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Empêcher un accès à la voie publique affecte le droit de propriété

 Lorsqu’un maire priver des riverains d’un accès à la voie publique, il porte atteinte à leur droit de propriété. Il engage ainsi la responsabilité de la commune.

Conseil d’État 
 
N° 347345 
Mentionné au tables du recueil Lebon 
Juge des référés 
M. Jacques-Henri Stahl, rapporteur 
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP GASCHIGNARD, avocats 
 
 
Lecture du lundi 14 mars 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE 
 
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

 
Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la COMMUNE DE GALLUIS, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE GALLUIS demande au juge des référés du Conseil d’Etat :  
 
1°) d’annuler l’ordonnance n°1100846 du 22 février 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au maire de Galluis de procéder à l’enlèvement de tout obstacle placé sur la chaussée de la rue de la mairie de nature à empêcher l’accès et le stationnement temporaire des véhicules desservant la propriété de M. et Mme A ;  
 
2°) de mettre à la charge de M. et Mme A la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; 
 
 
elle soutient qu’il n’a pas été porté d’atteinte à une liberté fondamentale, la pose des jardinières ne traduisant pas une voie de fait ni une entrave au droit de propriété ; qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale ne peut être retenue, dans la mesure où l’arrêté interdisant le stationnement et la circulation dans la rue est devenu définitif ; que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 n’est pas remplie, les demandeurs n’ayant saisi le juge des référés que deux semaines après la pose des jardinières ; que l’enlèvement des jardinières ordonné par le juge des référés de première instance n’est pas une mesure provisoire mais définitive ;  
 
 
Vu l’ordonnance attaquée ; 
 
Vu le mémoire en défense, enregistré au secrétariat du contentieux le 11 mars 2011, présenté par M. et Mme A ; il tend au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE GALLUIS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que la requête est irrecevable faute de délibération du conseil municipal habilitant le maire à agir en justice ; que la condition d’urgence était remplie compte tenu de ce qu’aucun véhicule ne pouvait plus accéder à leur propriété et qu’il était fait obstacle à la réalisation des travaux prévus ; que le libre accès des riverains à la voie publique est un accessoire du droit de propriété qui constitue une liberté fondamentale ; que la pose des jardinières traduit un détournement de pouvoir et porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété ; que l’arrêté réglementant la circulation et le stationnement sur cette voie n’a pas pour effet de leur interdire d’accéder à leur propriété ; 
Vu les autres pièces du dossier ;  
 
Vu le code de justice administrative ; 
 
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la COMMUNE DE GALLUIS et, d’autre part, M. et Mme A ; 
Vu le procès-verbal de l’audience du 14 mars 2011 à 10 heures, au cours de laquelle ont été entendus : 
 
– Me Gaschignard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la COMMUNE DE GALLUIS ;  
 
– le maire de Galluis ainsi qu’un représentant de la commune ; 
 
– Me Nicolaÿ, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;  
 
– le représentant de M. et Mme A ;  
 
Et à l’issue de laquelle l’instruction a été close ; 
 
 
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;  
 
Considérant que le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété, lequel a le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que la privation de tout accès à la voie publique est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté, pouvant justifier le prononcé, par le juge administratif des référés saisi au titre de cet article L. 521-2, de toute mesure nécessaire de sauvegarde ; 
 
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le maire de Galluis a fait procéder, le 4 février 2011, à la pose de bacs contenant des arbustes sur la chaussée de la rue de la mairie, qui présente le caractère d’une voie publique ; que ces bacs faisaient obstacle, en raison de leur poids, de leur volume, de leur disposition et de la largeur de la voie, au passage de tout véhicule automobile sur la portion de la rue sur laquelle ils ont été disposés ; que la rue de la mairie dessert le domicile des époux A dont elle constitue, compte tenu de la configuration des lieux, le seul accès ;  
 
Considérant, d’une part, que la pose de ces bacs a eu pour effet d’empêcher tout véhicule automobile de parvenir à la porte du domicile des époux A, les privant ainsi d’un accès dont ils bénéficiaient jusque-là ; que cet aménagement n’est justifié par aucun motif tiré des nécessités de la conservation du domaine public ou de l’entretien de la voie ; que si la COMMUNE DE GALLUIS invoque les dispositions de l’arrêté du 3 octobre 2009 par lequel le maire a réglementé la circulation et le stationnement dans cette partie de la rue de la mairie pour en faire une voie piétonne, il résulte des termes mêmes de cet arrêté qu’il réserve la possibilité pour les époux A d’utiliser la voie pour accéder à leur domicile ; qu’au demeurant, si un tel arrêté est susceptible d’interdire légalement le stationnement et la circulation automobile sur cette voie piétonne, il ne saurait légalement interdire, de façon générale et en toute circonstance, l’accès par des véhicules au domicile des riverains ; qu’ainsi, en faisant procéder dans les circonstances de l’espèce à l’installation des bacs en cause sur la voie publique, le maire de Galluis a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété ; 
 
Considérant, d’autre part, que la privation, dans les circonstances de l’espèce, de tout accès par des véhicules à leur domicile constitue, pour les époux A, une situation d’urgence justifiant que le juge administratif des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; 
 
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme A, que la COMMUNE DE GALLUIS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a ordonné l’enlèvement des bacs ; 
 
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des époux A le versement de la somme demandée par la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE GALLUIS le versement d’une somme de 2 000 euros à ce même titre ; 
 
 
O R D O N N E : 
—————— 
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE GALLUIS est rejetée. 
Article 2 : La COMMUNE DE GALLUIS versera à M. et Mme A la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la COMMUNE DE GALLUIS et à M. et Mme A.  
 

 

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