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L’autorité du PADD en cas de sursis à statuer

I

L’AUTORITé DU PADD EN CAS DE SURSIS À STATUER

Vers le maintien d’unstatut opposable

Note sousCE, 1er décembre 2006, « Sté GFLBI »

ParNicolas FOUILLEUL

Docteur en droit

Chargé de cours à l’Université PaulCézanne – Aix-Marseille III

Le plan local d’urbanisme(PLU) commence à développer des effets juridiques dès le démarrage officiel deson élaboration, dès sa prescription ou, tout au moins, dès que sa prescriptionayant été décidée, on commence à avoir une idée de ce que sera son contenu.Ainsi, lorsqu’un PLU est prescrit, l’administration dispose, en vertu del’article L. 123-6 du Code de l’urbanisme, de la possibilité d’opposer unsursis à statuer aux demandes d’autorisation d’occupation du sol.

La nouveauté, apportée par l’arrêt « SociétéGFLBI » qui nous est proposé de commenter, est que le projet d’aménagementet de développement durable (PADD), partie intégrante du PLU, peut justifier lesursis à statuer d’une autorisation d’urbanisme. C’est ainsi que, par unedécision du 1er décembre 2006, le Conseil d’État s’est prononcé surl’opposabilité des dispositions contenues dans le PADD d’un PLU[1].

Enl’espèce, suite à l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellementurbains[2], dite loi « SRU », la Commune del’Haÿ-les-Roses a décidé de réviser son plan d’occupation des sols en vu de satransformation en plan local d’urbanisme. La mise en révision a été prescritepar une délibération du 27 avril 2004. Un nouveau débat au sein de ce conseil aeu lieu le 22 novembre 2005 concernant l’aménagement de certains secteurs. LePADD, qui constitue un cadre de référence et de cohérence pour les différentesactions d’aménagement engagées par les communes, prévoyait la mise en valeur del’aqueduc de la Vanne et accompagner le tracé de l’aqueduc par un règlement dezonage favorisant un tissu urbain « vert », type « citéjardin ».

Suiteà cette décision, une société commerciale, la société GFLBI, dépose une demande de permis de construire dans ce secteur pour la réalisationd’un immeuble de trois étages comprenant onze logements et la rénovation d’unpavillon existant sur un terrain situé à proximité immédiate de l’aqueduc de laVanne.

Pararrêté du 20 février 2006, le maire oppose alors à la société requérante une décisionde sursis à statuer, sur le fondement de l’article L. 123-6 du Code del’urbanisme, « au motif que le projet n’est compatible, ni avec l’objectif demise en valeur de l’aqueduc de la Vanne, ni avec les principes du futur zonaged’habitat à dominante pavillonnaire de coteau, porté par le plan locald’urbanisme ».

Lasociété a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Melunpuis a assorti cette demande d’annulation d’un recours en référé-suspension del’exécution de l’arrêté du 20 février 2006 décidant de surseoir à statuer sursa demande de permis de construire. C’est sur cette dernière que les premiersjuges ont rejeté ce recours par ordonnance du 31 juillet 2006. La sociétérequérante s’est donc pourvue en cassation contre l’ordonnance du 31 juillet2006 et demande au Conseil d’État, réglant l’affaire au fond, de suspendrel’exécution de l’arrêté du 20 février 2006.

Leproblème juridique qui se pose au juge administratif est relatif à l’étatd’avancement du projet de PLU, condition de légalité d’une décision de sursis àstatuer en application de l’article L. 123-6 du Code de l’urbanisme. Plusprécisément, se pose le problème de l’opposabilité du PADD aux demandesd’autorisation d’occupation du sol. Suite à la loi n° 2003-590 du 2 juillet2003 « Urbanisme et habitat » (UH)[3], une décision de sursis à statuer sur une demande depermis de construire peut-elle être régulièrement motivée par la prise encompte des orientations du PADD ?

Parun arrêt en date du 1er décembre 2006 « Sté GFLBI », la Haute Juridiction administrative répond par l’affirmative et confirme la décision despremiers juges. Le Conseil d’État décide en effet que « si, dans lerégime issu de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, le projet d’aménagement etde développement durable prévu par l’article L. 123-1 du Code del’urbanisme n’est pas directement opposable aux demandes d’autorisation deconstruire, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de permis deconstruire de prendre en compte les orientations d’un tel projet, dès lorsqu’elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan locald’urbanisme, pour apprécier si la construction envisagée serait de nature àcompromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution de ce plan et décider, lecas échéant, de surseoir à statuer sur la demande en application de l’articleL. 123-6 du Code de l’urbanisme ».

Enl’espèce, la construction projetée par la société présentait un risque decompromettre le futur PLU compte tenu de ses orientations en matière d’espacevert[4]. Mais l’important c’est que le Conseild’État est venu préciser qu’une décision de sursis à statuer sur une demande depermis de construire peut être régulièrement motivée par la prise en compte desorientations du PADD.

Cejugement est donc intéressant à double titre. D’une part, il vient apporter desprécisions sur les conditions d’application du sursis à statuer pendant lapériode d’élaboration d’un PLU, notamment en ce qui concerne l’étatd’avancement suffisant du projet (I.). D’autre part, il revient sur la réformeopérée par la loi « Urbanisme et Habitat » du 2 juillet 2003 enadmettant que lesorientations du PADD d’un PLU peuvent valablement fonder un sursis à statuersur une demande d’autorisation d’urbanisme (II.).

I– Les effets juridiques de la prescription du PLU : le cas du sursis àstatuer

A – Les conditionsd’application du sursis à statuer

B – Précisions sur lanotion d’état d’avancement des travaux suffisant

II– La force juridique du contenu du PLU : le cas du projetd’aménagement et de développement durable

A – La suppression de l’opposabilitédirecte du PADD par le législateur

B – La prise en compte des orientationsdu PADD par le juge administratif

I – Les effets juridiques de la prescription du PLU : le cas du sursis à statuer

A– Les conditions d’application du sursis à statuer

Prévuà l’origine par l’article L. 123-5 du Code de l’urbanisme, le sursis àstatuer en cas de prescription d’un PLU est désormais régi par les dispositionsde l’article L. 123-6 du même Code, depuis la loi SRU du 13 décembre 2000 ; l’alinéa 2 de ce texte prévoit que, « àcompter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’unplan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir àstatuer, dans les conditions et délais prévus à l’article L. 111-8, surles demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ouopérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreusel’exécution du futur plan ». Le texte prévoit que la possibilité desurseoir est ouverte à compter de la publication de la délibération prescrivantl’élaboration du PLU.

En cequi concerne cette condition légale, le juge administratif opère une stricteapplication de l’article L. 123-6 puisqu’il ressort clairement desorientations du PADD, débattu en Conseil municipal quelques mois plus tôt, lamise en valeur de l’aqueduc et l’accompagnement de son tracé « par unrèglement de zonage favorisant un tissu urbain vert, type citéjardin » ; or le projet de la société requérante se traduira par laréalisation dans ce quartier d’un immeuble de 3 étages comprenant 11 logementset la rénovation d’un pavillon sur un terrain situé à proximité immédiate del’aqueduc, nécessairement de nature à compromettre l’exécution du futur plan.

Toutefois,déjà sous le régime antérieur à la loi SRU, la jurisprudence avait posé uneseconde condition pour que soit opposée une décision de sursis à statuer ;en effet, depuis un arrêt « Manceau » du 4 janvier 1981, le Conseild’État exige que l’élaboration du plan en cours d’étude soit suffisammentavancée pour que l’on puisse apprécier les effets de l’opération projetée surson exécution. C’est à propos de cette condition jurisprudentielle que l’arrêtdu 1er décembre 2006 est intéressant.

B – Précisions sur la notion d’état d’avancementdes travaux suffisant

Auterme des articles L. 123-6, L. 123-13 et L. 123-14 du Code de l’urbanisme,l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer sur les demandesd’autorisations d’urbanisme lorsque l’élaboration, ou la révision d’un PLU, estprescrit[5]. Toutefois le prononcé du sursissuppose que la procédure en cours soit suffisamment avancée[6].

Eneffet, pour que l’autorité compétente puisse valablement apprécier les effetsde la construction en cause sur le futur plan, encore faut-il que ses grandeslignes soient déterminées à la date où elle édicte une telle décision et, plusprécisément, que les futures prescriptions du document d’urbanisme local «aient atteint un état d’avancement suffisant qui permette à l’autorité compétentede se livrer à une comparaison entre le projet de construction et les futuresdispositions et de fonder sa décision »[7].

Ilrésulte ainsi de la jurisprudence rendue en la matière que l’élaboration de cesprescriptions peut être considérée comme suffisamment avancée et, par voie deconséquence, le sursis à exécution justifié dès lors que le rapport deprésentation, le zonage et/ou le règlement de zone ont été établis[8].

Maisdepuis l’entrée en vigueur de la loi « SRU » du 13 décembre 2000 et,plus encore, de la loi « UH » du 2 juillet 2003, la question seposait de savoir si l’élaboration du seul PADD et de ses principalesorientations pouvaient justifier une décision de sursis à statuer fondée surl’article L. 123-6 al. 2 du Code de l’urbanisme.

Sur cepoint, le Tribunal administratif d’Orléans avait pu juger, sous l’empire del’article R. 123-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de laloi « SRU », lequel précisait alors expressément que ce documentétait opposable aux tiers, que le PADD pouvait justifier une décision de sursisà statuer sur une demande de permis de construire[9].

Cependant,suite à l’intervention de la loi « UH », le PADD n’étant plusopposable aux utilisateurs du sol, ilsemble que la jurisprudence du Tribunal administratif d’Orléans soit devenueobsolète ; en effet, le juge administratif devrait invoquer aujourd’hui lanon-opposabilité du PADD aux demandes d’autorisation d’occupation du sol poursanctionner une décision éventuelle de sursis à statuer prise sur son fondement.

Pourtant,la Haute juridiction administrative en a décidé autrement. En l’espèce, pour opposer lesursis à statuer, le maire de l’Haÿ-les-Roses justifie l’état d’avancement dela procédure de révision par référence au projet d’aménagement et de développementdurable (PADD), lequel prévoit notamment de mettre en valeur l’aqueduc dela Vanne et d’accompagner le tracé de l’aqueduc par un règlement de zonagefavorisant un tissu urbain vert, type « cité jardin ». De ce fait,selon le juge, le projet de la société requérante « n’est compatibleni avec l’objectif de mise en valeur de l’aqueduc de la Vanne, ni avec lesprincipes du futur zonage d’habitat à dominante pavillonnaire de coteau, portépar le plan local d’urbanisme ».

Enjugeant de la sorte, le Conseil d’État apporte une précision de taille. Il estclair désormais que le débat sur le PADD devant intervenir en Conseil municipal[10] permet de considérer que l’élaborationou la révision est suffisamment avancée. Certains auteurs vont encore plus loinen considérant, par une interprétation a contrario de la jurisprudence,qu’une décision de sursisà statuer pourrait encore être légalement opposée sans qu’il soitnécessairement besoin pour la collectivité compétente d’avoir d’ores et déjàdébattu sur les orientations de son PADD[11].

Àdéfaut d’être irréprochable d’un point de vue juridique, la solution rendue parle juge administratif est pleine de bon sens : le projet d’aménagement etde développement durable peut justifier le sursis à statuer d’une autorisationd’urbanisme. Il suffit, en effet, que le futur plan soit dans un étatd’avancement suffisant pour apprécier si une construction est de nature àcompromettre l’exécution. Et la nouveauté apportée par le présent arrêt est queles orientations du PADD peuvent être prises en compte pour effectuer cetteappréciation. En conséquence, un projet de PLU peut être suffisamment avancé auregard des règles du sursis à statuer lorsque (seule) est suffisamment avancéesa partie relative au secteur concerné par la demande d’autorisationd’occupation du sol.

II– La force juridique du contenu du PLU : le cas du projetd’aménagement et de développement durable

A – La suppression de l’opposabilitédirecte du PADD par le législateur 

Innovation de la loi« SRU » du 13 décembre 2000, le PADD apparaît au sein du PLU, à côtédu rapport de présentation, du règlement, des documents graphiques et desannexes. Conçu à l’échelle communale, le PADD expose les intentions de lamunicipalité pour les années avenir et introduit, dans les documents locaux,une idée de planification stratégique. Concrètement, le PADD rappelle lesprincipes des articles L. 110 et L. 121-1 du Code de l’urbanismedéfinissant ainsi les orientations d’urbanisme et d’aménagement retenues par lacommune, notamment en vue de favoriser le renouvellement urbain et de préserverla qualité architecturale de l’environnement. C’est l’expression claire, selonPatrick Hocreitère, « d’un projet urbain politique débattu au sein duConseil municipal afin de permettre la définition d’une politique globaled’aménagement et de renouvellement de la ville »[12].

En ce qui concerne soncontenu, le PADD a évolué entre le moment de sa création avec la loi« SRU » et la loi « UH » du 2 juillet 2003. Lors de sacréation par la loi « SRU », le PADD devait obligatoirement contenirles orientations d’urbanisme et d’aménagement retenues par la commune (ils’agit des grands choix stratégiques de la commune). De plus, il pouvaitégalement contenir des prescriptions plus précises pour certaines parties duterritoire communal (préserver les centre-villes, diversité commerciale desquartiers, entrées de ville, etc.).


Et comme pour le POSantérieurement, l’ensemble des documents composant le dossier du PLU étaientopposables aux particuliers, notamment à l’occasion de l’examen des demandesd’autorisation d’occupation du sol ; conformément à l’articleL. 123-5 du Code de l’urbanisme, le PADD était donc opposable aux demandesd’autorisations d’occupation du sol, au même titre que le règlement, dans unrapport de stricte conformité (c’est-à-dire opposable à toute personne publiqueou privée pour l’exécution de tous les travaux, constructions, plantations,affouillements ou exhaussement des sols, pour la création de lotissements etl’ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminéesdans le plan)[13].

C’est ainsi que letribunal administratif d’Orléans avait fait une stricte application de la loi« SRU », utilisant le PADD pour déterminer l’état d’avancementsuffisant du projet de PLU, et donc valider la décision de la commune deVierzon de surseoir à statuer sur une demande de permis de construire relativeà l’urbanisme commercial.

Cette opposabilitédirecte du PADD a été critiquée par une partie de la doctrine et par certainsprofessionnels de l’urbanisme dans la mesure où elle aboutissait à conférer uneforce juridique très contraignante à des dispositions qui, le plus souvent, neconsistaient qu’en des évocations de principe sur l’évolution harmonieuse del’urbanisme dans une commune, sans contenir de règles très précises surl’utilisation du sol[14].

C’est sous cette pressionqu’est intervenue la réforme opérée par la loi « UH » du 2 juillet2003. La loi « UH » est venue modifier cette configuration tel queconçue initialement par la loi « SRU ». Le PADD continue toujours dedéfinir les grandes orientations générales d’aménagement et d’urbanisme de la commune. Il s’agit toujours d’un élément obligatoire mais le PADD ne contient plus lesprescriptions plus précises. La loi « UH » les a exclues de soncontenu dans le but d’instaurer les orientations d’aménagement qui peuvent êtreapplicables à certains secteurs ou quartiers et avoir un caractère normatif.

Surtout, le PADD version« UH » n’est plus opposable aux demandes d’autorisations d’occupationdu sol. L’article L. 123-5 a été modifié en ce sens par ladite loi. C’estainsi, précise Isabelle Cassin, qu’ « un permis de construire nepourrait être refusé au motif que le projet de construction n’est pas conformeou compatible avec les orientations générales d’aménagement et d’urbanismedéfinies pour l’ensemble de la commune »[15].

Désormais, conformément àl’article L. 123-1 du Code de l’urbanisme, le champ d’application matériel duPADD est circonscrit à la seule définition « d’orientations généralesd’aménagement et d’urbanisme », c’est-à-dire à l’expression des choixpolitiques de la commune en matière d’aménagement et d’urbanisme. Faut-il enconclure que le PADD n’a plus d’autorité ? Ce n’est pas ce qu’a décidé laHaute juridiction administrative.

B – La prise en comptedes orientations du PADD par le juge administratif

On le sait, la loi« UH » du 2 juillet 2003 est venue supprimer l’opposabilité directedu PADD, rendant, à cette occasion, ce dernier inopposable aux utilisateurs dusol.

Néanmoins, l’articulation entre le PADD, lesorientations d’aménagement, le règlement et leurs documents graphiques doitêtre cohérente. La loi « UH » prévoit en effet que l’ensemble desdocuments du PLU devront être cohérents entre eux : le règlement doitnotamment être établi en cohérence avec le PADD (article L. 123-1al. 4). Autrement dit, cette combinaison peut, en cas de contradiction,d’incohérence, d’erreur manifeste d’appréciation, rendre l’orientation ou larègle illégale et donc inapplicable. En outre, le PADD est désormais le seuldocument du PLU à travers lequel sera appréciée la notion d’atteinte àl’économie générale pour le choix du recours à la procédure de modification(art. L. 123-13) ; ce qui permet de dire que le PADD n’a pas été privéde densité normative suite à la réforme législative.

Le PADD demeure doncl’élément central du PLU dans la mesure où les orientations d’aménagement, lerèglement et le zonage ne seront que la traduction de ses orientations[16].

À ce titre, lesorientations générales d’aménagement devraient pouvoir être opposables auxdemandes d’autorisation de construire, puisque le règlement et les documentsgraphiques du PLU doivent être cohérents avec elles et respecter leur économiegénérale. D’ailleurs d’aucuns se posent encore la question « de savoirdans quelle mesure un document d’urbanisme peut être intégré à un autre, quidoit d’ailleurs lui être compatible, tout en ayant une portée juridiquedifférente ! »[17]. Le silence gardé par la loi« UH » sur ce point est la preuve d’une matière déstabilisante aucontexte juridique confus.

Si le PADD n’est pasdirectement opposable aux demandes d’autorisation de construire, l’arrêt« Sté GFLBI » élargit incontestablement sa portée. En tout état decause, le Conseil d’État lui redonne un peu de la force qu’il avait perdue aufil des modifications législatives. En effet, l’autorité compétente doitdésormais prendre en compte les orientations de ce projet, sous réservequ’elles traduisent un état suffisamment avancé du futur PLU, pour apprécier laconformité d’une demande d’autorisation de construire avec le futur plan.

Pour certains, celarisque d’entraîner quelques désordres, dans la mesure où la portée du PADDtelle qu’elle résulte du présent arrêt n’était sans doute pas celle envisagéepar les auteurs de la loi « SRU »[18]. Si le PADD a été conçuessentiellement pour être l’expression claire d’un projet et d’une politiqueglobale d’aménagement, il n’est pas contesté toutefois que ses concepteurs ontvoulu en faire le fondement de la règle d’urbanisme à l’échelle de la commune. Est-il regrettable alors de voir ce document se « juridiciser » ?N’est-il pas souhaitable que, au regard des orientations et des prescriptions,PADD, règlement et documents graphiques soient dans des relations de complémentaritéet de nécessaire cohérence ?

Plus largement, ladifficulté pour les acteurs de l’urbanisme, le cas échéant, pour le juge, estde trouver le juste équilibre entre urbanisation et protection. Concrètement,la création de cet équilibre consiste à trouver un juste milieu entre unepolitique où « l’urbanisation folle » prime, et une politique où lapréservation de l’environnement et du patrimoine bloque tous types de projet.Le PADD doit tendre vers cet équilibre en rendant possible une politique urbainecompatible avec des objectifs de protection de l’environnement. Pour cela,souligne Camille Desnauds, « le PADD doit à la fois créer de nouvelleszones urbaines et s’attacher à ce que celles-ci respectent les conclusions del’évaluation environnementale en matière de préservation et de mise en valeur.Ce qui signifie la création de zones naturelles ou de prescriptions spécialesqui devront être reprises dans le règlement »[19]. On peut alors se féliciter de ladécision du juge administratif qui a considéré qu’une décision de sursis àstatuer peut être opposée à une demande de permis de construire au motifqu’elle contrevient aux orientations débattues du PADD en cours d’élaboration(puisque l’objectif de ce document est de tendre vers un juste équilibre entreurbanisation et protection).

Finalement, il résulte dece qui précède que le statut du PADD n’est pas directement opposable auxdemandes de permis tout en étant opposable en cas de sursis à statuer. Ce quifait écrire à Frédéric Renaudin la question suivante : « une décisionde sursis à statuer qui s’appuie directement sur la méconnaissance desorientations du PADD ne rend-t-elle pas le PADD implicitement et directementopposable ? »[20]. Gageons que le juge administratifsaura apporter une réponse autorisée à ce nouveau questionnement urbanistique.En attendant, l’autorité du PADD demeure encore mystérieuse, même si lacréation, en mai 2007, d’un super ministère de l’Écologie, du Développement etde l’Aménagement durables suscite beaucoup d’espoirs.

NicolasFOUILLEUL

Docteur en Droit


[1] CE, 1er décembre 2006, « StéGFLBI », req. n° 296.453, AJDA, 2006, p. 2313 ;dans le même sens, cf. deux autres arrêts, CE, 20 décembre 2006,« Sté en nom collectif Lidl », req. n° 295.870 ; CAABordeaux, 12 décembre 2006, « M. et Mme Gaben », req.n° 04BX00216.

[2] Loin° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et aurenouvellement urbains, JO, n° 289, 14 décembre 2000, p. 19777.

[3] Loin° 2003-590 du 2 juillet 2003 « Urbanisme et habitat », JO,n° 152, 3 juillet 2003, p. 11176.

[4] Précédentjurisprudentiel sur l’exigence d’un état d’avancement suffisant du nouveauplan, CE, 9 décembre 1988, « Cheminant », n° 68286, T.,p. 1082.

[5] C’est-à-diredès la publication de l’arrêté prescrivant l’établissement du PLU.

[6] CE,6 avril 1991, n° 111930, « Commune de Sorèze c/ RogerCarriès » ; CE, 17 mars 1993, n° 131867, « Commune de Gasny c/Roze » ; TA Orléans, 23 mai 2002, « Préfet du Cher c/ Commune deVierzon », AJDA, n° 12, sept. 2002, pp. 882-883, note Fr.Lesigne ; BJDU, 4/2002, p. 281.

[7] Circulairen° 88-26 du 25 mars 1988, § 4.6, BOMET, 10 avril 1988,n° 10.

[8] CE, 22 mars 1991,« Min. de l’Équip. c/ Mme Baer », req. n° 110.338 ; Voirégalement DURAND (P.-E.), « Une décision de sursis à statuer sur unedemande de permis de construire peut être régulièrement motivée par la prise encompte des orientations du PADD », Jurisurba, accessible àl’adresse suivante : http://jurisurba.blogspirit.com/.

[9] TAOrléans, 23 mai 2002, « Préfet du Cher c/ Commune de Vierzon », précité.

[10] L’articleL. 123-9 du Code de l’urbanisme prévoit qu’ « un débat a lieu ausein du conseil municipal sur les orientations générales du projetd’aménagement et de développement mentionné à l’article L. 123-1, au plustard deux mois avant l’examen du projet de plan local d’urbanisme ».

[11] Cf. DURAND (P.-E.), op. cit.

[12] HOCREITERE(P.), Le Plan Local d’Urbanisme, Paris, Berger-Levrault, coll.« Les indispensables », 2004, p. 355.

[13] Àpropos de la normativité du PADD, cf. HOCREITERE (P.), Le plan Locald’Urbanisme, op. cit., pp. 360-361.

[14] Àcet égard, Patrick HOCREITERE conteste depuis l’origine l’autorité du PADDexprimant qu’ « il devenait normatif avec toutes les incertitudesquant au degré même de cette normativité et quant à sa portée », ibidem.

[15] CASSIN(I.), Le PLU : Plan Local d’Urbanisme, Paris, Le Moniteur, coll.« Guides juridiques », 2ème éd., 2005, p. 91.

[16] Cf.DESNAUDS (C.), « Trois enjeux majeurs à intégrer dans le PLU », Géomètre,n° 2039, juillet-août 2007, p. 40.

[17] RENAUDIN(Fr.), « Le PADD s’impose ? », Techni.cités, n° 122,23 janvier 2007.

[18] Cf. HOCREITERE (P.), Le Plan Locald’Urbanisme, op. cit., p. 354.

[19] DESNAUDS(C.), « Quelles orientations d’aménagement ? », Géomètre,n° 2039, juillet-août 2007, p. 42.

[20] RENAUDIN(Fr.), « Le PADD s’impose », Techni.cités, n° 122, 23janvier 2007.

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