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Permis de démolir une construction d’intérêt historique compte tenu des intérêts en présence

Cour Administrative d’Appel de Marseille

N° 09MA03369
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. LAMBERT, président
M. Jean-Louis D’HERVE, rapporteur
M. BACHOFFER, rapporteur public
SELARL OLIVIER DE LA ROBERTIE ; ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES ; SELARL OLIVIER DE LA ROBERTIE, avocat

lecture du lundi 11 juillet 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu 1), sous le n° 09MA03369, la requête, enregistrée le 3 septembre 2009, présentée pour la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE, représentée par son président en exercice, dont le siège est 24, avenue de Laumière à Paris (75019), par Me de La Robertie ; la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de l’association les Amis du refuge de l’Aigle, l’arrêté en date du 2 juillet 2007 par lequel le maire de la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE a délivré un permis de démolir à la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association les Amis du refuge de l’Aigle devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de l’association les Amis du refuge de l’Aigle la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………….

Vu 2), sous le n° 09MA03379, la requête, enregistrée le 4 septembre 2009, présentée pour la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE, représentée par son maire en exercice, par la SELARL Adamas affaires publiques ; la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de l’association les Amis du refuge de l’Aigle, l’arrêté en date du 2 juillet 2007 par lequel le maire de la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE a délivré un permis de démolir à la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association les Amis du refuge de l’Aigle devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de l’association les Amis du refuge de l’Aigle la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………….

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe de la cour le 27 janvier 2011, le mémoire présenté sous les deux numéros pour l’association les Amis du refuge de l’Aigle par Me Berlanger ; l’association les Amis du refuge de l’Aigle conclut au rejet de la requête et demande la condamnation de la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE et de la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………..

Vu, enregistré au greffe de la cour le 4 avril 2011, le mémoire de production présenté pour la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l’arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d’Etat autorisant la cour administrative d’appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l’article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er juillet 2011 :

– le rapport de M. d’Hervé, rapporteur ;

– les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

– et les observations de Me Olivier de La Robertie pour la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE ;

Considérant que par jugement du 11 juin 2009, le tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de l’association les Amis du refuge de l’Aigle, l’arrêté en date du 2 juillet 2007 par lequel le maire de la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE a délivré un permis de démolir à la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE ; que la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE et la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE interjettent appel de ce jugement ; qu’il y a lieu de joindre ces requêtes qui ont fait l’objet d’une instruction commune pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes de L.430-1 du code de l’urbanisme dans sa version alors en vigueur : Les dispositions du présent titre s’appliquent : (…) c) dans les zones auxquelles s’appliquent les dispositions de l’article L.621-31 du code du patrimoine et de la loi du 2 mai 1930 modifiée relative à la protection des monuments naturels et des sites ; (…) f) Aux immeubles ou parties d’immeubles inscrits au titre des monuments historiques ainsi qu’aux immeubles ou parties d’immeubles adossés aux immeubles classés au titre des monuments historiques (…) ; qu’aux termes de l’article L.430-2 du même code dans sa version alors en vigueur : Dans les cas mentionnés à l’article L.430-1, quiconque désire démolir en tout ou partie un bâtiment à quelque usage qu’il soit affecté, doit, au préalable, obtenir un permis de démolir (…) ; qu’aux termes de l’article L.430-5 du même code dans sa version alors en vigueur : (…) Dans les cas visés aux alinéas autres que l’alinéa a de l’article L.430-1, le permis de démolir peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur des quartiers, des monuments et des sites ; qu’aux termes de l’article R.451-3 du même code : Lorsque le bâtiment est inscrit au titre des monuments historiques, le dossier joint à la demande comprend en outre : a) Une notice expliquant les raisons pour lesquelles la conservation du bâtiment ne peut plus être assurée bien que l’intérêt de celui-ci du point de vue de l’histoire ou de l’art ait été reconnu suffisant pour justifier sa préservation ; b) Les photographies faisant apparaître l’ensemble des façades et toitures du bâtiment ainsi que ses dispositions intérieures ; c) Dans le cas d’une démolition partielle, la description des moyens mis en oeuvre pour éviter toute atteinte aux parties conservées. ;
Considérant que par un arrêté du 19 mars 1943, le ministre de l’éducation nationale a inscrit sur la liste des sites dont la conservation présente un intérêt général celui de la Meije , composé par les sommets, cols et arêtes allant du sommet de la Lauze au Pic Oriental de la Meije, les arêtes secondaires descendant de ces sommets, les glaciers, le lac de Puy-Vachier et les refuges de l’Aigle, du Promontoire et Evariste Chancel ;

Considérant que parmi tous les éléments qui composent ce site protégé, le refuge de l’Aigle occupe une place particulière, indissociable des sommets emblématiques qui le dominent, pour tous les alpinistes qui s’y sont protégés ou simplement arrêtés après avoir effectué la traversée des arêtes de la Meije ; que cette construction en bois de mélèze, accrochée depuis 1910 à 3450 mètres d’altitude sur le rocher de l’Aigle, au dessus de l’arête séparant le glacier de l’Homme de celui du Tabuchet, sous le Doigt de Dieu , semblait être devenu un élément naturel qui aurait garanti sa pérennité ; que cependant, estimant qu’il n’était plus adapté à sa fréquentation en hausse notable et jugeant excessif le coût de sa consolidation et de sa mise aux normes de sécurité, la fédération française des clubs alpins, détentrice d’un bail emphytéotique consenti par la commune de La Grave, a demandé au maire de cette commune une autorisation de démolir afin de substituer au refuge existant une construction plus moderne et pouvant accueillir un plus grand nombre d’alpinistes ; que le tribunal administratif a annulé l’arrêté du 2 juillet 2007 par lequel le maire de la commune de La Grave a accordé ce permis de démolir, estimant qu’il était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu, d’une part, des travaux régulièrement réalisés depuis les années 1960 pour conforter son haubanage sur le rocher, pour améliorer son confort par la pose de panneaux photovoltaïques et pour l’agrandir et, d’autre part, de l’intérêt historique qu’il représente ;

Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d’expertise et photographies joints au dossier de demande de permis de démolir que la conservation du refuge de l’Aigle ne peut plus être assurée en raison de son état de vétusté ; que, par ailleurs, sa conception d’origine n’est plus adaptée à sa mission d’accueillir les alpinistes et les services de secours ; qu’en particulier, en raison de son exiguïté, il n’offre que dix huit couchages officiels alors qu’il serait nécessaire de pouvoir accueillir dans de bonnes conditions au moins une trentaine de personnes pour répondre à ses missions ; que les règles modernes d’hygiène alimentaire et sanitaire ne peuvent être respectées à l’intérieur de l’actuel refuge, ainsi que les règles de sécurité, ce qui crée notamment des risques d’incendie ; qu’à cet égard, il est constant que son ouverture au public fait l’objet chaque année d’une autorisation dérogatoire délivrée par le sous-préfet de Briançon ;

Considérant que le seul emplacement adapté pour la construction d’un refuge répondant dans le secteur de la Meije aux nécessités actuelles du secours en montagne et à un usage utile par les alpinistes est, compte tenu de la nature du relief, celui occupé par le refuge de l’Aigle ; que, par suite, malgré l’intérêt présenté par l’actuel refuge du point de vue de l’histoire de l’alpinisme, il est nécessaire de le remplacer ; que cette opération n’est pas par elle même de nature à compromettre de façon disproportionnée, compte tenu des différents intérêts légitimes en présence, la protection ou la mise en valeur de l’ensemble du site de la Meije tel qu’il a été classé en 1943 ;

Considérant enfin que le Club Alpin Français s’est engagé à démonter le bâti existant de façon à pouvoir le réimplanter dans un endroit moins exposé du site, pour faire perdurer ce témoignage de l’histoire de la Meije ;

Considérant qu’il ressort de tout ce qui précède que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire avait commis une illégalité en délivrant le permis de démolir en litige ;
Considérant qu’en l’absence d’autre moyen soulevé par l’association les Amis du refuge de l’Aigle en première instance, dont la cour pourrait être saisie par l’effet dévolutif de l’appel, la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE et la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE sont fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé le permis de démolir du 2 juillet 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE et la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE, qui ne sont pas la partie perdante, la somme que demande l’association les Amis du refuge de l’Aigle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’association les Amis du refuge de l’Aigle une somme à payer à la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE et à la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juin 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l’association les Amis du refuge de l’Aigle devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la FEDERATION FRANÇAISE DES CLUBS ALPINS ET DE LA MONTAGNE, à la COMMUNE DE LA GRAVE – LA MEIJE et à l’association les Amis du refuge de l’Aigle.
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N° 09MA03369-09MA033792
md


Abstrats : 68-04-01-03 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. AUTRES AUTORISATIONS D’UTILISATION DES SOLS. PERMIS DE DÉMOLIR. LÉGALITÉ INTERNE. – PERMIS DE DÉMOLIR EXIGIBLE SUR LE FONDEMENT DU C) DE L’ARTICLE L. 430-1 DU CODE DE L’URBANISME, ALORS EN VIGUEUR – SEUL MOYEN D’ANNULATION TIRÉ DE L’INTÉRÊT HISTORIQUE DE LA CONSTRUCTION – REJET.

Résumé : 68-04-01-03 Malgré l’intérêt présenté par un refuge de haute montagne, construit en 1910, du point de vue de l’histoire de l’alpinisme, l’autorisation de le démolir en vue de son remplacement est justifiée et doit être regardée comme proportionnée au but poursuivi, compte tenu de son état de vétusté et de l’impossibilité, dans cet état, de le conforter et de l’agrandir pour répondre à sa mission d’accueillir les alpinistes et les services de secours dans de bonnes conditions de sécurité.

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