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Autorisations d’urbanisme : l’intérêt à agir au sens de l’article L600-1-2 CU se précise !

CAA de NANTES

N° 14NT02410   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. LENOIR, président
Mme Sophie RIMEU, rapporteur
Mme GRENIER, rapporteur public
LEXCAP RENNES LAHALLE – DERVILLERS & ASSOCIES, avocat

lecture du vendredi 24 juillet 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, la requête n° 14NT02410, enregistrée le 16 septembre 2014, présentée, pour M. C…D…, demeurant au…, par Me Lahalle, avocat ;

M. D…demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1400461 du 11 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du maire de la commune de l’île de Batz du 23 décembre 2013 accordant à M. E…un permis de construire afin de procéder à l’extension d’une maison d’habitation sur la parcelle cadastrée section AC n° 515 située au Mezou Grannog à l’île de Batz ;

2°) d’annuler cet arrêté du 23 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de l’île de Batz la somme de 2500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. D…soutient que :

– le jugement du 11 juillet 2014 n’est pas suffisamment motivé dans ses réponses aux moyens tirés de la violation des dispositions des I et III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ;

– l’arrêté attaqué méconnaît le I. de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme dans la mesure où le terrain d’assiette du projet se situe à plusieurs kilomètres du bourg de l’île de Batz dans un environnement rural qui constitue un espace remarquable au sens de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme ; les quelques constructions alentours sont éparses, ne présentent aucune densité significative et ne constituent donc pas un village ou une agglomération ;
– l’extension de 42m2 d’une construction de 105 m2 ne constitue pas une simple densification de l’existant mais une opération de construction soumise aux dispositions du I. de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ;

– l’arrêté attaqué méconnaît le II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme car il autorise une extension non limitée de l’urbanisation dans un espace proche du rivage ;

– l’arrêté attaqué méconnaît le III de ce même article L. 146-4 du code de l’urbanisme car il établit, par les documents qu’il produit, que le projet se situe à moins de 100 mètres du littoral ;

Vu le jugement et l’arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 janvier 2015, présenté pour M. B…E…, demeurant au…, par Me Prieur, avocat ;

M. E…conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de M. D…sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. E…soutient que :

– au regard des exigences de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, M. D…n’a pas intérêt à agir contre le permis de construire qui lui a été accordé ; il ne justifie pas que le projet contesté serait de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien ; les parcelles de M. D…sont des friches et des landes ; ces parcelles sont situées à 180 mètres de l’extension autorisée par le permis de construire contesté et, en raison de l’existence des bâtiments de la colonie de vacances, il n’existe pas de visibilité entre les propriétés de M. D…et la sienne ;

– l’extension d’une construction existante ne constitue pas une extension de l’urbanisation, de sorte que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des I. et II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme devront être écartés ;

– M. D…n’établit pas que le terrain d’assiette du projet se situe dans la bande littorale des 100 mètres ; cette bande est calculée à partir de la limite haute du rivage hors  » perturbations météorologiques exceptionnelles « , de sorte que les tempêtes de février 2014 n’ont pas modifié l’étendue de cette bande ; le moyen tiré de la violation des dispositions du III. de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme devra donc aussi être écarté ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 juin 2015, présenté pour M.D…, par Me Lahalle ; M. D…conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre qu’il a intérêt pour faire appel et intérêt pour agir contre l’arrêté attaqué, comme le tribunal lui a reconnu un intérêt pour agir contre un permis de construire concernant une parcelle limitrophe ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2015, présenté, pour M.E…, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 juillet 2015 :

– le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;

– les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
– et les observations de MeA…,substituant Me Lahalle, avocat de M.D…, et celles de Me Gourvennec, avocat de M.E… ;
1. Considérant que par un arrêté du 23 décembre 2013, le maire de la commune de l’île de Batz a délivré à M. E…un permis de construire pour procéder à l’extension d’une maison d’habitation sur une parcelle cadastrée section AC n° 515 située au Mezou Grannog à l’île de Batz ; que M. D…relève appel du jugement du 11 juillet 2014, par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté 23 décembre 2013 ;

Sur la recevabilité :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :  » Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, (…) que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.  » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; qu’il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu’il appartient ensuite au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. D…est propriétaire de plusieurs parcelles situées à proximité de la parcelle d’assiette du projet litigieux, la plus proche d’entre elles, cadastrée section AB n° 89, se trouvant à environ 150 mètres de la construction autorisée par le permis de construire du 23 décembre 2013 ; que cependant, ces parcelles et notamment celle cadastrée AB n° 89 sont des terrains à usage agricole, sur lesquels la construction projetée n’aura aucune incidence directe ; que si le projet litigieux conduit à étendre une construction dans un secteur naturel protégé, cette seule circonstance, dans la mesure où M. D…ne possède aucune construction à usage d’habitation dans ce secteur mais seulement des terrains agricoles, n’est pas nature à affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de ceux-ci ; qu’il suit de là que M. E…est fondé à soutenir qu’en vertu des dispositions précitées de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, M. D…n’était pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire du 23 décembre 2013 ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. D…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 23 décembre 2013 accordant à M. E…un permis de construire ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de l’île de Batz, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. D…demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

7. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. D…la somme demandée pour les frais exposés par M. E…et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D…est rejetée.
Article 2 : La demande présentée par M. E…sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C…D…, à M. B…E…et à la commune de l’île de Batz.

Délibéré après l’audience du 3 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

– M. Lenoir, président de chambre,
– M. Francfort, président-assesseur,
– Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 juillet 2015.

Le rapporteur,

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