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Contester le transfert d’office d’une voie privée dans le domaine public !

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON 

N° 11LY00363    

4ème chambre – formation à 5
M. du BESSET, président
Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL, rapporteur
Mme VINET, rapporteur public
BRUNO CHATON, avocat

lecture du jeudi 21 juin 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2011, présentée pour M. Charles A, domicilié … ;

M. A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0901355 du 10 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 26 mars 2009 par laquelle le maire de la commune de Marsannay-La-Côte a refusé de donner suite à sa demande de transfert d’office dans le domaine public communal de la voie privée dite  » allée des Cras  » et à ce qu’il soit enjoint à la commune d’entreprendre, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement, la procédure de transfert d’office de cette voie dans le domaine public communal, ou, en cas d’opposition d’un des copropriétaires indivis de cette voie, de présenter la demande de transfert au préfet de la Côte d’Or ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision et d’enjoindre au maire d’entreprendre la procédure de transfert d’office ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marsannay-La-Côte une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c’est à tort que le Tribunal a estimé que l’allée de Cras n’était pas ouverte à la circulation publique et a écarté la convention de transfert alors que celle-ci signe l’obligation du transfert de la voirie et des réseaux dans le domaine public communal ; qu’elle n’est pas séparable des autres dispositions du lotissement qui impartissent aux co-lotis l’obligation de transfert : le dossier de demande d’autorisation de lotir et la notice explicative qui prévoyait que la voie permettrait à terme la desserte d’autres logements individuels à édifier par lui-même, au sujet desquels il avait établi une attestation qui avait rendu possible la réalisation du lotissement ; que l’autorisation de lotir elle-même prévoit le transfert à son article 8, le maire ayant en outre précisé que l’autorisation était justifiée du fait des possibilités de desserte que le projet offrait dans le cadre d’un aménagement d’ensemble de la zone ; que la commune qui assume des dépenses pour cette voie, notamment de nettoyage, de déneigement et d’éclairage, ne peut dans ces conditions affirmer qu’elle n’est pas ouverte à la circulation publique ; que l’intérêt général exigeait que la commune, priée par un administré, incorporât d’office dans son domaine public la voie privée concernée compte tenu de ce que l’incorporation était prévue dès l’origine, que l’équipement comporte l’ensemble des réseaux publics et qu’il s’agit d’un quartier urbanisé et promis à l’urbanisation dont la commune a intérêt à assumer la maîtrise de la voirie ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 mai 2011, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, que le constat produit établit qu’il n’y a aucune solution de continuité entre l’allée et la rue Saint-Martin et aucun élément qui en interdise l’accès ; que la voie présente toutes les caractéristiques pour être incorporée à la voirie communale à laquelle elle est susceptible de s’assimiler naturellement ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 août 2011, présenté pour la commune de Marsannay-La-Côte qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que le requérant n’a pas de qualité pour agir contre le refus opposé par le maire, un tiers qui n’est pas propriétaire de la voie ne pouvant solliciter la mise en oeuvre du transfert de propriété ; que la convention de transfert dont le requérant se prévaut qui n’est pas datée et n’a fait l’objet d’aucune délibération du conseil municipal, n’a pas la portée qui lui est prêtée, l’acceptation du propriétaire de l’usage public de son bien ne pouvant se constater qu’une fois la voie privée effectivement créée et utilisée ; que l’existence d’une convention de transfert ne permet pas d’établir que la voie est ouverte à la circulation publique, les arrêts cités étant rendus dans des conditions bien différentes de la présente espèce ; que la réalité de l’ouverture de l’allée des Cras à la circulation générale n’est pas établie, quelle qu’en soit l’apparence, ni le ramassage ni le déneigement ne se faisant dans l’allée ; que seul l’intérêt privé du requérant justifie sa demande, alors que la charge de l’entretien de la voie ne ferait que peser sur les finances communales ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2011, présenté pour M. et Mme Daniel B domiciliés … qui concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que le requérant qui ne dispose d’aucun droit sur l’allée des Cras était dépourvu de tout intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la décision du 26 mars 2009 ; que la convention de transfert qui n’a pas été précédée d’une délibération du conseil municipal en méconnaissance de l’article L. 122-21 du code général des collectivités territoriales, ne constitue pas un accord valable entre les parties ; que même si elle avait été valablement conclue, seules les parties pourraient en revendiquer l’application ; que ladite convention n’est pas de nature à prouver que l’allée fut ouverte à la circulation publique ni qu’elle l’était lorsque la commune a refusé de la transférer dans le domaine public ; que l’ouverture à la circulation publique résulte de la volonté exclusive des propriétaires d’accepter l’usage public de leur bien et de renoncer par là à son usage purement privé, condition qui n’a jamais été remplie en l’espèce ; que l’impasse dessert uniquement les quatre lots du lotissement, qu’elle n’a d’utilité que pour les occupants des quatre maisons qui y furent édifiées et que les tiers en sont prévenus ; que les affirmations selon lesquelles la commune supporterait le coût de l’éclairage, l’entretien et le déneigement de l’allée ne sont qu’allégations mensongères ; que les co-lotis en assument seuls la gestion et l’entretien ; que l’on ne trouve pas d’utilité publique à un classement dans le domaine public de la voie ; que l’appelant invoque une prétendue politique d’urbanisation qui aurait été définie il y a plus de 30 ans alors que le plan local d’urbanisme ne prévoit aucune perspective de développement des zones limitrophes qui sont à usage agricole ; que son seul intérêt privé ne saurait justifier le transfert ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2011, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, que les dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme ne permettent pas de réserver à l’autorité administrative ou même aux propriétaires de la voie l’initiative d’une demande de transfert d’office ; que dès lors qu’il a intérêt à ce que l’allée soit transférée dans le domaine public, il est recevable à solliciter l’administration ; que l’initiative appartient soit au préfet, soit à la commune, soit aux propriétaires intéressés, qu’ils soient propriétaires de la voie ou de parcelles riveraines de la voie qui, en cas de non incorporation se trouveraient en situation d’enclave ; que le désenclavement de parcelles riveraines constitue également un juste motif d’incorporation qui n’est pas sans lien avec l’intérêt général ; que ce n’est qu’après avoir appris son initiative que les copropriétaires ont fait figurer une pancarte interdisant la circulation ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2012 présenté pour M. et Mme B qui concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, que les parcelles de M. A disposaient d’un accès à la rue du Clos avant qu’il ne les cède sans réserver à ses acquéreurs un passage sur les terrains qu’il avait conservés, ainsi qu’il était prévu à l’origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 mai 2012 :

– le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

– les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
– les observations de Me Chaton, représentant M. A et de Me Defaux, représentant M. et Mme C ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme :  » La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations peut, après enquête publique, être transférée d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. / La décision de l’autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. / Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, à la demande de la commune (…)  » ; que ces dispositions ouvrent aux communes la faculté d’incorporer d’office dans leur domaine public les voies privées ouvertes à la circulation publique sans verser d’indemnité à leurs propriétaires ; que s’il est loisible à tout habitant de la commune de solliciter le transfert d’une voie dans le domaine public, les personnes dépourvues d’un droit de propriété sur cette voie ne peuvent se prévaloir d’un intérêt leur permettant de contester devant le juge administratif le refus de mettre en oeuvre la procédure de transfert d’office sans indemnité ;

Considérant que M. A qui est propriétaire à Marsannay-La-Côte (Côte-d’Or) des parcelles cadastrées BM 558, 560 et 562, issues de la division d’un tènement plus important, a demandé le 10 février 2009 au maire de la commune de transférer d’office dans le domaine public, en application des dispositions précitées du code de l’urbanisme, la propriété de l’allée des Cras, impasse privée desservant le lotissement  » Le clos de l’Argilière  » ;

Considérant que si M. MULLER, qui n’a pas obtenu à l’amiable de la copropriété du lotissement l’autorisation d’accéder par cette voie privée, dont elles sont contiguës, à ses parcelles situées à l’arrière de son habitation donnant sur la rue du Clos, aurait sans doute avantage à ce que lesdites parcelles soient directement desservies par une voie publique, cette seule circonstance ne suffit pas à lui conférer pour autant un intérêt lui donnant qualité pour contester le refus que le maire a opposé à sa demande tendant à ce que cette voie privée soit transférée d’office sans indemnité dans le domaine public, dès lors que le requérant ne dispose sur celle-ci d’aucun droit de propriété ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marsannay-La-Côte, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu’il y a lieu, sur le fondement des dispositions susvisées, de mettre à la charge de M. A le paiement d’une somme de 1 000 euros à la commune de Marsannay-La-Côte, d’une part, et à M. et Mme B, d’autre part, au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à la commune de Marsannay-La-Côte, d’une part, et à M. et Mme B, d’autre part, une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Charles A, à la commune de Marsannay-La-Côte, à M. et Mme B et au ministre de l’intérieur.

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