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Permis de construire un hôtel : la destination hôtellerie n’est de toute évidence pas commerciale !

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Paris
17-05-2023
n° 22PA01112
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B. E., Mme D. A. et Mme C. G. ont demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle la maire de Paris a accordé à la société par actions simplifiée Financière Arthenco un permis de construire un bâtiment en R+6 sur 3 niveaux de sous-sol à destination d’hébergement hôtelier et d’une crèche en rez-de-chaussée au 86 rue Duhesme à Paris (18e arrondissement).

Par un jugement n° 2013641/4-2 du 10 janvier 2022 le tribunal administratif de Paris a annulé la décision.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 9 mars et 24 juin 2022 sous le n° 22PA01112, la société par actions simplifiée Financière Arthenco, représentée par Me Labonnelie, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2013641/4-2 du 10 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de M. E., de Mme A. et de Mme G. ;

3°) de mettre à la charge de M. E., de Mme A. et de Mme G. le paiement d’une somme de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les requérants n’avaient pas intérêt à agir ;

– l’agrément prévu par les dispositions de l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme n’était pas nécessaire faute pour l’activité hôtelière de relever des activités commerciales ;

– le moyen retenu par le tribunal et tiré de l’absence de diagnostic de pollution établi par un bureau d’études certifié était inopérant et en tout état de cause non fondé ;

– la décision ne méconnait pas les dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme ;

– les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, M. E. et Mme A., représentés par Me Lebeau, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la confirmation du jugement du 10 janvier 2022 ;

3°) à l’annulation de la décision du 29 juin 2020 ;

4°) à la mise à la charge de la société par actions simplifiée Financière Arthenco d’une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– ils ont intérêt à agir ;

– l’activité hôtelière est une activité commerciale et à ce titre, elle est soumise à l’obligation d’agrément prévu à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme ;

– le terrain d’assiette entrait dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 556-1 du code de l’environnement exigeant la fourniture d’un diagnostic sur les pollutions qui ne figurait pas dans le dossier de demande ;

– la décision méconnait les dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme ;

– aucune régularisation n’est possible sur le fondement des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 18 août 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Froger, conclut :

1°) à l’annulation du jugement du 10 janvier 2022 ;

2°) au rejet des demandes de M. E., de Mme A. et de Mme G.

Elle soutient que :

– le jugement est entaché d’erreur de droit ou à tout le moins d’une erreur d’appréciation en retenant qu’un agrément était requis dès lors que l’activité hôtelière ne constitue pas une activité commerciale soumise à un tel agrément, du fait de l’indépendance des dispositions relatives à l’agrément et à celles du droit de l’urbanisme et de l’inapplicabilité de l’article L. 151-28 du code de l’urbanisme ;

– le jugement est entaché d’erreur de droit ou à tout le moins d’une erreur d’appréciation pour avoir considéré que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas un diagnostic de pollution établi par un bureau d’études certifié, dès lors que le terrain d’assiette n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 556-1 du code de l’environnement et qu’un diagnostic équivalent y figurait en tout état de cause ;

– le jugement ne pouvait, sans être entaché d’erreur d’appréciation, retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme à raison d’une obstruction significative de la lumière et d’une atteinte aux conditions d’éclairage de l’immeuble des requérants ;

– le tribunal a, à tort, écarté l’application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

La requête a été communiquée à Mme G. qui n’a pas produit d’observations en défense.

II- Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 11 mars, 21 avril et 18 août 2022 sous le n° 22PA01155, la Ville de Paris, représentée par Me Froger, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2013641/4-2 du 10 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de M. E., de Mme A. et de Mme G. ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. E., de Mme A. et de Mme G. le paiement d’une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement est entaché d’erreur de droit ou à tout le moins d’une erreur d’appréciation en retenant qu’un agrément était requis dès lors que l’activité hôtelière ne constitue pas une activité commerciale soumise à un tel agrément, du fait de l’indépendance des dispositions relatives à l’agrément et à celles du droit de l’urbanisme et de l’inapplicabilité de l’article L. 151-28 du code de l’urbanisme ; il est en outre insuffisamment motivé sur ce point ;

– le jugement est entaché d’erreur de droit ou à tout le moins d’une erreur d’appréciation pour avoir considéré que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas un diagnostic de pollution établi par un bureau d’études certifié, dès lors que le terrain d’assiette n’entrait pas dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 556-1 du code de l’environnement et qu’un diagnostic équivalent y figurait en tout état de cause ; il est en outre insuffisamment motivé sur ce point ;

– les premiers juges auraient dû rechercher si l’absence d’attestation d’un bureau d’études aurait pu induire en erreur les services instructeurs de la Ville de Paris ;

– le jugement ne pouvait, sans être entaché d’erreur d’appréciation, retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme à raison d’une obstruction significative de la lumière et d’une atteinte aux conditions d’éclairage de l’immeuble des requérants ;

– le tribunal a, à tort, écarté l’application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 23 juin 2022, la société par actions simplifiée Financière Arthenco, représentée par Me Labonnelie, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2013641/4-2 du 10 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la requête de première instance de M. E., de Mme A. et de Mme G. ;

3°) de mettre à la charge solidaire de M. E., de Mme A. et de Mme G. le paiement d’une somme de 15 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les requérants n’avaient pas intérêt à agir ;

– l’agrément prévu par les dispositions de l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme n’était pas nécessaire faute pour l’activité hôtelière de relever des activités commerciales ;

– le moyen retenu par le tribunal et tiré de l’absence de diagnostic de pollution établi par un bureau d’études certifié était inopérant et en tout état de cause non fondé ;

– la décision ne méconnait pas les dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme ;

– les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2022, M. E. et Mme A., représentés par Me Lebeau, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la confirmation du jugement du 10 janvier 2022 ;

3°) à l’annulation de la décision du 29 juin 2020 ;

4°) à la mise à la charge de la Ville de Paris d’une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– l’activité hôtelière est une activité commerciale et à ce titre, elle est soumise à l’obligation d’agrément prévu à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme ;

– le terrain d’assiette entrait dans le champ d’application des dispositions de l’article L. 556-1 du code de l’environnement exigeant la fourniture d’un diagnostic sur les pollutions qui ne figurait pas dans le dossier de demande ;

– la décision méconnait les dispositions de l’article UG 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme ;

– aucune régularisation n’est possible sur le fondement des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

La requête a été communiquée à Mme G. qui n’a pas produit d’observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’environnement ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. F.,

– les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

– les observations de Me Labonnelie, représentant la société par actions simplifiée Financière Arthenco,

– les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris,

– et les observations de Me Sacksick, substituant Me Lebeau, représentant M. E. et Mme A.

8Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 juin 2020, la maire de Paris a délivré à la société par actions simplifiée Financière Arthenco un permis de construire pour la construction d’un bâtiment en R+6 sur 3 niveaux de sous-sol à destination d’hébergement hôtelier et d’une crèche en rez-de-chaussée, sur un terrain situé 86, rue Duhesme à Paris (18e arrondissement). Par des requêtes enregistrées sous le n° 22PA01112 et sous le n° 22PA01155, la société par actions simplifiée Financière Arthenco et la Ville de Paris relèvent respectivement appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel, saisi à cette fin par M. E., Mme A. et Mme G., le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes n° 22PA01112 et n° 22PA01155 sont dirigées contre le même jugement du 10 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes des dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés. »

4. A supposer que la Ville de Paris ait entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance par le jugement attaqué des dispositions précitées, ce dernier énonce, au point 11, les motifs pour lesquels l’activité hôtelière relève de la destination commerciale et précise, au point 13, que le terrain d’assiette du projet a, par le passé, accueilli une installation classée pour la protection de l’environnement, à savoir une blanchisserie-teinturerie. Il est ainsi suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société par actions simplifiée Financière Arthenco tirée du défaut d’intérêt à agir des requérants :

5. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne […] n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. / […]. » Aux termes de l’article L. 600-1-3 du même code : « Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. »

6. Si la société requérante soutient en cause d’appel que les requérants n’avaient pas intérêt à agir au jour de l’introduction de la requête, le moyen ne peut qu’être écarté par adoption des motifs retenus aux points 3 à 5 du jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

7. Aux termes de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme alors en vigueur : « Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : […] / g) L’agrément prévu à l’article L. 510-1, lorsqu’il est exigé ; / […] n) Dans le cas prévu par l’article L. 556-1 du code de l’environnement, un document établi par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, attestant que les mesures de gestion de la pollution au regard du nouvel usage du terrain projeté ont été prises en compte dans la conception du projet […]. »

8. En premier lieu, pour juger que la décision méconnaissait les dispositions du g) de l’article R. 431-16 précité, les premiers juges ont relevé que l’activité hôtelière constituait une activité commerciale et qu’en conséquence, le dossier de demande de permis de construire aurait dû comporter l’agrément prévu à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme.

9. Aux termes de l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme : « I. – La construction, la reconstruction, l’extension, le changement d’utilisateur ou d’utilisation de locaux ou installations ou de leurs annexes servant à des activités industrielles, commerciales, professionnelles, administratives, techniques, scientifiques ou d’enseignement ne relevant pas de l’Etat ou de son contrôle peuvent être soumis à un agrément de l’autorité administrative. / La décision d’agrément prend en compte les orientations définies par la politique d’aménagement et de développement du territoire national et par la politique de la ville relatives notamment au développement du logement social et de la mixité sociale, ainsi que la nécessité d’un équilibre entre les constructions destinées à l’habitation et celles destinées aux activités mentionnées à l’alinéa précédent. / […] III. – Dans la région d’Ile-de-France, la construction, la reconstruction ou l’extension des locaux, installations et annexes mentionnées au premier alinéa du I sont, à compter du 1er janvier 1995, soumises à la procédure d’agrément, dans les conditions prévues aux I et II et dans le respect des directives territoriales d’aménagement applicables à cette région ainsi que de son schéma directeur. » Aux termes de l’article R. 510-1 du même code : « Dans la région d’Ile-de-France, sont soumis à agrément, sous réserve des exceptions prévues aux articles R. 510-4 et R. 510-6, toute opération entreprise par toute personne physique ou morale de droit privé, ou de droit public lorsque le champ d’action de la personne morale relève en majeure partie du secteur concurrentiel, tendant à la construction, la reconstruction, la réhabilitation ou l’extension de tous locaux ou installations servant à des activités industrielles, commerciales, professionnelles, administratives, techniques, scientifiques ou d’enseignement. / Les opérations mentionnées au premier alinéa sont soumises à agrément quelle que soit l’affectation des locaux existants et indépendamment de la qualité de leur propriétaire et quelles que soient les conditions juridiques de l’utilisation. Les transferts à titre gratuit sont exclus du champ d’application du présent titre. »

10. Pour l’application des dispositions précitées dans leur rédaction issue de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, laquelle, ainsi qu’il résulte de son intitulé, a pour objet l’aménagement du territoire, l’activité hôtelière, qui est particulièrement dépendante de la demande et donc de son lieu d’implantation, ne constitue pas une activité de nature commerciale, au sens de ces dispositions, qui aurait nécessité un agrément. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que c’est à tort que le jugement attaqué s’est fondé sur ce motif, rappelé au point 8, pour annuler la décision contestée.

11. En deuxième lieu, les premiers juges ont retenu que la décision avait méconnu les dispositions du n) de l’article R. 431-16 précité au motif que le terrain avait accueilli une installation classée, en l’espèce une blanchisserie-teinturerie, et que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas de document établi par un bureau d’études certifié ainsi que l’exigent les dispositions des articles L. 556-1 et R. 556-3 du code de l’environnement.

12. Aux termes de l’article L. 556-1 du code de l’environnement : « Sans préjudice des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1, sur les terrains ayant accueilli une installation classée mise à l’arrêt définitif et régulièrement réhabilitée pour permettre l’usage défini dans les conditions prévues par ces mêmes articles, lorsqu’un usage différent est ultérieurement envisagé, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en oeuvre afin d’assurer la compatibilité entre l’état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l’agriculture et l’environnement au regard du nouvel usage projeté. / Ces mesures de gestion de la pollution sont définies en tenant compte de l’efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts, des inconvénients et avantages des mesures envisagées. Le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage fait attester de cette prise en compte par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l’environnement, ou équivalent. Le cas échéant, cette attestation est jointe au dossier de demande de permis de construire ou d’aménager. / Le cas échéant, s’il demeure une pollution résiduelle sur le terrain concerné compatible avec les nouveaux usages, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage en informe le propriétaire et le représentant de l’Etat dans le département. Le représentant de l’Etat dans le département peut créer sur le terrain concerné un secteur d’information sur les sols. / En cas de modification de la consistance du projet initial, le maître d’ouvrage à l’initiative de cette modification complète ou adapte, si nécessaire, les mesures de gestion définies au premier alinéa. / Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat. » Aux termes de l’article R. 556-3 du même code : « I. – L’attestation du bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2, garantit : / – la réalisation d’une étude de sols ; / – la prise en compte des préconisations de cette étude pour assurer la compatibilité entre l’état des sols et l’usage futur du site dans la conception du projet de construction ou de lotissement. / II. – Le bureau d’études fournissant l’attestation prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 peut être le même que celui qui a réalisé l’étude de sols. / III. – Le ministre chargé de l’environnement fixe par arrêté le modèle de l’attestation prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2. »

13. Quand bien même la capture d’écran du site internet Géorisques.gouv.fr ne mentionne pas la présence d’une installation classée sur la parcelle en litige, une telle installation, en l’espèce une blanchisserie-teinturerie dont il est constant qu’elle relève de la catégorie des installations classées, est toutefois répertoriée sur un relevé extrait de la base de données Basias. Il en résulte que l’attestation prévue par les dispositions précitées devait être jointe à la demande de permis de construire. A supposer même que la société Bottes, qui a établi le rapport du 2 août 2019, aurait disposé d’une certification dans le domaine des sites et sols pollués, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ou qu’elle aurait présenté des garanties équivalentes, notamment ainsi que le font valoir les requérantes en respectant la norme NF p. 94.500 relatives aux études géotechniques, le rapport en question ne comporte pas l’ensemble des éléments prévus par les dispositions précitées. En effet, si ce document comporte une étude du sol et de sa pollution et relève l’existence d’une pollution notamment en sulfate, plomb, chlorure et chrome supérieure aux seuils d’acceptation en Installation de Stockage de Déchets Inertes, ce document ne comporte aucune préconisation en termes de conception du projet et, a fortiori, ne peut donc attester de la prise en compte de ces préconisations. La Ville de Paris ne saurait, enfin, utilement se prévaloir de ce que la notice architecturale prévoit la réalisation d’une campagne de sondages pour déterminer l’état de la pollution et les mesures de dépollution nécessaires, cette simple notice ne comportant pas les éléments exigés par le code de l’environnement et au surplus, n’émanant pas d’un bureau d’études certifié.

14. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l’article UG.7.1 du règlement du plan local d’urbanisme : « Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l’article UG.10.3, l’implantation d’une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d’éclairement d’un immeuble voisin ou à l’aspect du paysage urbain, et notamment à l’insertion de la construction dans le bâti environnant […]. »

15. Si les premiers juges ont relevé que le projet méconnaissait les dispositions précitées du fait de l’obstruction significative de la luminosité qu’il engendrerait dans les appartements des requérants, il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet n’est pas implanté en limite séparative de la propriété des appartements des intimés mais en retrait de celle-ci et qu’il en est séparé par une cour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées étant dès lors inopérant, la société par actions simplifiée Financière Arthenco et la Ville de Paris sont fondées à soutenir que c’est à tort que le jugement s’est fondé sur ce motif pour annuler la décision contestée.

16. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme […], la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation […], en l’état du dossier. » Pour l’application de ces dispositions, aucun des autres moyens de la demande de première instance n’est susceptible, en l’état du dossier, de fonder l’annulation de la décision du 29 juin 2020.

Sur l’application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

17. Aux termes des dispositions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé. » Aux termes des dispositions de l’article L. 600-5-1 du même code : « Sans préjudice de la mise en oeuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

18. Si l’arrêté du 19 décembre 2018 fixant les modalités de la certification prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l’environnement et le modèle d’attestation mentionné à l’article R. 556-3 du code de l’environnement a été annulé par une décision du Conseil d’Etat du 21 juillet 2021 (n° 428437), annulation qui, en vertu de cette décision, n’a au demeurant pris effet qu’au 1er mars 2022, il résulte de l’instruction que le ministre de la transition écologique et le ministre de l’économie, des finances et de la relance ont pris le 9 février 2022 un nouvel arrêté, lequel est en vigueur à la date du présent arrêt, fixant les modalités de certification prévues aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l’environnement, le référentiel, les modalités d’audit, les conditions d’accréditation des organismes certificateurs et les conditions d’équivalence prévus aux articles R. 512-39-1, R. 512-39-3, R. 512-46-25, R. 512-46-27, R. 512-66-1 et R. 515-106 du code de l’environnement, ainsi que les modèles d’attestation prévus aux articles R. 556-3 et R. 512-75-2 du code de l’environnement. Il en résulte que le vice entachant la décision et tiré de la méconnaissance des dispositions du n) de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme est susceptible d’être régularisé. En conséquence, il y a lieu pour la Cour de surseoir à statuer sur les conclusions des requêtes de la société par actions simplifiée Financière Arthenco et de la Ville de Paris pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, afin de permettre à la société par actions simplifiée Financière Arthenco de procéder à la régularisation de l’illégalité résultant du vice susmentionné qui affecte la décision en litige, tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas statué par le présent arrêt étant réservés jusqu’en fin d’instance.

Décide :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité de l’arrêté de la maire de Paris du 29 juin 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société par actions simplifiée Financière Arthenco et la Ville de Paris de notifier à la cour un permis de construire le régularisant.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu’en fin d’instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris, à la société par actions simplifiée Financière Arthenco, à M. B. E., à Mme D. A. et à Mme C. G.

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