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Domaine public : l’incorporation a pour effet la novation d’un bail rural !

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Marseille
16-10-2020
n° 20MA01368

Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenu d’une contravention de grande voirie, M. E. C. et a conclu à ce que ce tribunal, d’une part, constate que l’occupation et l’utilisation sans droit ni titre du domaine public par l’intéressé établies par le procès-verbal dressé le 28 mars 2018 constituait la contravention prévue et réprimée par l’article L. 322-10-4 du code de l’environnement et condamne le prévenu au paiement d’une amende de 1 500 €, d’autre part, enjoigne à l’intéressé d’évacuer les lieux et de les remettre en état dans le délai de quinze jours sous astreinte de 500 € par jour de retard, l’autorise en cas d’inexécution dans un délai d’un mois à procéder d’office aux remises en état aux frais du contrevenant, lui permette le cas échéant de recourir au concours de la force publique, et enfin se réserve le droit de liquider les astreintes prononcées.

Par un jugement n° 1804425 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné M. C. au paiement d’une amende de 500 € au profit du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, lui a enjoint d’évacuer les lieux dans un délai de neuf mois sous astreinte de 50 € par jour de retard et de les remettre au Conservatoire dans l’état où ils se trouvaient au 1er janvier 2017, a autorisé l’établissement public à recourir le cas échéant à la force publique et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 20MA01368, par une requête, enregistrée le 24 mars 2020, M. C., représenté en dernier lieu par Me B., demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2020 ;

2°) de rejeter les demandes du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres présentées devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres la somme de 2 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– la juridiction administrative est incompétence pour se prononcer sur les demandes du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

– le jugement est irrégulier dans la mesure où le sens des conclusions du rapporteur public prononcées à l’audience différait de celui qui avait été préalablement communiqué aux parties ;

– les constations relatées dans le procès-verbal du 28 mars 2018 ont été effectuées en méconnaissance du principe de loyauté dans l’administration de la preuve ;

– il n’est pas établi que le procès-verbal du 28 mars 2018 aurait été dressé par des agents régulièrement assermentés et commissionnés à cet effet ;

– les constations relatées sur ce procès-verbal sont erronées ce dont il se déduit qu’il est dépourvu de caractère probant ;

– les agents verbalisateurs se sont rendus coupables d’une violation de domicile ;

– c’est à tort que le tribunal administratif a estimé qu’il avait fermé l’accès au domaine public ;

– en l’absence d’atteinte à l’intégrité et à la conservation du domaine public il ne pouvait faire l’objet de poursuites ;

– il exploite le domaine de Taxil selon des pratiques de bonne gestion respectueuses de l’écosystème ;

– dans la mesure où il était titulaire d’un bail rural préexistant à l’incorporation des parcelles en litige au domaine public, il ne pouvait être regardé comme un occupant sans titre de ce domaine ;

– en refusant de tenir compte des droits que lui conférait sur les parcelles en litige le jugement 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon, le tribunal administratif a méconnu l’autorité de la chose jugée attaché à ce jugement qui avait reconnu l’existence à son profit d’un bail rural verbal ;

– la condamnation au paiement de l’amende ne pouvait pas être prononcée au profit du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2020, le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, représenté par la SELAS EY, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que l’article 1er de ce jugement soit réformé seulement en tant qu’il prononce la condamnation au paiement de l’amende à son profit et non pas à celui du Trésor Public et enfin à ce que la somme de 3 000 € soit mise à la charge de M. C. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– les moyens soulevés par M. C. ne sont pas fondés ;

– la condamnation au paiement d’une amende à son profit et non à celui du Trésor Public constitue une simple erreur matérielle qui ne peut conduire qu’à réformer sur ce point l’article 1er du jugement attaqué.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que M. C. n’est pas recevable à exciper de l’illégalité de la délibération du 21 novembre 2013 classant le domaine du Mas de Taxil dans le domaine propre du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, dans sa requête enregistrée le 24 mars 2020, soit après l’expiration du délai du recours contentieux contre cette délibération.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2020, M. C. a présenté pour partie des observations sur ce moyen d’ordre public.

L’instruction a été close le 3 septembre 2020, sur le fondement de l’article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance portant clôture d’instruction immédiate.

Par le même mémoire enregistré le 28 septembre 2020, M. C. a présenté d’autres observations.

M. C. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

II) Sous le n° 20MA01470, par une requête, enregistrée le 30 mars 2020, M. C., représenté en dernier lieu par Me B., demande à la cour de surseoir à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2020.

Il soutient que :

– le jugement attaqué risque d’entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;

– il justifie de moyens sérieux dans la mesure où le jugement est irrégulier car le sens des conclusions du rapporteur public prononcées à l’audience différait de celui qui avait été préalablement communiqué aux parties et qu’il peut se prévaloir d’un titre d’occupation résultant du jugement du 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2020, le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, représenté par la SELAS EY, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 € soit mise à la charge de M. C. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C. ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’environnement ;

– le code général de la propriété des personnes publiques ;

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. Georges D., président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. D.,

– les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

– et les observations de Me A., représentant le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.

Considérant ce qui suit :

1. Le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres a déféré M. E. C. au tribunal administratif de Marseille, comme prévenu d’une contravention de grande voirie prévue et réprimée par l’article L. 322-10-4 du code de l’environnement, sur la base d’un procès-verbal dressé le 28 mars 2018 constatant, sur le territoire de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), au lieu-dit le « Mas du Taxil » l’occupation sans autorisation du domaine public de parcelles et dépendances, d’une superficie d’environ 71 hectares et leur exploitation sans droit ni titre caractérisée par la coupe de roselière et l’élevage de chevaux. Par un jugement du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné M. C. à payer à l’établissement public une amende de 500 € et lui a enjoint d’évacuer les lieux dans un délai de neuf mois à compter de la notification de son jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard ainsi que de les remettre au Conservatoire dans l’état où ils se trouvaient au 1er janvier 2017. M. C. relève appel de ce jugement et demande, par une requête distincte, son sursis à exécution. Il doit être regardé comme demandant l’annulation des articles 1er et 2 de ce jugement qui seuls lui font grief.

2. Les requêtes n° 20MA01368 et n° 20MA01470, enregistrées pour M. C., présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un même arrêt.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : […] 3° Aux contraventions de grande voirie, conformément à l’article L. 774-1 du code de justice administrative […]. » L’article L. 774-1 du code de justice administrative dispose que « Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue sur les difficultés qui s’élèvent en matière de contravention de grande voirie, à défaut de règles établies par des dispositions spéciales. »

4. Il résulte de ces dispositions que les litiges relatifs aux contraventions de grande voirie relèvent de la compétence de la juridiction administrative. Le juge administratif est, par suite, compétent pour connaître du présent litige, qui concerne les poursuites engagées par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres à l’encontre de M. C. à raison de faits qualifiés de contravention de grande voirie.

5. S’il est soutenu par M. C. que les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé ne sont pas compris dans le domaine public du Conservatoire, cette question, qui se rattache au fond du litige, est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les poursuites engagées à son encontre.

Sur le bien-fondé des poursuites :

En ce qui concerne l’appartenance du Mas de Taxil au domaine public :

6. D’une part, aux termes de l’article L. 322-9 du code de l’environnement : « Le domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des espaces lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l’Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu’il décide de conserver afin d’assurer sa mission […]. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l’exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public […]. » Aux termes du second alinéa de l’article R. 322-7 du même code : « Le conseil d’administration du conservatoire classe dans son domaine propre, mentionné à l’article L. 322-9, les biens immobiliers qui lui appartiennent lorsqu’ils constituent un ensemble permettant l’établissement d’un plan de gestion conformément à l’article R. 322-13. Il procède dans les meilleurs délais à la cession des immeubles qui n’ont pas vocation à être classés dans son domaine propre. » Selon le II de l’article R. 322-26 dudit code, le conseil d’administration : « […] délibère notamment sur : […] 4° Le classement des immeubles dans le domaine propre de l’établissement […]. »

7. Il résulte des dispositions mentionnées au point 6, que l’incorporation au domaine public d’un terrain appartenant au Conservatoire de l’espace littoral et des espaces lacustres est subordonnée à l’intervention d’une délibération du conseil d’administration de l’établissement classant ce terrain dans son domaine propre. L’entrée en vigueur de cette décision de classement, qui ne constitue pas une décision réglementaire et ne présente pas davantage le caractère d’une décision administrative individuelle, est subordonnée, en l’absence de dispositions contraires, à l’accomplissement de formalités adéquates de publicité.

8. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a décidé de classer le domaine du Mas de Taxil dans le domaine propre de l’établissement public. Il résulte de l’instruction que cette délibération a été mise en ligne à compter du 1er janvier 2017 sur le site internet du Conservatoire, dans la rubrique « Actes administratifs », 2. Conseil d’administration (délibérations foncières et autres) », dans des conditions garantissant la fiabilité et la date de la mise en ligne de cet acte. Cette mise en ligne doit être regardée comme une mesure de publicité suffisante permettant son entrée en vigueur à cette dernière date, alors même qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’une notification à M. C. Il en résulte que depuis le 1er janvier 2017, le domaine du Mas de Taxil doit être regardé comme une dépendance du domaine public.

9. La délibération par laquelle le conseil d’administration de l’établissement classe un terrain dans le domaine propre du Conservatoire n’ayant pas un caractère réglementaire comme il a été dit au point 7, son illégalité ne peut être invoquée par la voie de l’exception que dans le délai du recours contentieux. Par suite, M. C., n’est pas recevable à exciper de l’illégalité de la délibération du 21 novembre 2013 classant le domaine du Mas de Taxil dans le domaine propre de l’établissement public, dans sa requête enregistrée le 24 mars 2020, soit après l’expiration du délai du recours contentieux contre cette délibération, dont il a été dit qu’elle a été régulièrement publiée le 1er janvier 2017.

10. Il résulte de ce qui précède, qu’à la date du procès-verbal du 28 mars 2018 servant de fondement aux poursuites, les parcelles en litige appartenaient au domaine public du Conservatoire de l’espace littoral et des espaces lacustres.

En ce qui concerne la matérialité de l’infraction :

11. D’une part, aux termes de l’article L. 322-10-4 du code de l’environnement : « Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l’intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / Elle est constatée par les agents visés à l’article L. 322-10-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. Elles supportent les frais des mesures provisoires et urgentes que le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a pu être amené à prendre pour faire cesser le trouble apporté au domaine public par les infractions constatées […]. » Aux termes de l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous. »

12. D’autre part, aux termes de l’article L. 322-9 du code de l’environnement : « Le conservatoire et le gestionnaire peuvent autoriser par voie de convention un usage temporaire et spécifique des immeubles dès lors que cet usage est compatible avec la mission poursuivie par le conservatoire, telle que définie à l’article L. 322-1. / Dans le cas d’un usage de ce domaine public associé à une exploitation agricole, priorité est donnée à l’exploitant présent sur les lieux au moment où les immeubles concernés sont entrés dans le domaine relevant du conservatoire. / […] La convention avec celui-ci fixe les droits et obligations de l’exploitant en application d’une convention-cadre approuvée par le conseil d’administration et détermine les modes de calcul des redevances. »

13. Enfin aux termes de l’article L. 2111-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « S’il n’en est disposé autrement par la loi, tout acte de classement ou d’incorporation d’un bien dans le domaine public n’a d’autre effet que de constater l’appartenance de ce bien au domaine public […]. »

14. Il résulte tant des énonciations du procès-verbal du 28 mars 2018, qui font foi jusqu’à preuve contraire, que des autres pièces du dossier que M. C. occupait l’habitation du Mas de Taxil et exploitait les espaces naturels y attenant, constituées de roselières, de prairies naturelles et de sansouïres au moins depuis le 31 mars 2005 date à laquelle le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a acquis ce domaine et, en tout état de cause, depuis le 1er janvier 2017 date à laquelle la délibération incorporant ces dépendances au domaine public est devenue exécutoire. Il pratiquait sur ces terres, d’une superficie d’environ 71 hectares, la coupe de roselière et une activité d’élevage de chevaux au nombre d’une douzaine et d’ânes au nombre de deux, circonstances de fait qu’il a d’ailleurs lui-même reconnues le jour du constat.

15. Il résulte toutefois de l’instruction que par un jugement du 15 mai 2019, devenu définitif, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a jugé que M. C. apportait la preuve de l’existence d’un bail rural selon la définition donnée par l’article L 411-1 du code rural, qu’il était titulaire d’un tel bail sur les parcelles appartenant au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres et que ledit bail s’était formé à compter du 1er avril 1995 et renouvelé depuis, en conformité avec les dispositions des articles L. 411-50 et suivants du code rural de sorte qu’il était renouvelé avec échéance au 30 mars 2022. L’acte par lequel un particulier est autorisé à occuper une parcelle du domaine public d’une personne publique échappe néanmoins, même s’il revêt la forme ou la dénomination d’un bail rural, aux règles de fond propres au droit privé. Ainsi, si ce bail a pu produire tous les effets qu’y attache le code rural et de la pêche maritime jusqu’à l’entrée des parcelles en cause dans le domaine public du Conservatoire le 1er janvier 2017, à compter de cette date et jusqu’à son expiration, il n’a pu conférer à son titulaire qu’un droit d’occupation et d’usage temporaire et spécifique de ce domaine. Il suit de là que M. C. n’est pas fondé à soutenir qu’il était en droit de continuer à occuper les parcelles en litige à compter du 1er janvier 2017 sous le régime des baux ruraux et notamment du statut du fermage. En revanche, à raison de l’existence de ce bail, dont le terme est fixé au 30 mars 2022, et en l’absence de sa dénonciation, M. C. ne pouvait être regardé, à la date du procès-verbal du 28 mars 2018, comme un occupant sans droit ni titre de ce domaine. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu’une convention d’occupation du domaine public ne puisse être tacite et doive revêtir un caractère écrit, dès lors que le bail verbal dont il s’agit a été conclu sur des terrains privés préalablement à leur incorporation au domaine public. Par ailleurs, le jugement du 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a un caractère recognitif. Il permet ainsi à l’intéressé de faire valoir les droits auxquels le jugement en cause lui permet éventuellement de prétendre à compter d’une date antérieure à celle à laquelle il a été rendu. Dès lors, la circonstance que ce jugement soit postérieur au-procès-verbal du 28 mars 2018 comme à la date d’engagement des poursuites est sans incidence sur le droit d’occupation conféré par ce bail verbal à son titulaire.

16. Il ne résulte pas de l’instruction que l’exercice par M. C. d’une activité pastorale et de coupe de roselière sur les parcelles mises à sa disposition dans le cadre du bail précité serait incompatible avec la mission poursuivie par le Conservatoire, telle que définie à l’article L. 322-1 du code de l’environnement, ni qu’elle serait de nature à compromettre l’usage de son domaine public. Au demeurant, si le plan de gestion établi par le Conservatoire dans le secteur en cause a notamment pour objet de mener une gestion pastorale du site pour améliorer la qualité écologique des pelouses sèches ainsi que de conserver les roselières et de favoriser leur dynamisme, le projet de convention d’occupation temporaire d’usage agricole établi par l’établissement public en vue de régulariser la situation de M. C. et lui permettre la poursuite de son exploitation vise expressément à autoriser, selon son article 6, l’usage pastoral et le « sagnage » sur les parcelles en cause. Par suite, M. C. ne peut être regardé, dans ces circonstances, comme ayant porté, à la date du 28 mars 2018, atteinte à l’intégrité du domaine public relevant du Conservatoire.

17. Par suite, M. C. est fondé à soutenir, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l’a condamné à une amende de 500 € et lui a enjoint d’évacuer les lieux dans un délai de neuf mois sous astreinte de 50 € par jour de retard et de les remettre au Conservatoire dans l’état où ils se trouvaient au 1er janvier 2017.

18. Il résulte par ailleurs de ce qui précède que M. C. doit être relaxé des fins des poursuites engagées à son encontre sur le fondement du procès-verbal du 28 mars 2018.

Sur la requête aux fins de sursis à exécution :

19. La Cour se prononçant par le présent arrêt sur l’appel formé par M. C. contre le jugement du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille, les conclusions de la requête n° 20MA01470 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de M. C. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à ce même titre à la charge Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres une somme à verser à M. C.

Décide :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : M. C. est relaxé des fins des poursuites engagées à son encontre sur le fondement du procès-verbal du 28 mars 2018.

Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA01470 tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C. et le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E. C. et au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.

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