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Permis de construire : peut-on obtenir un permis de construire modification après l’achèvement des travaux (DAACT) ?

Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 25/11/2020, 429623

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. H… G… et Mme C… B…, épouse G…, ont demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 14 octobre 2014 par lequel le maire de Jablines a délivré à M. F… E… et à Mme D… A… un permis modificatif du permis de construire une maison d’habitation sur un terrain situé 13 bis, Grande rue, qu’il leur avait délivré le 3 décembre 2010. Par un jugement n° 1505971 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18PA01344 du 7 février 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par M. et Mme G… contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril et 10 juillet 2019 et le 25 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme G… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Jablines et de M. E… et Mme A… la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d’Etat,

– les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. et Mme G… et à Me Le Prado, avocat de M. E… et de Mme A… ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 décembre 2010, le maire de Jablines, en Seine-et-Marne, a délivré à M. E… et Mme A… le permis de construire une maison d’habitation sur un terrain situé 13, Grande rue. M. et Mme G…, voisins du terrain d’assiette, ont assigné M. E… et Mme A… devant le juge civil des référés afin de faire constater un dépassement de la hauteur de construction maximale autorisée, puis devant le tribunal de grande instance de Meaux afin qu’il ordonne de faire cesser cette irrégularité. Ce dépassement ayant été établi par un rapport du géomètre-expert désigné par le juge civil des référés, déposé le 30 janvier 2013, M. E… et Mme A… ont présenté, le 8 août 2014, une demande de permis de construire modificatif ayant pour principal objet d’y remédier. Ce permis de construire modificatif leur a été accordé par un arrêté du 14 octobre 2014, dont M. et Mme G… ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir au tribunal administratif de Melun. Par un jugement du 16 février 2018, ce tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme G… se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 7 février 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté leur appel contre ce jugement.

2. L’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, un permis le modifiant, sous réserve que les modifications apportées au projet initial n’en remettent pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception générale.

3. En outre, aux termes de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige :  » L’autorité compétente (…) peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. (…) / Passé ce délai, l’autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux. (…) « . En vertu de l’article R. 462-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, à compter de la date de réception en mairie de la déclaration signée par le bénéficiaire du permis de construire attestant l’achèvement et la conformité des travaux, l’autorité compétente dispose, sous réserve des cas où un récolement des travaux est obligatoire, d’un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration, au-delà duquel elle ne peut plus exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant sur les éléments de la construction existante édifiés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée.

4. Enfin, si la construction achevée n’est pas conforme au projet autorisé, le titulaire du permis de construire conserve la faculté, notamment si une action civile tendant à la démolition ou à la mise en conformité de la construction a été engagée, de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire destiné à la régulariser, qui doit porter sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé et respecter les règles d’urbanisme en vigueur à la date de son octroi.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 ci-dessus que, dès lors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, ainsi que la cour administrative d’appel de Paris l’a relevé, que M. E… et Mme A… avaient déclaré en mairie le 31 juillet 2013 que les travaux autorisés par le permis de construire délivré le 3 décembre 2010 étaient achevés depuis le 1er décembre 2012, le maire de Jablines, qui s’était borné, par un courrier du 27 novembre 2013, à leur suggérer de présenter une demande de permis de construire modificatif pour régulariser la construction, ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du premier alinéa de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme pour délivrer un permis de construire modificatif du permis initial.

6. Il en résulte également que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, dès lors que les modifications demandées visaient à régulariser la construction réalisée sur la base du permis de construire initial et à remédier aux non-conformités révélées notamment par la procédure judiciaire engagée par les voisins, le maire avait pu légalement délivrer le 14 octobre 2014 un permis de construire modificatif du permis du 3 décembre 2010, sans que l’achèvement des travaux autorisés par ce permis y fasse obstacle.

7. Par suite, M. et Mme G… sont fondés, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de leur pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris qu’ils attaquent.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de M. E… et de Mme A… présentées à ce titre. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Jablines une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme G… au titre de ces dispositions.

 

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 7 février 2019 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : La commune de Jablines versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme G… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. E… et de Mme A… présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. H… et Mme C… G…, à la commune de Jablines et à M. F… E… et Mme D… A….

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