aménagement concerté de l’Etang Z’Abricots, dont elle se borne à ajouter qu’elle comprend  » jusqu’à 50 mètres du terrain  » des immeubles recevant du public sans davantage de précisions, et d’autre part en décrivant le secteur d’implantation en situant les bâtiments recevant du public ou à usage d’habitation les plus proches à plusieurs centaines de mètres du terrain d’assiette ; que cette étude affirme également sans que cette allégation ne soit précisément étayée, que l’activité du centre de traitement et d’élimination de déchets projeté n’engendrera pas d’effet négatif supplémentaire sur la population ou les établissements recevant du public voisins par rapport à la situation existante, alors que l’étude de dangers jointe au dossier évoque des risques dus aux poussières, y compris d’amiante, aux vapeurs dégagées par la cuve de gasoil enterrée, aux dégagements de fumées toxiques en cas d’incendies de pneus ou d’explosions ; qu’ainsi, du fait des inexactitudes, omissions ou insuffisances, voire contradictions qu’elle comporte, cette étude d’impact ne peut pas être regardée comme ayant procédé à une analyse suffisante, d’une part, de l’état initial du site, d’autre part, des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, sur la commodité du voisinage et sur la sécurité et la salubrité publique ; que de telles lacunes ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact jointe au dossier de demande de permis de construire était fondé ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SAS Nouvelle Métal Dom n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé, à la demande de la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement, le permis de construire qui lui a été délivré le 18 février 2008 par le maire de Fort-de-France ;

Sur les frais de procès exposés en première instance :

14. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.  » ;

15. Considérant que, contrairement à ce qu’elle soutient, la SAS Nouvelle Métal Dom est à l’origine des illégalités justifiant l’annulation du permis de construire qui lui a été délivré par le maire de Fort-de-France ; que par suite, elle n’est pas fondée à soutenir à titre subsidiaire que c’est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge le versement à la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement d’une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens en appel :

16. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a lieu de faire droit aux conclusions d’aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Nouvelle Métal Dom est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Compagnie Caribéenne Immobilière d’Investissement tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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