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Délimitation de Zones Agricoles Protégées – L.112-2 Code Rural : elles existent depuis 1999 et ça fonctionne plutôt bien !

CAA de NANTES

N° 14NT01126   
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. PEREZ, président
M. Eric FRANCOIS, rapporteur
M. DELESALLE, rapporteur public
CABINET DMT DENIS MESCHIN LE TAILLANTER, avocat

lecture du vendredi 10 juillet 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2014, présentée pour M. et Mme A…-C…, demeurant…, par Me Meschin avocat au barreau d’Angers

M. et Mme A…-C… demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1103207 et 1107731 du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation, d’une part, de l’arrêté du 27 octobre 2010 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a institué une zone agricole protégée sur le territoire de Distré, d’autre part, de la délibération du 29 mars 2011 du conseil municipal de Distré approuvant le plan local d’urbanisme ;

2°) d’annuler la décision et la délibération en cause ;

ils soutiennent, en ce qui concerne la zone agricole protégée, que :

– les parcelles concernées n’étaient pas identifiables sur le dossier d’enquête publique ;

– le jardin d’agrément et l’espace boisé de 17 hectares leur appartenant ne possèdent pas les caractéristiques requises pour être inclus dans une zone agricole protégée ;

et, en ce qui concerne le plan local d’urbanisme, que :

– les avis de l’institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée (INAO) et de la chambre d’agriculture n’ont pas été sollicités préalablement à l’adoption du plan ;

– la servitude résultant de la création de la zone agricole protégée ne figurait pas au dossier de l’enquête publique ;

– le classement de leurs parcelles ZP 26 et ZO 133 est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2014, présenté pour la commune de Distré, représentée par son maire, par Me Meunier avocat au barreau d’Angers, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A…-C… une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir que les moyens des requérants sont infondés ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2015, présenté pour M. et Mme A…-C…, qui concluent aux mêmes fins que leur requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Distré le versement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés les 9 et 11 juin 2015, présentés pour la commune de Distré, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et, le cas échéant, à ce que la cour sursoit à statuer sur la demande d’annulation du plan local d’urbanisme afin de permettre la régularisation du classement litigieux par voie de modification du plan ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2015, présenté par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt qui conclut au rejet de la requête ;

– il fait valoir que les moyens des requérants ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2015, présenté pour M. et Mme A…-C…, qui persistent dans leurs écritures ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juin 2015, présentée pour M. et Mme A…-C… ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 juin 2015 :

– le rapport de M. François, premier conseiller ;

– les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public ;

– et les observations de Me Meschin, avocat de M. et Mme A…et de MeB…, substituant Me Meunier, avocat de la commune de Distré ;

1. Considérant que M. et Mme A…-C… relèvent appel du jugement du 27 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation, d’une part, de l’arrêté du 27 octobre 2010 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a institué une zone agricole protégée sur le territoire de la commune de Distré, d’autre part, de la délibération du 29 mars 2011 du conseil municipal de Distré approuvant le plan local d’urbanisme ;

En ce qui concerne l’arrêté préfectoral créant une zone agricole protégée :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime :  » Des zones agricoles dont la préservation présente un intérêt général en raison soit de la qualité de leur production, soit de leur situation géographique peuvent faire l’objet d’un classement en tant que zones agricoles protégées. Celles-ci sont délimitées par arrêté préfectoral pris sur proposition ou après accord du conseil municipal des communes intéressées (…)après avis de la chambre d’agriculture, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture et après enquête publique réalisée dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. L’existence de parcelles boisées de faible étendue au sein d’une telle zone ne fait pas obstacle à cette délimitation (…)  » ; qu’aux termes de l’article R.112-1-5 du même code :  » Le dossier de proposition contient (…) un plan de délimitation du ou des périmètres de la zone d’une échelle telle que chaque parcelle soit clairement identifiable.  » ; que l’article R.112-1-7 de ce code énonce que  » Le projet de zone agricole protégée est soumis à enquête publique par le préfet dans les conditions définies aux articles L. 123-1 et suivants du code de l’environnement.  » ;

3. Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent qu’en méconnaissance des dispositions de l’article R.112-1-5 précité, les parcelles incluses dans la zone agricole protégée n’étaient pas suffisamment identifiables sur les plans du périmètre de la zone, notamment dans l’aire d’appellation d’origine contrôlée, cette omission n’a pas eu pour effet de priver les propriétaires concernés de la possibilité de faire valoir leurs droits ni exercé d’influence sur la décision préfectorale dès lors qu’il ressort des pièces du dossier, d’une part, que les requérants ont fait parvenir au commissaire enquêteur lors de l’enquête publique un courrier exposant leurs observations relatives à la délimitation des parcelles leur appartenant et que M. A…a pu développer ses demandes de modification lors d’un entretien avec le commissaire enquêteur, d’autre part, que la délimitation de la zone agricole protégée a été établie en concertation avec la commune après consultation de la chambre d’agriculture de Maine-et-Loire et de l’institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée (INAO) qui ont émis un avis favorable ; que, par suite le moyen ne peut être accueilli ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’il n’est pas contesté que le périmètre de la zone agricole protégée a été adapté afin de tenir compte des observations de la chambre d’agriculture et de l’INAO et a été marqué par un effort de cohérence, en prenant soin de regrouper des secteurs homogènes aux limites régulières ; que si les parcelles cadastrées ZO 130 et 131 appartenant aux requérants sont constitutives d’un jardin d’agrément, il ressort toutefois des pièces du dossier que, dépourvues de constructions, elles sont parties intégrantes du secteur naturel à dominante agricole qui les enserre au nord, au sud et à l’ouest et, à ce titre, ont pu être légalement incluses dans cette zone ;

5. Considérant, enfin, que par sa superficie de 17 hectares, l’espace boisé dit  » bois de la Pège  » s’étendant sur plusieurs parcelles dont M. et Mme A…-C… sont propriétaires au lieu-dit  » Les Bas Quartiers « , ne saurait être regardé comme de faible étendue au sens des dispositions précitées de l’article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime, alors même que la superficie totale de la zone agricole protégée est de 600 hectares ; que, par suite il convient d’annuler l’arrêté du 27 octobre 2010 du préfet de Maine-et-Loire, lequel est divisible eu égard à l’objet de ces dispositions, en tant qu’il a inclus cet espace boisé dans la zone agricole protégée et de réformer dans la même mesure le jugement du 27 février 2014 du tribunal administratif de Nantes ;

En ce qui concerne la délibération du conseil municipal approuvant le plan local d’urbanisme :

6. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que :  » Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement par le maire. Le dossier soumis à l’enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-17 du même code :  » Conformément à l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, le plan local d’urbanisme ne peut être approuvé qu’après avis de la chambre d’agriculture et, le cas échéant, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée (…) lorsqu’il prévoit une réduction des espaces agricoles ou forestiers. (…)  » ;

7. Considérant que si les requérants font valoir que les avis de la chambre d’agriculture de Maine-et-Loire et de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée n’ont pas été sollicités préalablement à l’approbation du plan local d’urbanisme, ils n’établissent pas que ce plan emporterait une réduction des espaces agricoles situés dans les zones d’appellation d’origine contrôlée ; que, par suite, et alors qu’en tout état de cause la chambre d’agriculture consultée sur le projet arrêté de plan local d’urbanisme a émis un avis favorable le 15 septembre 2010, le moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 123-10 et R.123-17 précités doit être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort du rapport du commissaire enquêteur que l’arrêté du 27 octobre 2010 créant la zone agricole protégée était incorporé au dossier d’enquête publique, lequel, par suite, n’était pas entaché d’insuffisance sur ce point ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme:  » Les zones à urbaniser sont dites « zones AU ». Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation. (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-7 du même code :  » Les zones agricoles sont dites « zones A ». Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. (…)  » ; qu’il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti pris d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;

10. Considérant que la parcelle cadastrée ZP 26 située au sud-est du bourg est contigüe à l’enveloppe bâtie de ce dernier ; que, par suite son classement en zone à urbaniser AU répond aux objectifs du projet d’aménagement et de développement durable préconisant l’aménagement de zones d’habitat centrées sur le bourg et la limitation des déplacements motorisés ; que la délibération approuvant le plan local d’urbanisme est assortie d’un engagement du conseil municipal de réaliser une étude paysagère permettant de préserver le cône de visibilité donnant sur la vallée du Douet ; que, dans ces conditions, le classement de cette parcelle en zone 2 AU destinée à l’urbanisation n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

11. Considérant que la parcelle non bâtie cadastrée ZO 133, caractérisée par la présence d’arbres de hautes tiges, est partie intégrante d’un vaste espace naturel et agricole ; que, par suite, alors même que seul un chemin la sépare à son extrémité ouest des dernières maisons alignées du bourg de Distré, les auteurs du plan local d’urbanisme n’ont pas entaché leur décision d’une erreur manifeste d’appréciation en la classant en zone agricole A ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A…-C… sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande en tant qu’elle tendait à l’annulation de l’arrêté du 27 octobre 2010 du préfet de Maine-et-Loire en tant que cet arrêté inclut le Bois de la Pège dans la zone agricole protégée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter les conclusions présentées par chacune des parties sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’arrêté du 27 octobre 2010 du préfet de Maine-et-Loire est annulé en tant qu’il inclut dans la zone agricole protégée l’espace boisé d’une superficie de 17 hectares dit  » bois de la Pège  » implanté au lieu-dit  » Les Bas Quartiers « .
Article 2 : Le jugement du 27 février 2014 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A…-C… est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Distré tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A…-C…, à la commune de Distré, au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l’audience du 16 juin 2015, où siégeaient :
– M. Pérez, président de chambre,
– M. Millet, président-assesseur,
– M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2015.
Le rapporteur,
E. FRANÇOISLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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