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La prescription pénale des infractions d’urbanisme

Cour administrative d’appel de Bordeaux

N° 10BX02980
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
M. DE MALAFOSSE, président
Mme Dominique BOULARD, rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
SELARL GANGATE & ASSOCIES, avocat


lecture du mardi 30 octobre 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’arrêt du 14 juin 2011, par lequel la cour a, d’une part, annulé, sur la demande de la COMMUNE DE LA POSSESSION, les articles 1er et 2 du jugement n° 0901667 en date du 28 octobre 2010 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion prononçant une injonction sous astreinte à l’encontre de cette commune et la condamnant au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, puis rejeté le surplus des conclusions de ladite commune, d’autre part, décidé de communiquer la procédure relative à la demande d’exécution du jugement n°0501201 du 19 juin 2008 présentée par M. et Mme X, dirigée contre le maire de LA POSSESSION agissant en tant qu’autorité de l’Etat, au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, afin qu’il produise ses observations ;


Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2012, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au non-lieu à statuer sur la demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 octobre 2012 :

– le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

– et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;


Sur les conclusions à fin d’exécution présentées par les consorts X :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 911-4 du code de justice administrative :  » En cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution. (…) / Si le jugement ou l’arrêt dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte  » ; que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande tendant à l’exécution d’une décision juridictionnelle, il se détermine en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L.480-1 du code de l’urbanisme :  » Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire./(…) Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d’en faire dresser procès verbal. / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public.  » ; que, toutefois, quand l’action publique ne peut plus être engagée en raison de l’expiration du délai de prescription, l’autorité administrative n’est plus tenue de dresser un procès-verbal et de le transmettre au ministère public, dès lors que la prescription de l’action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux ;

Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 7 du code de procédure pénale :  » En matière de crime (…) l’action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite  » ; qu’aux termes de l’article 8 du code précité :  » En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues ; elle s’accomplit selon les distinctions spécifiées à l’article précédent  » ; que la prescription de l’action publique en matière de délit de travaux de construction sans permis court à compter de la date à laquelle lesdits travaux de construction sont achevés ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas sérieusement contesté que les constructions dont il s’agit, constituées d’habitations en tôle raccordées aux réseaux d’eau et d’électricité, ont été édifiées en bordure de la Ravine à Malheur sans autorisation et sont illégalement implantées ; que l’édification de ces constructions représentait donc une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme, susceptibles d’entrer dans le champ des dispositions précitées de l’article L. 480-1 du même code ;

Considérant, toutefois, que le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement se prévaut de la prescription de l’action publique, qui est de trois années en matière de délits selon les dispositions précitées de l’article 8 du code de procédure pénale, en faisant valoir que les constructions en cause étaient achevées au plus tard le 15 décembre 2005, date à laquelle M. et Mme X ont saisi le tribunal administratif d’un recours dirigé contre le refus du maire d’exercer ses pouvoirs en matière d’infraction à la législation sur les permis de construire ; que les consorts X ne contestent pas la date de cet achèvement, que corroborent les mentions du jugement du 19 juin 2008 et les indications précises sur ce point des constats d’huissier dressés les 1er décembre 2005 et 12 mars 2009 ; que ce dernier document relate en outre l’affirmation de M. X selon laquelle la situation n’avait pas changé depuis le premier constat et les consorts X ne soutiennent pas que d’autres travaux auraient été réalisés sur les constructions et les terrains en cause ; qu’ils font seulement valoir que des actes ont été accomplis qui ont interrompu le délai de prescription de l’action publique ; que les actes dont ils se prévalent, intervenus depuis le 15 décembre 2005, sont des décisions du juge administratif, saisi comme juge de l’excès de pouvoir ou juge de l’exécution, et une mise en demeure adressée par eux à la commune ; que, toutefois, ces actes, dont certains sont au demeurant intervenus après l’expiration du délai de prescription de l’action publique de trois années ou concernent des infractions dans des matières étrangères au droit de l’urbanisme sans lien avec le présent litige, ne sont pas au nombre des actes d’instruction ou de poursuite qui sont seuls de nature, aux termes de l’article 7 du code de procédure pénale auquel renvoie l’article 8 du même code, à interrompre le délai de prescription ; que ce délai de trois années, décompté à partir de l’achèvement des constructions en 2005, est donc actuellement expiré ; que la prescription de l’action publique, opposée à juste titre par le ministre, ne permet pas d’ordonner les mesures d’exécution demandées par les consorts X, consistant en une injonction, assortie d’une astreinte, adressée au maire de la POSSESSION de dresser procès-verbal et de transmettre cet acte au ministère public ; que leurs conclusions en ce sens doivent donc être rejetées ; qu’en tout état de cause, leur demande tendant à la liquidation de l’astreinte ordonnée par l’article 1er du jugement n° 0901667 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion que l’arrêt de la présente cour du 14 juin 2011 a annulé ne saurait être accueillie, non plus que leur demande tendant à ce que la COMMUNE DE LA POSSESSION soit condamnée à payer la somme résultant d’une telle liquidation ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, dans la présente instance, la somme que les consorts X demandent en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il en est de même de la somme dont ils demandent qu’elle soit mise à la charge de la COMMUNE DE LA POSSESSION, dès lors que leur demande à fin d’exécution doit être regardée, ainsi que cela a été précisé par l’arrêt du 14 juin 2011 précité, comme dirigée contre l’Etat, au nom duquel le maire de cette commune a pris sa décision annulée par le jugement dont l’exécution est demandée ; qu’il n’y a pas lieu de faire application à leur encontre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à leur charge la somme que réclame encore la COMMUNE DE LA POSSESSION dans ses dernières écritures au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : La demande à fin d’exécution présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion, enregistrée sous le n°0901667, est rejetée ainsi que les conclusions des consorts X devant la cour.
Article 2 : Les dernières conclusions présentées par la COMMUNE DE LA POSSESSION sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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