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Reconstruction identique dans une réserve naturelle

Application de l’article R.421-38-7 du Code de l’urbanisme

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 08LY02827   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BEZARD, président
M. Jean-Pascal CHENEVEY, rapporteur
M. BESSON, commissaire du gouvernement
LEXPARTNER AVOCATS, avocat

lecture du mardi 12 octobre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2008, présentée par la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL (Haute-Savoie) ;

La COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0700288 du Tribunal administratif de Grenoble
du 2 octobre 2008 qui, à la demande du préfet de la Haute-Savoie, a annulé l’arrêté
du 12 septembre 2006 par lequel son maire a délivré un permis de construire
à M. A en vue de la reconstruction d’un bâtiment sinistré ;

2°) de rejeter la demande du préfet de la Haute-Savoie devant le Tribunal administratif ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient qu’il résulte des dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme qu’aucune disposition d’urbanisme autre que le plan local d’urbanisme ou la carte communale ne peut s’opposer à la reconstruction à l’identique d’un bâtiment régulièrement édifié qui a été détruit par un sinistre ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, le II de l’article R. 421-38-7 du code de l’urbanisme dont se prévaut le préfet est inapplicable et ne saurait faire obstacle au droit à reconstruction que M. A tient de l’article L. 111-3 ; que le chalet d’alpage, régulièrement édifié, a bien été reconstruit à l’identique après un sinistre ; que, par ailleurs, l’article ND 1-2 du règlement du plan d’occupation des sols ne s’opposent pas à l’application de l’article L. 111-3 et autorise même expressément la reconstruction des anciens chalets d’alpage ; qu’ainsi, aucune disposition ne pouvait s’opposer à ce que son maire délivre le permis de construire demandé ; qu’en tout état de cause, l’article R. 421-38-7 du code de l’urbanisme n’était pas applicable, la reconstruction n’étant pas soumise à l’autorisation spéciale prévue par l’article L. 332-9 du code de l’environnement, car étant réalisée à l’identique et n’ayant donc pas pour effet de détruire ou de modifier l’état ou l’aspect de la réserve naturelle, mais au contraire de la remettre dans son état antérieur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 mars 2009, présenté par le préfet de la Haute-Savoie, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme n’exclut pas la mise en oeuvre de l’article R. 421-38-7 du même code, s’agissant d’une obligation de procédure et non d’opposer une disposition de nature à interdire la reconstruction ; que, si la commune invoque le fait que son plan d’occupation des sols ne s’oppose pas à l’application de l’article L. 111-3, la reconstruction d’un ancien chalet, prévue par l’article L. 145-3 I, aurait nécessité son accord, après avis de la commission départementale des sites ; que, de plus, le bâtiment
de M. A ne constitue pas un ancien chalet d’alpage ; que la reconstruction relevait donc du droit commun de l’urbanisme ; que la reconstruction, qui a été réalisée en parpaings, n’a pas été faite à l’identique ; que, contrairement à ce que fait valoir la commune, qui soutient que l’article L. 332-9 n’était pas applicable, la reconstruction, qui ne correspond en rien au système constructif traditionnel, porte atteinte à l’aspect de la réserve naturelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2009, présenté pour la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, qu’à l’exception des dispositions du plan local d’urbanisme ou de la carte communale, seuls des motifs de sécurité peuvent faire échec au droit à reconstruction ; que les dispositions de l’article R. 421-38-7 ne constituent pas de simples dispositions de procédure, mais des dispositions de nature à interdire la reconstruction dans l’hypothèse où le préfet ne donne pas son accord ; que le bâtiment constitue bien un chalet d’alpage ; que la procédure prévue par l’article L. 145-3 I du code de l’urbanisme en cas de reconstruction d’un ancien chalet d’alpage ne s’applique pas si la reconstruction est réalisée à l’identique, après un sinistre, l’article L. 111-3 du même code s’appliquant dans cette hypothèse ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, la reconstruction a bien été réalisée à l’identique, un bardage en bois traité au naturel ayant été posé ; que le bâtiment, qui est quasiment identique aux autres chalets d’alpage environnants, s’intègre parfaitement à la réserve naturelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2000, présenté par le préfet de la Haute-Savoie, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

L’accord de l’autorité préfectorale constitue une formalité substantielle, que la reconstruction ait été ou non réalisée à l’identique ; que la reconstruction, qu’elle soit ou non réalisée à l’identique, constitue par elle-même une modification de l’état de la réserve naturelle ; qu’il est fondamental de tenir compte de l’équilibre écologique fragile de la réserve au moment de la réalisation des travaux ; qu’il aurait dû être mis en mesure d’apprécier les conséquences du projet sur l’environnement du territoire protégé ;

En application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 4 février 2010, la clôture de l’instruction a été fixée au 10 mars 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative, et notamment son article R. 613-3, en application duquel le mémoire produit le 6 mai 2010 pour la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL, après la clôture de l’instruction, n’a pas été examiné par la Cour ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 septembre 2010 :
– le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

– les observations de Mme Guderzo, représentant le préfet de la Haute-Savoie ;

– les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes du II de l’article R. 421-38-7 alors en vigueur du code de l’urbanisme : Lorsque la construction est, en raison de sa situation sur un territoire (…) classé en réserve naturelle, soumise à autorisation spéciale en application (…) de l’article L. 332-9 du code de l’environnement, le permis de construire ne peut être délivré qu’avec l’accord, selon le cas : / – du préfet ou du ministre chargé de la protection de la nature, dans les conditions prévues par l’article R 242-24 du code de l’environnement, lorsqu’il s’agit d’une réserve naturelle nationale (…) ; qu’aux termes de l’article L. 332-9 du code de l’environnement : Les territoires classés en réserve naturelle ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou dans leur aspect, sauf autorisation spéciale (…) du représentant de l’Etat pour les réserves naturelles nationales (…) ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes des dispositions alors applicables du premier alinéa de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme : La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié ;

Considérant qu’il est constant que le terrain d’assiette du projet est situé dans la réserve naturelle nationale de Sixt-Passy, dans le département de la Haute-Savoie ; que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL, les dispositions précitées de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme sont sans effet sur l’application des règles de procédure ou de compétence ; que la circonstance que les articles L. 332-9 du code de l’environnement et R. 421-38-7 du code de l’urbanisme imposent un accord du préfet ne saurait avoir pour effet de faire regarder cet accord comme une disposition d’urbanisme contraire qui, en vertu de l’article L. 111-3, ne pourrait être opposée à la demande ; qu’à supposer même que le projet litigieux consiste bien à simplement reconstruire à l’identique un bâtiment qui a été détruit, ce projet, qui implique une modification des lieux au sens de l’article L. 332-9 du code de l’environnement, impose, dès lors, l’autorisation spéciale du préfet prévue dans cette hypothèse par les dispositions de cet article ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL ne peut soutenir que l’accord du préfet n’était pas requis en l’espèce ; que le permis de construire attaqué, qui a été délivré sans que le maire de cette commune ait obtenu, ni même sollicité, cet accord est, par suite, entaché d’illégalité ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 12 septembre 2006 par lequel son maire a délivré un permis de construire à M. A ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SIXT-FER-A-CHEVAL, au Préfet de la Haute-Savoie et au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l’audience du 21 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Fontbonne, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2010.

 

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