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Détournement de pouvoir dans la délimitation d’une Zone France Urbaine

 

Conseil d’État

N° 325716   
Inédit au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
M. Roger-Lacan Cyril, rapporteur public

lecture du lundi 10 janvier 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l’ordonnance du 18 février 2009, enregistrée le 2 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Lille a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et M. Laurent A ;

Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille, le 7 novembre 2007, présentée par l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS dont le siège est situé 202, rue de Villars à Denain (59220) et M. A, demeurant à la même adresse ; l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et M. A demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision implicite de rejet du Premier ministre opposée à leur demande d’inclusion du centre-ville de Denain dans le périmètre de zone franche urbaine défini par l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 portant délimitation des zones franches urbaines créées en application de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’inclure le centre commerçant de Denain dans ce périmètre de zone franche urbaine ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;

Vu le décret n° 2006-930 du 28 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2006-1623 du 19 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

– les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

Considérant que par une décision implicite, le Premier ministre a rejeté la demande de l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et de son président M. A tendant à l’inclusion du centre-ville de Denain dans le périmètre de la zone franche urbaine de Denain et de Douchy-les-Mines (Nord) défini par l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 portant délimitation des zones franches urbaines créées en application de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances et du décret du 28 juillet 2006 portant création de zones franches urbaines en application de l’article 26 de cette même loi ; que les requérants demandent l’annulation de cette décision et l’intégration du centre-ville de Denain dans le périmètre de la zone franche urbaine délimité par l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 ;

Considérant qu’aux termes du point 3 de l’article 42 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire modifiée notamment par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances : 3. Les zones urbaines sensibles sont caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi. Elles comprennent les zones de redynamisation urbaine et les zones franches urbaines. Dans les départements d’outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, ces zones sont délimitées en tenant compte des caractéristiques particulières de l’habitat local. La liste des zones urbaines sensibles est fixée par décret. Elle fait l’objet d’une actualisation tous les cinq ans. / A. -Les zones de redynamisation urbaine correspondent à celles des zones urbaines sensibles définies au premier alinéa ci-dessus qui sont confrontées à des difficultés particulières, appréciées en fonction de leur situation dans l’agglomération, de leurs caractéristiques économiques et commerciales et d’un indice synthétique. Celui-ci est établi, dans des conditions fixées par décret, en tenant compte du nombre d’habitants du quartier, du taux de chômage, de la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans, de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme et du potentiel fiscal des communes intéressées. La liste de ces zones est fixée par décret. (…) / B. – Des zones franches urbaines sont créées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine. La liste de ces zones est annexée à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Leur délimitation est opérée par décret en Conseil d’Etat, en tenant compte des éléments de nature à faciliter l’implantation d’entreprises ou le développement d’activités économiques. Cette délimitation pourra prendre en compte des espaces situés à proximité du quartier, si ceux-ci sont de nature à servir le projet de développement d’ensemble dudit quartier. Ces espaces pourront appartenir, le cas échéant, à une ou plusieurs communes voisines qui ne seraient pas mentionnées dans ladite annexe. / En outre, des zones franches urbaines sont créées à compter du 1er août 2006 dans des quartiers de plus de 8 500 habitants particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine. La liste de ces zones franches urbaines est arrêtée par décret. Leur délimitation est opérée dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa du présent B (…) ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsqu’il procède à la délimitation des zones franches urbaines créées à compter du 1er août 2006 dans des quartiers de plus de 8 500 habitants en application de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le pouvoir réglementaire peut ne pas faire coïncider exactement leurs limites avec celles des quartiers dont la liste est annexée au décret du 28 juillet 2006 visé ci-dessus, s’il apparaît que la fixation d’un périmètre s’écartant, à la marge, de ces limites est de nature à permettre la réalisation, dans de meilleures conditions, des objectifs énoncés par la loi ; qu’il peut, en particulier, inclure dans une zone franche urbaine des parcelles situées à proximité des quartiers mentionnés dans le décret cité ci-dessus, lorsqu’une telle extension tend à faciliter l’implantation d’entreprises ou le développement d’activités économiques ;

Considérant, en premier lieu, que l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et M. A soutiennent que l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 portant délimitation des zones franches urbaines créées en application de l’article 26 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances est illégale dès lors qu’elle n’intègre ni le centre-ville de la commune de Denain ni la rue de Villars de cette commune ; que la circonstance que cette inclusion aurait favorisé le développement économique et l’emploi dans cette zone, ainsi que le soutiennent les requérants, n’est pas, à elle seule, de nature à établir qu’une telle extension de la zone franche était nécessaire à la réalisation des objectifs fixés par la loi du 14 novembre 1996 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que l’inclusion dans le même périmètre de la zone franche urbaine, d’une part, du centre municipal polyvalent l’Espace Villars et, d’autre part, d’un immeuble situé à l’entrée sud de la route départementale 955, tous deux situés dans le centre-ville, vise à faciliter l’implantation et le développement d’activités ; que cette inclusion n’a pas pour effet d’induire une discrimination au regard des commerces de la rue de Villars, dès lors en tout état de cause qu’il n’est pas établi que les bénéficiaires concernés exerceraient des activités identiques à l’intérieur d’une même zone de chalandise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, faute d’avoir inclus le centre-ville de Denain, la délimitation de la zone franche urbaine retenue dans l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 créerait une discrimination au regard des objectifs de la loi mentionnée ci-dessus, ne peut qu’être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que l’inclusion des deux immeubles mentionnés ci-dessus, dont la commune de Denain serait propriétaire, dans le périmètre de la zone franche urbaine constituerait un détournement de pouvoir ne peut être utilement invoqué contre la décision du Premier ministre refusant d’intégrer dans le périmètre de zone franche urbaine le centre-ville de Denain ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et M. A ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision implicite du Premier ministre refusant d’inclure le centre-ville de Denain dans le périmètre de zone franche urbaine défini par l’annexe 4 du décret du 19 décembre 2006 ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d’injonction, comme celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS et de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DU DENAISIS, à M. Laurent A et à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

 

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