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Un POS ou un PLU peut classer le Vent en richesse naturelle !

Conseil d’État

N° 341274
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Christian Vigouroux, président
M. Raphaël Chambon, rapporteur
M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD ; SCP DIDIER, PINET, avocats

lecture du vendredi 9 décembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juillet et 7 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Antoine B et Mme Odile A veuve B, demeurant … ; M. B et Mme A veuve B demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 08MA02052 du 7 mai 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 14 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande dirigée contre l’arrêté du 19 juillet 2001 par lequel le préfet de l’Aude a accordé à la société la Compagnie du Vent un permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien sur le territoire de la commune de Névian, d’autre part, à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de la société la Compagnie du Vent et de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

Vu la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997 ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

– les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B et de Mme A et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société la Compagnie du vent,

– les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B et de Mme A et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société la Compagnie du vent ;

Considérant que M. B, Mme A veuve B et d’autres requérants ont relevé appel du jugement du 14 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de plusieurs requérants dirigée contre l’arrêté du 19 juillet 2001 par lequel le préfet de l’Aude a délivré à la société la Compagnie du Vent un permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien sur le territoire de la commune de Névian ; que M. B et Mme A veuve B se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 7 mai 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur requête ;

Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d’appel a écarté le moyen tiré de l’erreur manifeste commise par le préfet dans l’appréciation de l’atteinte portée au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels, en relevant notamment que le paysage qui est essentiellement composé d’une garrigue basse avec des chênes kermès et des ajoncs, sans arbre, et ponctuellement des pelouses et des pointements rocheux, ne présente pas un intérêt particulier et qu’il ne fait pas l’objet de classement, ni de protection ; qu’alors même qu’elle n’a pas mentionné l’appartenance du site à une aire de production de vin d’appellation d’origine contrôlée, elle a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, que c’est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d’appel a estimé que les requérants n’établissaient pas l’existence d’un risque particulier en matière d’incendies et de lutte contre ceux-ci qui serait dû à la présence des éoliennes et dont la méconnaissance entacherait d’illégalité le permis de construire en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que si la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans sa rédaction issue de la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997, laisse, à son article 4, une marge d’appréciation aux Etats membres pour décider de soumettre ou non les projets de parcs éoliens, qui sont visés au point 3)i de l’annexe II, à une évaluation des incidences sur l’environnement, une telle étude, lorsqu’elle a été réalisée à la demande de l’Etat, doit, quel qu’en soit le fondement, respecter les prescriptions établies au point 3 de son article 5, qui ont été transposées par l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ; qu’en revanche, dès lors qu’une telle étude a été réalisée par le pétitionnaire de sa propre initiative, elle n’est pas soumise au respect de ces prescriptions ; que, par suite, en écartant comme inopérant le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact dont il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis qu’elle avait été produite de sa propre initiative par la société la Compagnie du Vent alors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait, à la date de délivrance du permis contesté, que celui-ci devait être précédé d’une étude d’impact, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : Les zones naturelles (…) comprennent en tant que de besoin : (…) / c) Les zones de richesses naturelles, dites Zones NC, à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol (…) ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la valeur agricole des terres ou la richesse du sol ou du sous-sol ne sont pas les seuls critères qui puissent être pris en compte pour le classement de parcelles dans une zone de richesses naturelles , et que d’autres critères peuvent être retenus pour autant qu’ils reposent sur la richesse naturelle des lieux ; qu’en estimant que l’exposition au vent pouvait ainsi être retenue comme critère pris en compte pour le classement en zone naturelle, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, n’interdisent pas que le règlement d’un plan d’occupation des sols autorise la construction d’éoliennes en zone naturelle ; que, par suite, en estimant que la création au sein de la zone NC d’un secteur NCe à vocation d’énergie éolienne où peuvent être construits des ouvrages de production d’énergie éolienne ne méconnaissait pas les dispositions de cet article, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant, enfin, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Névian définit une zone NC, zone de richesse naturelle principalement à vocation agricole divisée en cinq secteurs dont un secteur NCe à vocation d’énergie éolienne ; que ce faisant, les auteurs du règlement du plan d’occupation des sols ont nécessairement entendu faire échapper ce secteur aux règles générales de la zone NC manifestement incompatibles avec l’implantation des éoliennes comme celle de l’article NC10 limitant la hauteur des constructions à huit mètres cinquante ; qu’en revanche l’article NC 7 de ce règlement, relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, dispose que : La distance comptée horizontalement de tout point d’une construction au point le plus bas et le plus proche de la limite séparative doit être au moins égal à la moitié de la différence d’altitude entre ces deux points sans être inférieure à 3 mètres ; qu’aucune disposition du règlement n’écarte l’application de cet article au secteur NCe ; qu’ainsi, en jugeant que les auteurs du règlement du plan avaient entendu faire échapper aussi le secteur NCe aux règles de prospect de l’article NC 7 non manifestement incompatibles avec l’implantation des éoliennes, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B et Mme A veuve B ne sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué qu’en tant qu’il rejette leurs conclusions subsidiaires à fin d’annulation partielle du permis contesté, en ce qu’il autorise la construction des trois éoliennes n° 19, 20 et 21 qui ne respectent pas la règle de l’article NC 7 précité ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Compagnie du Vent et de l’Etat la somme de 1 500 euros chacun à verser à M. B et Mme A veuve B, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1 : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 7 mai 2010 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions dirigées contre l’arrêté du 19 juillet 2001 en ce qu’il accorde à la société la Compagnie du Vent un permis de construire les éoliennes n° 19, 20 et 21.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : L’Etat et la Compagnie du Vent verseront chacun une somme de 1 500 euros à M. B et Mme A veuve B au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine B, à Mme Odile A veuve B, à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la société La Compagnie du Vent.

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