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Assainissement collectif : une différence de tarifs est légale !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
22-10-2021
n° 436256
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal d’instance de Fontainebleau a sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Melun, d’une part, de l’appréciation de la légalité de la délibération du 8 février 2014 par laquelle le comité syndical du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers a institué une redevance d’assainissement collectif et de la délibération du 11 avril 2015 par laquelle le même comité syndical a modifié le montant de la redevance d’assainissement collectif concernant cinq habitations de la rue des Roches à Buthiers (Seine-et-Marne) et, d’autre part, de la question de savoir si l’éventuelle déclaration d’illégalité de ces délibérations est susceptible d’avoir pour effet de décharger les usagers de toute obligation de payer une redevance.

Par un jugement n° 1810508 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de Mme J. AE., M. C. BK., M. M. AX., Mme AY. BT., M. O. BM., M. E. AF., Mme BD. Y., M. P. L., Mme AO. F., M. AD. AZ., Mme BW., M. et Mme BC. BA., M. BE. Q., Mme N. R., Mme AC. G., M. D. AH., Mme BS. AI., M. AQ. AK., Mme U. AK., M. V. H., M. C. AL., M. W. AM., Mme T. AN., M. BF. AN., M. S. X., Mme BO. X., M. et Mme BF. AP., M. et Mme Z., BU. BI., M. BF. BG., M. BF. AA., M. I. AB., M. AG. AS., M. S. BQ., M. et Mme AR. BJ., M. BF. AT., M. W. AU., M. et Mme A. AW. tendant à ce que soient déclarées illégales les délibérations des 8 février 2014 et 11 avril 2015 et a dit, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de préciser les effets d’une déclaration d’illégalité.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre et 26 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme AE., M. BK., M. et Mme BJ., M. AX., Mme BT., M. et Mme AK., M. AM., M. X., M. BG., M. AF., M. et Mme AV., M. BM., Mme AN. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) réglant l’affaire au fond, de déclarer les délibérations du 8 février 2014 et 11 avril 2015 illégales ;

3°) de mettre à la charge de la société Véolia Eau, de la société des Eaux de Melun, du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers et de la commune de Buthiers une somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’environnement ;

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme AE. et autres, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers (SMERB) et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la commune de Buthiers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Melun que le comité syndical du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers, à la suite de la mise en service du réseau d’assainissement collectif de la commune de Buthiers, a décidé, par une délibération du 8 février 2014, d’instituer une redevance d’assainissement collectif et en a fixé le montant pour l’année 2014. Par une délibération du 11 avril 2015, le comité syndical a modifié le montant de la redevance d’assainissement collectif mise à la charge de cinq habitations situées rue des Roches. Mme AE. et d’autres habitants de la commune de Buthiers ont assigné la société Véolia Eau, puis la société des Eaux de Melun, le syndicat mixte et la commune de Buthiers devant le tribunal d’instance de Fontainebleau afin, notamment, d’obtenir le remboursement de la part correspondant à la redevance d’assainissement collectif mise à leur charge. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal d’instance de Fontainebleau a sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Melun, d’une part, de l’appréciation de la légalité des délibérations des 8 février 2014 et 11 avril 2015 et, d’autre part, de la question de savoir si l’éventuelle déclaration d’illégalité de ces délibérations serait susceptible d’avoir pour effet de décharger les usagers de toute obligation de payer une redevance.

Sur la légalité de la délibération du 8 février 2014 :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’environnement : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. / Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. / Les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. »

3. Si Mme AE. et autres entendaient se prévaloir de cet article à l’appui de leur contestation, ces dispositions ne peuvent toutefois être utilement invoquées pour contester la légalité d’une délibération fixant le prix de l’eau ou le montant d’une redevance d’assainissement. Le moyen soulevé à ce titre devant le tribunal administratif ne pouvait, par suite, qu’être écarté comme inopérant. Il y a lieu de substituer ce motif à celui retenu sur ce point par le tribunal administratif.

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales : « Les redevances d’eau potable et d’assainissement couvrent les charges consécutives aux investissements, au fonctionnement et aux renouvellements nécessaires à la fourniture des services, ainsi que les charges et les impositions de toute nature afférentes à leur exécution. […] »

5. En jugeant que les travaux de réfection de la bande de roulement de la rue des Roches, quand bien même celle-ci était antérieurement en mauvais état, avaient été imposés par le creusement de la tranchée nécessaire à la réalisation du réseau d’assainissement, pour en déduire qu’était justifiée leur prise en charge à hauteur de 70 % par la redevance d’assainissement, le tribunal administratif s’est livré à une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son jugement.

Sur la légalité de la délibération du 11 avril 2015 :

6. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d’usagers d’un service public implique, à moins qu’elle ne soit la conséquence nécessaire d’une loi, soit qu’il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service commande cette mesure.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que les cinq habitations visées par la délibération litigieuse du 11 avril 2015 étaient déjà raccordées à la station d’épuration dont le syndicat mixte d’aménagement et de gestion de la base régionale de plein air et de loisirs, située à proximité de la commune de Buthiers, avait doté cette base en 1977, avant la construction du réseau d’assainissement de la commune ayant permis, à partir de 2013, de raccorder les quatre-vingt-huit autres habitations de la commune à cette station d’épuration. Dans ces conditions, c’est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique que le tribunal administratif a jugé que, compte tenu de cette desserte antérieure par un réseau existant, la délibération litigieuse, en fixant pour ces cinq habitations un tarif de redevance d’assainissement de 0,5 € par mètre cube d’eau consommée, correspondant au seul coût de fonctionnement des installations déjà existantes, à l’exclusion du coût de remboursement des travaux nécessaires à la création du nouveau réseau d’assainissement collectif de la commune, n’avait pas méconnu le principe d’égalité des usagers devant le service public.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme AE. et autres ne sont pas fondés à demander l’annulation du jugement qu’ils attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme AE. et autres soit mise à la charge de la société Véolia Eau, de la société des Eaux de Melun, du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers et de la commune de Buthiers, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers et de la commune de Buthiers présentées au même titre.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de Mme AE. et autres est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers et la commune de Buthiers sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme J. AE., première dénommée, pour l’ensemble des requérants, au syndicat mixte des eaux de la région de Buthiers, à la commune de Buthiers, à la société Veolia Eau et à la société des Eaux de Melun.

Copie en sera adressée au tribunal judiciaire de Fontainebleau.

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