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ICPE : appréciation d’une situation juridique constituée

Conseil d’État

N° 347177
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Michel Thenault, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats


lecture du mercredi 30 janvier 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 31 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature, dont le siège est 76 rue de la Pompe à Paris (75016), agissant par ses représentants légaux ; elle demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 09VE02464 du 16 décembre 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0608231 du 19 mai 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 6 juillet 2006 du Préfet des Yvelines la mettant en demeure, en sa qualité d’exploitante de la réserve zoologique de Sauvage, de déposer, dans un délai de trois mois, un dossier de demande d’autorisation au titre des législations relatives, d’une part, aux installations classées pour la protection de l’environnement et, d’autre part, à la protection de la nature ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ;

Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, modifiée notamment par la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 ;

Vu le décret du 17 décembre 1918 pris pour l’application de l’article 6 de la loi du 19 décembre 1917 ;

Vu le décret n° 64-303 du 1er avril 1964 ;

Vu le décret n° 73-438 du 27 mars 1973 ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le décret n° 77-1297 du 25 novembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d’Etat,

– les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature ;




1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le préfet des Yvelines a, par un arrêté du 6 juillet 2006, mis en demeure la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature, en sa qualité d’exploitante de la réserve zoologique de Sauvage, à Emancé, de régulariser la situation administrative de cette activité en déposant dans un délai de trois mois un dossier de demande d’autorisation au titre des législations relatives, d’une part, aux installations classées pour la protection de l’environnement et, d’autre part, à la protection de la nature ; que par un jugement du 19 mai 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté présentée par la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature ; que, par l’arrêt attaqué du 16 décembre 2010, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé ce jugement ;




Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’application de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêt attaqué, dont les dispositions sont issues de l’article 16 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement tel que modifié par la loi du 4 janvier 1993 :  » Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation ou cette déclaration, à la seule condition que l’exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l’année suivant la publication du décret. / Les renseignements que l’exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d’Etat. » ; qu’il ne résulte pas de ces dispositions que le législateur aurait ainsi entendu remettre en cause les droits d’antériorité acquis sous l’empire des textes antérieurs, notamment l’article 27 de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, l’article 10 du décret du 17 décembre 1918 et l’article 32 du décret du 1er avril 1964 qui réitérait ces dispositions, ou encore l’article 16 de la loi du 19 juillet 1976 dans sa rédaction initiale et les articles 35 et 36 du décret du 25 octobre 1977 ; qu’il appartient au juge administratif, pour se prononcer sur l’existence de ces droits, de rechercher si, au regard des règles alors en vigueur et compte tenu de la date de mise en service régulière de l’installation, l’exploitant peut se prévaloir, à la date à laquelle elle est entrée dans le champ de la législation relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ou de celle relative aux installations classées pour la protection de l’environnement par l’effet d’une modification de la nomenclature, d’une situation juridiquement constituée le dispensant de solliciter l’autorisation ou de déposer la déclaration prévue par les dispositions régissant une telle installation ;

3. Considérant que, pour écarter l’existence des droits acquis dont se prévalait la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature au titre de l’antériorité du fonctionnement de la réserve zoologique de Sauvage, la cour a relevé qu’il était constant que cette activité était soumise aux dispositions de la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes par l’effet d’un décret de nomenclature du 27 mars 1973 ; qu’elle en a déduit que l’exploitante ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 16 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, en vertu duquel les installations existantes soumises aux dispositions de cette loi et qui, avant l’entrée en vigueur de celle-ci, n’entraient pas dans le champ d’application de la loi du 19 décembre 1917 pouvaient, sous certaines conditions, continuer de fonctionner sans l’autorisation ou la déclaration prévue par la loi ; qu’elle a enfin jugé que la circonstance que l’activité aurait débuté en 1970, avant l’édiction du décret de nomenclature du 27 mars 1973, était à cet égard inopérante ;


4. Considérant qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, après avoir jugé que l’installation était soumise à la législation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976, de se prononcer sur l’existence des droits acquis dont se prévalait la requérante selon les modalités énoncées au point 2, en tenant compte de la date de mise en service de l’installation, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature est fondée, pour ce motif, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 juillet 2006 en ce qu’il l’a mise en demeure de régulariser sa situation administrative au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’application de la législation sur la protection de la nature :

5. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 6 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, qui ont été reprises à l’article L. 413-3 du code de l’environnement, sans préjudice des dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement, l’ouverture d’établissements d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location de transit, ainsi que de ceux destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, doit faire l’objet d’une autorisation, ces dispositions s’appliquant également aux établissements existants au 14 juillet 1976 dont les exploitants étaient tenus, en application de l’article 16 du décret du 25 novembre 1977, d’effectuer une déclaration au préfet dans les trois mois ; que, toutefois, ce délai – alors d’ailleurs que l’article 22 du même décret prévoit qu’en cas d’absence de l’autorisation ou de la déclaration prévue le préfet met en demeure l’exploitant de régulariser sa situation – n’a pas été prescrit à peine de déchéance ; que, dès lors, en relevant que l’exploitant n’avait effectué aucune déclaration de son activité au préfet dans le délai prescrit, pour en déduire que la requérante ne pouvait se prévaloir du simple régime déclaratoire de l’activité qu’elle exerçait avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1976, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; qu’il en résulte que la requérante est également fondée, pour ce motif, à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 juillet 2006 en ce qu’il l’a mise en demeure de régulariser sa situation administrative au titre de la législation sur la protection de la nature ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros à la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 16 décembre 2010 de la cour administrative d’appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 3 000 euros à la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la section européenne du Fonds international pour la conservation de la nature et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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