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Domaine public maritime : qu’est-ce qu’un gardien d’un ouvrage irrégulièrement implanté ?

Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 31/05/2022, 457886

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Mayer a demandé au tribunal administratif de Nice d’annuler la décision du 15 décembre 2016 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes, d’une part, a refusé de lui délivrer une autorisation d’occupation du domaine public maritime, d’autre part, lui a enjoint de démolir tous les ouvrages faisant l’objet de la demande en cause et de remettre les lieux dans leur état naturel. Par un jugement n° 1702301 du 4 juin 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA03393 du 25 juin 2021, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la société Mayer contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2021 et 14 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Mayer demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société Mayer ;

Considérant ce qui suit :

1. Ainsi qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, la société Mayer a acquis une villa en bord de mer sur le territoire de la commune d’Eze-sur-Mer (Alpes-Maritimes) le 17 septembre 2007. Le 17 mai 2016, elle a demandé au préfet des Alpes-Maritimes l’autorisation d’occuper une dépendance du domaine public maritime située au droit de sa propriété, sur laquelle se trouvaient édifiées plusieurs installations, dont une plate-forme en béton dallée, trois bollards, un plongeoir et une rampe double d’escaliers. Le 6 octobre 2016, le directeur départemental des finances publiques a émis un ordre de versement mettant à sa charge des indemnités pour l’occupation sans titre de cette dépendance, à titre de régularisation, pour les années 2013, 2014 et 2015. Par une décision du 15 décembre 2016, le préfet, d’une part, a rejeté sa demande d’autorisation d’occupation temporaire, d’autre part, lui a enjoint de démolir toutes les installations en faisant l’objet et de remettre les lieux dans leur état naturel dans un délai de quatre mois, en précisant qu’à défaut d’exécution, une contravention de grande voirie serait dressée à son encontre. Par un jugement du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête par laquelle la société demandait l’annulation de cette décision. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 juin 2021 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d’amende « .

3. Ces dispositions tendent à assurer, au moyen de l’action domaniale qu’elles instituent, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection, notamment, d’ordonner à celui qui l’a édifié ou, à défaut, à la personne qui en a la garde, la démolition d’un ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur ce domaine. Dans le cas d’un tel ouvrage, le gardien est celui qui, en ayant la maîtrise effective, se comporte comme s’il en était le propriétaire.

4. Pour juger que la société Mayer avait la garde des ouvrages en litige, la cour administrative d’appel a relevé qu’elle a la jouissance des installations en cause, situées en contrebas de sa propriété, que si elle soutient ne pas en avoir l’usage exclusif, des panneaux interdisant l’accès aux piétons sont apposés à proximité du seul cheminement permettant au public d’y accéder, que l’ancien propriétaire de la villa avait, comme elle, demandé à occuper la dépendance sur laquelle elles sont construites, et qu’elle s’était elle-même acquittée d’indemnités pour occupation sans droit ni titre de cette dépendance. Par suite, elle a pu, sans commettre d’erreur de droit ni inexactement qualifier les faits de l’espèce, se fonder sur l’ensemble de ces éléments, non argués de dénaturation, pour juger que la société Mayer se comporte à l’égard des installations en cause comme leur propriétaire, et qu’elle en a dès lors la garde. Si elle a en outre relevé que la société avait vainement demandé l’autorisation d’occuper la dépendance du domaine public en cause, ces énonciations revêtent un caractère surabondant et le moyen tiré de ce qu’elles seraient entachées d’erreur de droit est, par suite, inopérant.

5. En deuxième lieu, si la société Mayer soutient qu’une mise en demeure de remettre en état le domaine public ne pouvait légalement intervenir sans qu’ait été mise en œuvre la procédure de contravention de grande voirie et que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en s’abstenant de constater, pour ce motif, l’illégalité de la décision du 15 décembre 2016 en tant qu’elle prononce une telle mise en demeure, ce moyen, qui n’est pas d’ordre public, est nouveau en cassation et par suite inopérant.

6. En troisième lieu, la décision du préfet du 15 décembre 2016, en tant qu’elle rejette la demande de délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public formée par la société Mayer le 17 mai 2016, n’a pas été prise pour l’application de la décision du 6 octobre 2016 du directeur départemental des finances publiques mettant à la charge de cette société une indemnité au titre de l’occupation sans titre de la dépendance en cause au cours des années 2013, 2014 et 2015, laquelle n’en constitue pas davantage la base légale. Par suite, la société Mayer ne pouvait utilement se prévaloir, au soutien de sa contestation de la décision du 15 décembre 2016, par la voie de l’exception, de l’illégalité de celle du 6 octobre 2016. Ce motif, qui n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué à ceux par lesquels la cour administrative d’appel a écarté l’exception d’illégalité soulevée devant elle et que le pourvoi ne peut, par suite, utilement critiquer.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Mayer n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la société Mayer est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Mayer et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l’issue de la séance du 11 mai 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d’Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 31 mai 2022.

Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle

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