Conseil d’État
N° 423502
ECLI:FR:CECHR:2020:423502.20200603
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Fanélie Ducloz, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
lecture du mercredi 3 juin 2020
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L’association Collectif associatif 06 pour des réalisations écologiques (CAPRE 06) a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 9 juillet 2015 par laquelle le conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du Var a approuvé son projet stratégique et opérationnel.
Par un jugement n° 1503595 du 22 juin 2017, le tribunal administratif a annulé cette délibération.
Par un arrêt nos 17MA03851, 17MA03875 du 22 juin 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, sur appel de l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du Var, annulé ce jugement et rejeté les conclusions aux fins d’annulation de l’association CAPRE 06 et, d’autre part, dit qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur l’appel du ministre de la cohésion des territoires.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août et 22 novembre 2018 et 8 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association CAPRE 06 demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les appels de l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du Var et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ;
3°) de mettre à la charge de l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du Var et de l’Etat une somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2008-773 du 30 juillet 2008 ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l’association Collectif associatif 06 pour des réalisations écologiques (CAPRE 06) et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du var ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 9 juillet 2015, le conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement de la Plaine du Var, devenu par la suite l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var, a approuvé son projet stratégique et opérationnel. Par un jugement du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Nice a, à la demande de l’association Collectif associatif 06 pour les réalisations écologiques (CAPRE 06), annulé pour excès de pourvoir cette délibération. L’association CAPRE 06 se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 22 juin 2018 qui, d’une part, sur l’appel de l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var, a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance et, d’autre part, a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur l’appel formé par le ministre de la cohésion des territoires. Ce pourvoi doit être regardé comme formé contre l’arrêt de la cour en tant qu’il annule le jugement du tribunal administratif de Nice et rejette la demande de première instance de l’association CAPRE 06.
Sur le pourvoi :
2. Aux termes de l’article R. 711-2 du code de justice administrative : » Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l’article R. 611-4, du jour où l’affaire sera appelée à l’audience. / L’avis d’audience (…) mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l’article R. 711-3. (…). »
3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d’appel que l’arrêt attaqué a été rendu sur les requête nos 17MA03851, relative à l’appel formé par l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var contre le jugement du tribunal administratif de Nice, et 17MA03875, relative à l’appel formé par la ministre de la cohésion des territoires contre le même jugement, qui ont été jointes pour statuer par une seule décision, et que l’association CAPRE 06 n’a pas été mise en mesure de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public pour l’affaire n° 17MA03851, différentes de celles de l’autre affaire, et n’a ainsi pas été mis à même de préparer utilement ses observations en vue de l’audience. L’association CAPRE 06 est, par suite, fondée à soutenir que l’arrêt attaqué est, en tant que, sur la requête n° 17MA03851, il annule le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 juin 2017 et rejette sa demande de première instance, intervenu au terme d’une procédure irrégulière.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’association CAPRE 06 est fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il annule le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 juin 2017 et rejette sa demande de première instance.
5. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur l’appel de l’établissement public d’aménagement :
6. En vertu des dispositions du I de l’article L. 321-18 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, les établissements publics d’aménagement mentionnés à l’article L. 321-14 du même code élaborent un projet stratégique et opérationnel qui définit leurs objectifs, leur stratégie ainsi que les moyens qui seront mis en oeuvre pour les atteindre. Aux termes du II du même article L. 321-18 : » Le projet stratégique et opérationnel tient compte : / 1° Des orientations stratégiques définies par l’autorité administrative compétente de l’Etat ; / 2° Des priorités énoncées dans les documents d’urbanisme ainsi que des objectifs de réalisation de logements précisés par les programmes locaux de l’habitat. « . Aux termes de l’article L. 321-19 du même code : » Le conseil d’administration approuve le projet stratégique et opérationnel et procède à sa révision. / L’approbation et la révision prévues à l’alinéa précédent interviennent dans les conditions prévues par le décret mentionné à l’article L. 321-28. / En cas de modification des orientations stratégiques de l’Etat, le projet stratégique et opérationnel est, si nécessaire, révisé et approuvé dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 321-28. » et aux termes de son article L. 321-20 : » La délibération approuvant le projet stratégique et opérationnel devient exécutoire dans les conditions prévues par le décret mentionné à l’article L. 321-28. / A défaut d’approbation par le conseil d’administration du projet stratégique et opérationnel initial ou révisé dans les délais prévus par le décret mentionné à l’article L. 321-28, il peut être adopté par l’autorité administrative compétente de l’Etat. Ce projet est alors exécutoire dès son adoption. »
7. Par ailleurs, aux termes de l’article R. 321-14 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : » Le projet stratégique et opérationnel mentionné à l’article L. 321-18 comporte : 1° Un document déclinant sur le long terme les orientations stratégiques et opérationnelles de l’établissement sur son territoire de compétence, assorties des moyens techniques et financiers susceptibles d’être mobilisés ; 2° Un document planifiant à moyen terme, sous la forme d’un programme prévisionnel d’aménagement (PPA), les actions, opérations et projets à réaliser, leur localisation, l’échéancier prévisionnel de leur réalisation ainsi que les perspectives financières à leur achèvement. / Le projet stratégique et opérationnel fait l’objet d’un bilan annuel permettant d’examiner l’état d’avancement des opérations et d’actualiser leurs perspectives financières. » Aux termes de l’article R. 321-15 du même code : » (…) / II. La délibération approuvant le programme pluriannuel d’intervention ou le projet stratégique opérationnel devient exécutoire dans un délai de trois mois à compter de sa transmission au préfet compétent. / Si, dans ce délai, le préfet compétent notifie, par lettre motivée au président de l’établissement public, les modifications qu’il estime nécessaire d’apporter au programme pluriannuel d’intervention ou au programme stratégique opérationnel dont les dispositions ne seraient pas compatibles avec les orientations stratégiques données, celui-ci ne devient exécutoire qu’après que lui a été transmise la délibération apportant les modifications demandées. »
8. Il résulte de ces dispositions que le projet stratégique et opérationnel d’un établissement public d’aménagement a pour objet d’établir une programmation des actions, opérations et projets que l’établissement entend mener en fonction des orientations stratégiques définies par l’Etat, des priorités énoncées dans les documents d’urbanisme et des objectifs de réalisation de logements précisés par les programmes locaux de l’habitat, en précisant les moyens qu’elle entend y consacrer. L’approbation de ce projet stratégique et opérationnel, qui ne présente aucun caractère règlementaire et n’a ni pour objet, ni pour effet d’autoriser les opérations d’aménagement qu’il prend en compte, ni d’en valider les modalités de réalisation tant d’un point de vue technique que financier, n’emporte aucun effet pour les tiers à l’établissement public. Si le document, uniquement programmatique, a pour objet d’orienter l’action de l’établissement public d’aménagement et si sa transmission au préfet, en vertu des dispositions combinées des articles L. 321-20 et R. 321-15 du code de l’urbanisme, en sa qualité de représentant de l’Etat, autorité de tutelle, lui permet d’acquérir un caractère » exécutoire « , cette seule circonstance ne suffit pas à lui conférer le caractère d’un acte faisant grief. Par suite, l’association CAPRE 06 n’est pas recevable à demander l’annulation de la délibération du 9 juillet 2015 par laquelle l’établissement public d’aménagement de la Plaine du Var a approuvé son projet stratégique et opérationnel.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens d’appel, que l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var est fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l’association CAPRE 06.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 22 juin 2018, en tant qu’il annule le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 juin 2017 et rejette la demande de première instance de l’association CAPRE 06, et le jugement du tribunal administratif de Nice du 22 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par l’association CAPRE 06 devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l’association CAPRE 06 et de l’établissement public d’aménagement Ecovallée – Plaine du Var au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’association Collectif associatif 06 pour des réalisations écologiques, à l’établissement public d’aménagement Ecovallée-Plaine du Var et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.