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Domaine public : une décision de cession ne crée pas de droits !

CAA de MARSEILLE

N° 15MA02179   
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre – formation à 3
M. LASCAR, président
M. Georges GUIDAL, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
SELARL VALETTE-BERTHELSEN, avocat

lecture du mardi 10 novembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F…C…a demandé au tribunal administratif de Montpellier :

– d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 novembre 2009 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Brès (Hérault) a annulé la délibération du 15 mai 2008 autorisant l’échange d’une parcelle lui appartenant avec une partie de la parcelle cadastrée section A n° 381 appartenant à la commune et d’enjoindre au maire de Saint-Brès d’exécuter la délibération du 15 mai 2008, dans un délai maximal d’un mois à compter du jugement à intervenir ;

– d’annuler pour excès de pouvoir la délibération et la délibération rectificative pour erreur matérielle du 4 mars 2010 par lesquelles le conseil municipal de Saint-Brès a retiré sa délibération du 27 novembre 2009 et abrogé celle du 15 mai 2008 et d’enjoindre au maire de Saint-Brès d’exécuter la délibération du 15 mai 2008, dans un délai maximal d’un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 0905459 et 1001556 du 8 avril 2011, le tribunal administratif de Montpellier a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la première demande de M. C…et a rejeté la seconde.

Par un arrêt n° 11MA02229 du 9 avril 2013, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel de M.C…, annulé ce jugement ainsi que la délibération du 27 novembre 2009 et la délibération modifiée du 4 mars 2010, en tant que cette dernière abrogeait la délibération du 15 mai 2008, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 369152 du 6 mai 2015, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi de la commune de Saint-Brès, annulé l’arrêt susmentionné, en tant qu’il a fait droit aux conclusions de M. C…tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, à l’annulation de la délibération du 27 novembre 2009 et à l’annulation de la délibération du 4 mars 2010 en tant qu’elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008 , et a renvoyé l’affaire devant la Cour dans la mesure de la cassation prononcée .

Procédure après renvoi de l’affaire devant la Cour :

Par un mémoire, enregistré 3 juillet 2015, M.C…, représenté par Me B…-D…, de la SELARL cabinet d’avocat B…-D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 avril 2011 ;

2°) d’annuler la délibération du 27 novembre 2009 et la délibération modifiée du 4 mars 2010, en tant qu’elle porte abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ;

3°) d’enjoindre au maire de Saint-Brès d’exécuter l’ensemble des décisions adoptées par la délibération du 15 mai 2008, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Brès le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– la délibération du 15 mai 2008 étant créatrice de droit, elle ne pouvait légalement être retirée ou abrogée au-delà du délai de quatre mois par les délibérations des 27 novembre 2009 et 4 mars 2010 ;

– la parcelle communale échangée n’appartenait pas au domaine public à la date du 15 mai 2008 en l’absence d’aménagement significatif indispensable à l’exécution d’une mission de service public ;

– en admettant même que la parcelle, d’une contenance totale de 9 901 m², ait été partiellement aménagée, la superficie cédée de 841 m2 n’était pas aménagée ni intégrée au domaine public à la date du 15 mai 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2015, la commune de Saint-Brès, représentée par MeA…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C… la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– les conclusions dirigées contre la délibération du 4 mars 2010 sont irrecevables en tant qu’elle retire la délibération du 27 novembre 2009 ;
– les autres moyens soulevés par M. C…ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur les moyens relevés d’office, tirés de ce que :

– le retrait de la délibération du 27 novembre 2009 par celle du 4 mars 2010 n’était pas définitif quand le tribunal administratif a statué, dans la mesure où la délibération du 4 mars 2010 était contestée par M.C…. Le tribunal ne pouvait ainsi constater un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 27 novembre 2009 par l’article 2 du jugement attaqué.

– il y a toutefois lieu de prononcer à hauteur d’appel un non-lieu sur les dites conclusions dès lors que la délibération du 4 mars 2010 a acquis un caractère définitif en tant qu’elle retire la délibération du 27 novembre 2009 du fait du rejet des conclusions tendant à son annulation par l’arrêt de la Cour du 9 avril 2013 non cassé sur ce point par la décision du Conseil d’Etat.

Par ordonnance du 10 septembre 2015, la clôture d’instruction a été fixée au 2 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Guidal, président ;
– les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
– et les observations de Me B…-D…, représentant M.C….

1. Considérant que, par une délibération du 15 mai 2008, le conseil municipal de Saint-Brès (Hérault) a autorisé l’échange d’une parcelle cadastrée section A n° 1447 appartenant à M. C… avec une partie de même surface de la parcelle cadastrée section A n° 381 appartenant à la commune ; que le conseil municipal a, par une délibération du 27 novembre 2009,  » annulé  » la délibération du 15 mai 2008 puis, par une délibération du 4 mars 2010, qui a fait l’objet d’une rectification d’erreur matérielle par une délibération du même jour, retiré la délibération du 27 novembre 2009 et abrogé la délibération du 15 mai 2008 ; que, par un jugement du 8 avril 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. C…tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 4 mars 2010 et jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 27 novembre 2009 qui avait été retirée ; que, par un arrêt du 9 avril 2013, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier, la délibération du 27 novembre 2009 et la délibération du 4 mars 2010, en tant qu’elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ; qu’enfin, à la suite du pourvoi en cassation formé par la commune de Saint-Brès, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a par une décision du 6 mai 2015 annulé l’arrêt susmentionné du 9 avril 2013, en tant qu’il a fait droit aux conclusions de M. C…tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier, à l’annulation de la délibération du 27 novembre 2009 et à l’annulation de la délibération du 4 mars 2010 en tant qu’elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008, et a renvoyé l’affaire devant la Cour dans la mesure de la cassation prononcée ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, par l’article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 27 novembre 2009 ; que, toutefois, le retrait de la délibération du 27 novembre 2009 par celle du 4 mars 2010 n’était pas définitif quand le tribunal administratif a statué, dans la mesure où la délibération du 4 mars 2010 était contestée par M.C… ; que le tribunal, qui s’est mépris sur l’étendue du litige dont il demeurait saisi, ne pouvait ainsi constater un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 27 novembre 2009 ; que l’article 2 du jugement attaqué doit, dès lors, être annulé ;

3. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer les conclusions de la demande de première instance sur lesquelles le tribunal administratif ne s’est pas prononcé et d’y statuer en même temps que sur le surplus des conclusions dont la Cour est saisie par l’effet dévolutif de l’appel ;

4. Considérant que la délibération du 4 mars 2010 a acquis un caractère définitif en tant qu’elle retire la délibération du 27 novembre 2009 du fait du rejet des conclusions tendant à son annulation par l’arrêt de la Cour du 9 avril 2013 non cassé sur ce point par la décision du Conseil d’Etat du 6 mai 2015 ; qu’il y a lieu, dès lors, pour la Cour de décider qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 27 novembre 2009 ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public  » ; que des parties clairement délimitées et dissociables d’une même parcelle peuvent relever, par application des règles régissant la domanialité publique, de régimes de domanialité différents ;

6. Considérant qu’à la date de la délibération du 15 mai 2008, étaient aménagés sur la parcelle cadastrée A n° 381 un  » skatepark  » et un parcours de santé ; que l’emprise de ces équipements affectés à l’usage direct du public, et qui a fait l’objet d’aménagements indispensables à l’exercice du service public de la jeunesse et du sport, appartient au domaine public communal ; que si M. C…soutient que la partie de la parcelle qui était l’objet de l’échange décidé par la délibération du 15 mai 2008 était alors libre de tout aménagement et séparée par une barrière en bois de la partie qui supportait les installations, il ressort des pièces du dossier que la partie de la parcelle qui faisait l’objet de l’échange était entièrement ouverte au public comme le reste du terrain et que la barrière en bois dont fait état le requérant se bornait à entourer et encadrer partiellement le parc de skate, sans séparer la partie du terrain objet de l’échange du reste de la parcelle ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient M.C…, cette partie du terrain n’était pas clairement délimitée et dissociable du reste de la parcelle et ne relevait pas d’un régime de domanialité publique différent ; qu’elle appartenait ainsi au domaine public de la commune ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Les biens des personnes publiques (…) qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles  » ; que le principe d’inaliénabilité du domaine public exclut nécessairement l’existence de droits acquis en cas de délibération du conseil municipal autorisant sa cession ; qu’au demeurant, une telle délibération serait sans portée dans la mesure où le contrat conclu sur son fondement serait nécessairement nul ; qu’en l’espèce, dans la mesure où la parcelle litigieuse appartenait, ainsi qu’il a été dit au point 6, au domaine public communal, la délibération du 15 mai 2008 décidant de son échange avec une parcelle appartenant à M. C…n’a pu être créatrice de droits au profit de ce dernier ; que, dès lors, la commune de Saint-Brès a pu légalement procéder, sans condition de délai, par la délibération du 4 mars 2010, à l’abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 4 mars 2010 en tant qu’elle portait abrogation de la délibération du 15 mai 2008 ;

9. Considérant que le présent arrêt n’appelle aucune mesure d’exécution ; que les conclusions de M. C…tendant au prononcé d’une injonction ne sauraient, par suite, être accueillies ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Saint-Brès qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…la somme que la commune de Saint-Brès demande au titre des mêmes dispositions ;

D É C I D E :
Article 1er : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation dirigées contre la délibération du conseil municipal de Saint-Brès du 27 novembre 2009.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d’appel de M. C…est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Brès au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F… C…et à la commune de Saint-Brès.
Délibéré après l’audience du 16 octobre 2015, où siégeaient :

– M. Lascar, président de chambre,
– M. Guidal, président assesseur,
– MmeE…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2015.

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