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Article R.423-23 du Code de l’urbanisme : qu’est-ce qu’une maison individuelle ?

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON 

N° 12LY02315    
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. MOUTTE, président
M. David ZUPAN, rapporteur
M. VALLECCHIA, rapporteur public
C.G.B.G – AVOCATS ASSOCIES – COPPI-GRILLON-BROCARD-GIRE, avocat

lecture du mardi 5 février 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 août 2012 sous le n° 12LY02315, présentée pour la commune de Bellefond, représentée par son maire, par Me A…;

La commune de Bellefond demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1102331 du 28 juin 2012 qui a annulé l’arrêté, en date du 17 août 2011, par lequel son maire a refusé de délivrer à M. B… C…un permis de construire ;

2°) de rejeter la demande présentée au tribunal administratif de Dijon par M. C… ;

3°) de condamner M. C… à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l’arrêté contesté n’opère nullement le retrait d’un permis tacite, dès lors que la demande de pièces complémentaires, formulée dans le délai prescrit par le code de l’urbanisme, a bien spécifié que le délai d’instruction était de trois mois, et que ce délai a couru à compter du 20 mai 2011 ; que la construction projetée relève du c) de l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme, et non de son b), qui suppose l’existence d’un contrat de construction d’une maison individuelle, ce dont il n’était pas question en l’espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier, en date du 19 décembre 2012, avisant les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, d’un moyen d’ordre public susceptible d’être relevé d’office par la cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2012, présenté pour la commune de Bellefond, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle ajoute, en réplique au moyen d’ordre public sur lequel les parties ont été invitées à débattre, que sa requête n’entre pas dans les prévisions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, la décision en litige étant un refus de permis de construire ; que, surtout, cette disposition n’est pas opposable lorsqu’elle n’a pas été mentionnée sur le panneau d’affichage du permis de construire, ainsi qu’il résulte des articles R. 424-15 et A 424-17 du même code ; que le permis tacite allégué n’a jamais fait l’objet de cet affichage ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 janvier 2013 :

– le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;

– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que la commune de Bellefond relève appel du jugement, en date du 28 juin 2012, par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé l’arrêté de son maire du 17 août 2011 refusant à M. C…un permis de construire en vue de la construction d’un garage attenant à sa maison d’habitation située rue Saint-Andéol ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 424-2 du code de l’urbanisme :  » Le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction  » ; que l’article R. 423-23 du même code dispose :  » Le délai d’instruction de droit commun est de : (…) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l’habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager  » ; qu’en vertu des dispositions du code de la construction et de l’habitation auxquelles il est ainsi renvoyé, en particulier ses articles L. 231-1 et L. 232-1, constitue une maison individuelle l’immeuble à usage d’habitation ou l’immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage ; que l’application du b) de l’article R. 423-23 précité du code de l’urbanisme est subordonnée à cette seule caractéristique, sans que le pétitionnaire ait en outre à justifier de l’existence de l’un des contrats de construction dont les dispositions en cause du code de la construction et de l’habitation définissent le contenu ; que les articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l’urbanisme prévoient par ailleurs que, dans le cas où le dossier de demande de permis de construire se révèle incomplet, le maire dispose d’un délai d’un mois pour exiger la production des pièces manquantes, le point de départ du délai d’instruction étant alors reporté au jour de la réception de celles-ci ;

3. Considérant qu’il n’est pas contesté que le terrain sur lequel M. C…projette l’édification d’un garage supporte un immeuble à usage d’habitation dans lequel est aménagé son seul logement ; que le garage en cause constituant ainsi l’annexe d’une maison individuelle sans relever des hypothèses de modification ou de prolongation du délai d’instruction prévues par les articles R. 423-24 et suivants du code de l’urbanisme, le délai d’instruction de la demande de permis de construire déposée par M. C…était de deux mois, quand bien même l’intéressé y a mentionné que cette construction était nécessaire à l’exercice de son activité d’artisan taxi ; que demeure à cet égard sans effet la circonstance que le maire de Bellefond, dans son courrier du 22 février 2011 exigeant la production de pièces complémentaires, a notifié un délai d’instruction de trois mois ; qu’il a du reste ultérieurement rectifié cette information erronée dans son récépissé desdites pièces, signé le 20 mai 2011, date à laquelle il a estimé le dossier complet ; qu’ainsi, dès lors que le projet n’entrait par ailleurs dans aucune des catégories d’opérations pour lesquelles il est fait exception à la règle fixée par l’article L. 424-2 du code de l’urbanisme, M. C…s’est trouvé titulaire, le 20 juillet 2011, d’un permis de construire tacite dont l’arrêté contesté, formellement présenté comme une décision de refus, opère en réalité le retrait ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme :  » Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision  » ; qu’il résulte de cette disposition que le retrait du permis de construire entaché d’illégalité constitue une faculté et non une obligation dès lors que l’autorité d’urbanisme n’est pas saisie d’une demande en ce sens ; qu’une telle décision, par ailleurs, figure au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que, par suite, elle entre également dans le champ d’application de l’article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aux termes duquel :  » Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (…)  » ;

5. Considérant qu’il est constant que le maire de Bellefond, qui n’a pas été saisi par un tiers d’une demande tendant au retrait du permis de construire tacite intervenu le 20 juillet 2011 et n’était donc pas en situation de compétence liée pour procéder à ce retrait, n’a fait précéder sa décision d’aucune procédure contradictoire ; que l’irrégularité ainsi commise a privé M. C… d’une garantie et justifie, comme l’énonce à bon droit le jugement attaqué, l’annulation de cette décision ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la commune de Bellefond n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de M. C… ;

7. Considérant enfin que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.C…, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la commune de Bellefond la somme qu’elle réclame en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Bellefond est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bellefond et à M. B…C….
Délibéré après l’audience du 15 janvier 2013, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 5 février 2013.
Le rapporteur,
D. ZUPANLe président,
J.-F. MOUTTE
Le greffier,
B. NIER

La République mande et ordonne au ministre de l’égalité des territoires et du logement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition,
Le greffier,

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