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Autorisations d’urbanisme : l’EPCI instructeur est responsable des irrégularités entachant l’arrêté !

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Toulouse
21-09-2023
n° 21TL23620
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. V. et Mme G. ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Mons à leur verser une somme de 1 025 105,279 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019, ainsi que de la capitalisation des intérêts et M. L. a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Mons à lui verser une somme totale comprise entre 151 825,97 € et 220 112,37 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2019 et de la capitalisation des intérêts. La commune de Mons a demandé au tribunal administratif dans ces instances de condamner Toulouse Métropole à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par un jugement nos 1902052,1903510 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Mons à verser à M. V. et Mme G une somme de 146 468 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 14 février 2020 et à M. L une somme de 50 167 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 8 mars 2020. Il a également condamné Toulouse Métropole à garantir intégralement la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux sous le n° 21BX03620 puis au greffe de la cour administrative d’appel de Toulouse sous le n° 21TL23620 les 7 septembre 2021 et 3 novembre 2022, Toulouse Métropole, représentée par la société d’avocats Goutal, Alibert et associés, demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 7 de ce jugement la condamnant à garantir intégralement la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de rejeter l’appel en garantie formé par la commune de Mons en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 € en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement attaqué est insuffisamment motivé en l’absence de réponse du tribunal au moyen tiré de ce qu’elle ne peut être appelée en garantie, son service instructeur étant placé sous l’autorité du maire de Mons pour l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme ;

– le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la faute commise par l’architecte ;

– la convention de mise à disposition des services de la métropole pour l’exercice des compétences communales n’est pas un contrat de louage d’ouvrage et sa responsabilité ne peut pas être engagée en l’absence de refus ou de négligence par ses services instructeurs d’exécuter un ordre ou une instruction du maire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

– quand bien même elle serait responsable, la commune de Mons a également commis des fautes de nature à l’exonérer de toute responsabilité en méconnaissant les articles 2, 7, 12 et 13 de la convention de mise à disposition des services de la métropole ;

– les notaires ont également commis des fautes dans le cadre de leur devoir de conseil et d’information de leurs clients en ne les informant pas de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels identifiant un risque de mouvement de terrain sur les parcelles en litige ;

– l’architecte auquel a été confiée la mission d’obtenir le permis d’aménager a méconnu son devoir de conseil en n’informant pas ses clients de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels identifiant un risque de mouvement de terrain sur les parcelles en litige ;

– l’Etat a aussi commis une faute lourde dans l’exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales ;

– les pétitionnaires des décisions d’urbanisme illégales ont commis une faute d’imprudence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, M. V. et Mme G, représentés par Me Magrini, concluent au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de Toulouse Métropole la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

– le jugement est régulier ;

– les moyens soulevés par Toulouse Métropole ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, M. L, représenté par la SELARL M&R Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de Toulouse Métropole et de la commune de Mons la somme de 5 220 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Toulouse Métropole ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2022 et 17 novembre 2022, la commune de Mons, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de Toulouse Métropole la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

– le jugement est régulier ;

– les moyens soulevés par Toulouse Métropole ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a attribué à la cour administrative d’appel de Toulouse le jugement de la requête de Toulouse Métropole.

Par ordonnance du 1er novembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 5 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code civil ;

– le code de l’environnement ;

– le code général des collectivités territoriales ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

– les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

– et les observations de Me Aveline, représentant Toulouse Métropole, Me Reilles, représentant M. V. et Mme G. et Me Chaboussou, représentant M.

Considérant ce qui suit :

M. V. et M. L. ont obtenu, par arrêté du 9 août 2016 du maire de Mons (Haute-Garonne), un permis d’aménager un lotissement de trois lots à bâtir sur une parcelle cadastrée AH 70. Ils ont acquis la parcelle AH 70 avec la compagne de. M. V., Mme G., et l’épouse de M. L., par acte notarié du 6 février 2017. Après la réalisation du lotissement, M. V. et Mme G. ont acquis, par acte notarié du 19 juin 2018, la pleine propriété du lot n° 3 et ont obtenu, par arrêté du 20 avril 2018, un permis de construire une maison d’habitation sur ce lot. Les quatre propriétaires de la parcelle initiale AH 70 ont également cédé le lot n° 2 à Mme B. et M. D. et consenti une promesse de vente du lot n° 1 à M. de C. et Mme T. Par deux courriers du 26 octobre 2018, le maire de Mons a indiqué à M. V. et Mme G. d’une part, et à M. et Mme L. d’autre part, que le plan de prévention des risques naturels prévisibles classait leur terrain en zone bleu foncé en raison d’un risque moyen de mouvement de terrain, qu’il était ainsi inconstructible et que les travaux en cours de réalisation devaient être interrompus. Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Mons à verser à M. V. et Mme G. une somme de 146 468 € avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 14 février 2020 et à M. L. une somme de 50 167 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 8 mars 2020 en réparation des préjudices qu’ils ont subis dans le cadre de cette opération d’urbanisme. Il a également condamné Toulouse Métropole à garantir intégralement la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre. Par la présente requête, Toulouse Métropole relève appel de ce jugement en tant qu’il l’a condamnée à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les conclusions en appel en garantie :

Aux termes de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, « […] III. – Les services d’un établissement public de coopération intercommunale peuvent être en tout ou partie mis à disposition d’une ou plusieurs de ses communes membres, pour l’exercice de leurs compétences, lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d’une bonne organisation des services. / IV. – Dans le cadre des mises à disposition prévues aux II et III, une convention conclue entre l’établissement public de coopération intercommunale et chaque commune intéressée en fixe les modalités après consultation des comités techniques compétents. Cette convention prévoit notamment les conditions de remboursement par la commune ou l’établissement public bénéficiaire de la mise à disposition des frais de fonctionnement du service. Les modalités de ce remboursement sont définies par décret. Le maire ou le président de l’établissement public adresse directement au chef du service mis à disposition toutes instructions nécessaires à l’exécution des tâches qu’il confie au dit service. Il contrôle l’exécution de ces tâches. Il peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au chef dudit service pour l’exécution des missions qu’il lui confie en application de l’alinéa précédent ».

Les conventions conclues à titre onéreux et en dehors de toute obligation entre plusieurs collectivités territoriales ou entre une collectivité territoriale et un établissement public de coopération intercommunale pour mettre à disposition des services sont des contrats de louage d’ouvrage dont l’inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d’engager la responsabilité de la personne morale dont dépendent ces services dans les conditions de droit commun.

En l’espèce, il résulte de l’instruction que par une convention conclue en octobre 2014, la communauté urbaine de Toulouse à laquelle a succédé Toulouse Métropole a mis à disposition de la commune de Mons son service instructeur du droit des sols sur le fondement des dispositions des III et IV de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales. Contrairement à ce que soutient Toulouse Métropole, il ne résulte pas de ces dispositions que les conventions de mise à disposition conclues sur leur fondement sont de droit lorsqu’une commune le demande. De plus, il résulte de ces mêmes dispositions, lesquelles prévoient le remboursement des frais de fonctionnement du service, que de telles conventions sont conclues à titre onéreux et non pas à titre gratuit. Dans ces conditions, et alors même que le service instructeur de Toulouse Métropole serait sous l’autorité du maire de Mons, cette convention constitue un contrat de louage d’ouvrage dont la mauvaise exécution est susceptible d’engager la responsabilité du service instructeur dans les conditions de droit commun. Par suite, la responsabilité contractuelle de Toulouse Métropole est susceptible d’être engagée à l’encontre de la commune de Mons en raison des illégalités entachant le permis d’aménager du 9 août 2016 et le permis de construire du 20 avril 2018.

Aux termes de l’article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales, « Sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l’égard de toute personne physique ou morale qu’elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit. »

Aux termes des stipulations de l’article 14 de la convention de mise à disposition d’octobre 2014 : « La mise à disposition du service instructeur donne lieu à rémunération au profit de la communauté urbaine. Les communes verseront annuellement une contribution correspondant aux charges liées au fonctionnement du service mis à disposition et supportées par la communauté urbaine. Elles seront calculées dans les conditions prévues à l’article L. 5211-4-1. La répartition de cette contribution entre les communes ayant signé une convention de mise à disposition pour l’instruction des autorisations d’urbanisme avec la Communauté Urbaine s’établira en fonction des dispositions de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales. » Aux termes de l’article 12 de cette même convention : « Dans l’hypothèse où la commune de Mons serait attraite dans un contentieux indemnitaire relatif à un permis, une déclaration ou un certificat d’urbanisme ayant été instruit par les services de la communauté urbaine mis à disposition dans le cadre de la présente convention, elle renonce à appeler cette dernière en garantie, la commune de Mons restera seule responsable des éventuelles irrégularités commises par le service instructeur mis à sa disposition dans le cadre des opérations d’instruction des permis et des déclarations, et agissant sur l’instruction du maire […]. Seront également à la charge de la commune de Mons l’ensemble des dépenses liées au contentieux de l’urbanisme, notamment les condamnations aux dépens, les frais irrépétibles et les condamnations d’ordre indemnitaire. »

Contrairement à ce que soutient en défense la commune de Mons, la convention de mise à disposition en litige, qui prévoit le seul remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur conformément au IV de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, si elle est conclue à titre onéreux, ne peut être regardée comme prévoyant une rémunération d’une personne physique ou morale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-10 du même code. Dans ces conditions, la clause de renonciation à tout appel en garantie prévue par les stipulations de l’article 12 de cette convention ne constitue pas une clause illégale au sens de ces mêmes dispositions. Par suite et dès lors que la commune s’est engagée par cette convention à renoncer à appeler en garantie Toulouse Métropole dans le cadre des contentieux indemnitaires relatifs à l’instruction des autorisations d’urbanisme, la commune de Mons n’est pas fondée à appeler en garantie Toulouse Métropole pour les condamnations prononcées par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2021 en raison des illégalités entachant le permis d’aménager du 9 août 2016 et le permis de construire du 20 avril 2018.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que Toulouse Métropole est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l’a condamnée à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées par ce même jugement à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Toulouse Métropole qui n’est pas la partie perdante à la présente instance, les sommes que la commune de Mons, M. V., Mme G. et M. L. demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme demandée par Toulouse Métropole au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le même fondement ni de mettre à la charge de la commune de Mons la somme demandée par M. L. au titre des mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : L’article 7 du jugement nos 1902052, 1903510 du tribunal administratif de Toulouse du 8 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : Les conclusions d’appel en garantie formées par la commune de Mons à l’encontre de Toulouse Métropole sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Toulouse Métropole, la commune de Mons, M. V., Mme G. et M. L au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Toulouse Métropole, à la commune de Mons, à M. V., à Mme G. et à M. L.

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