Les dernières nouvelles

Permis de construire tacite : quoi transmettre au contrôle de légalité ?

Conseil d’État

N° 373681   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, avocat

lecture du mercredi 17 décembre 2014

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 3 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de l’égalité des territoires et du logement ; il demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 12LY02162 du 1er octobre 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, à la demande de la commune de Mollans-sur-Ouvèze, a annulé le jugement n° 1201135 du 12 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, sur déféré du préfet de la Drôme, avait annulé le permis de construire tacite né le 20 août 2011 dont était titulaire M. B…A…et rejeté le déféré du préfet de la Drôme ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la commune de Mollans-sur-Ouvèze ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 2131-1, L. 2131-2 et L. 2131-6 ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie-Justine Lieber, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Mollans-sur-Ouvèze ;

1. Considérant que, d’une part, aux termes de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales :  » Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (…)  » ; que, parmi les actes mentionnés par l’article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° :  » Le permis de construire et les autres autorisations d’utilisation du sol et le certificat d’urbanisme délivrés par le maire  » ; que l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme fixe à deux mois le délai d’instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ; que l’article R. 424-1 du même code prévoit que, à défaut d’une décision expresse dans le délai d’instruction, le silence gardé par l’autorité compétente vaut permis de construire ; qu’aux termes de l’article L. 424-8 du code de l’urbanisme :  » Le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis  » ; que l’article R. 423-7 du même code dispose :  » Lorsque l’autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt  » ; que, d’autre part, aux termes de l’article L. 422-8 de ce code :  » Lorsque la commune comprend moins de 10 000 habitants (…), le maire (…) peut disposer gratuitement des services déconcentrés de l’Etat pour l’étude technique de celles des demandes de permis ou des déclarations préalables qui lui paraissent justifier l’assistance technique de ces services. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation avec le maire (…) qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l’exécution des tâches qu’il leur confie  » ;

2. Considérant que, s’il résulte des dispositions de l’article L. 424-8 du code de l’urbanisme qu’un permis de construire tacite est exécutoire dès qu’il est acquis, sans qu’il y ait lieu de rechercher s’il a été transmis au représentant de l’Etat, ces dispositions ne dérogent pas à celles de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ; que figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites ; qu’une commune doit être réputée avoir satisfait à l’obligation de transmission dans le cas d’un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l’entier dossier de demande, en application de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme ; que le délai du déféré court alors de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission ; que, toutefois, lorsqu’une commune a fait appel aux services de l’Etat pour l’instruction d’un dossier de permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article L. 422-8 du code de l’urbanisme, cette demande d’instruction ne constitue, en l’absence de toute demande expressément formulée en ce sens par la commune auprès des services instructeurs, ni une transmission faite aux services de l’Etat en application des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, ni une transmission au préfet au titre de l’obligation posée par l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme ; qu’une telle demande n’est donc pas de nature à faire courir le délai du déféré préfectoral ; que, dans l’hypothèse où les services instructeurs ont transmis le dossier, après naissance d’un permis tacite, aux services de la préfecture chargés du contrôle de légalité, cette transmission ne peut se substituer à celle que le maire doit obligatoirement faire au préfet en application des dispositions de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme, sauf dans le cas où elle aurait été faite sur demande expresse de la commune ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Mollans-sur-Ouvèze a, sur le fondement de l’article L. 422-8 du code de l’urbanisme, saisi les services de la direction départementale des territoires de la Drôme d’une demande de permis de construire portant sur la transformation d’un cabanon en vue d’un usage d’habitation ; qu’en l’absence de réponse des services instructeurs dans un délai de deux mois, un permis de construire tacite est né le 20 août 2011 ; que la direction départementale des territoires a transmis l’entier dossier au pôle  » affaires juridiques  » de la préfecture de la Drôme le 22 septembre 2011, en signalant la naissance du permis tacite et avec la mention  » pour contrôle de légalité  » ; que le préfet de la Drôme a sollicité l’annulation de ce permis tacite par un recours gracieux reçu en mairie le 26 novembre 2011 puis par un déféré enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 27 février 2012 ; que le ministre se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 1er octobre 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble annulant le permis de construire et a rejeté le déféré préfectoral ;

4. Considérant que la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que le déféré préfectoral était tardif dès lors que la transmission de l’entier dossier de permis de construire, le 22 septembre 2011, au pôle  » affaires juridiques  » de la préfecture de la Drôme, par les services instructeurs de la direction départementale des territoires, dans les conditions mentionnées ci-dessus, devait, dans les circonstances de l’espèce, être réputée avoir été accomplie pour le compte de la commune et avait été de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu’en statuant ainsi, sans rechercher si cette transmission avait été accomplie sur instruction de la commune, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, le ministre de l’égalité des territoires et du logement est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 1er octobre 2013 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, à la commune de Mollans-sur-Ouvèze et à M. B…A….

Regardez aussi !

Lotissement : un terrain bâti peut-il être intégré dans un lotissement ?

Conseil d’État – 5ème chambre 21 mars 2023 / n° 470488 TEXTE INTÉGRAL R.822-5 Rejet PAPC défaut …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.