Les dernières nouvelles

Emplacement réservé : on peut en créer un pour régulariser un équipement existant !

Conseil d’État

N° 397944   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
Mme Mireille Le Corre, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; HAAS, avocats

lecture du mercredi 19 juillet 2017

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

MM. C…et A…ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 14 décembre 2012 par laquelle le conseil municipal d’Ansouis (Vaucluse) a approuvé la modification du plan d’occupation des sols en créant deux emplacements réservés sur les parcelles cadastrées section B n° 321 et 322 dont ils sont propriétaires. Par un jugement n° 1300417 du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 14MA03478 du 15 janvier 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement en ce qu’il a rejeté la demande de MM. C…et A…tendant à l’annulation de la délibération du 14 décembre 2012 en tant qu’elle crée l’emplacement réservé n° 22 pour la voie d’accès à l’école du Frigoulet et les places de stationnement de cette école, ainsi que la délibération dans cette mesure, et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 15 juin 2016, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Ansouis demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en ce qu’il a fait droit aux conclusions d’appel de MM. C… et A…;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de MM. C…etA… ;

3°) de mettre à la charge de MM. C…etA… la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune d’Ansouis et à Me Haas, avocat de M. C….

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 14 décembre 2012, le conseil municipal de la commune d’Ansouis a approuvé la modification du plan d’occupation des sols communal, en créant, sur la parcelle cadastrée section B n° 322, l’emplacement réservé n° 21, destiné à recevoir un équipement sportif, et sur la parcelle cadastrée B n° 321, l’emplacement réservé n° 22, destiné à recevoir une voie d’accès à une école ainsi que des places de stationnement ; que par un jugement du 4 juillet 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande tendant à l’annulation de cette délibération formée par MM. C…etA…, propriétaires de ces parcelles ; que, par un arrêt du 15 janvier 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement en ce qu’il a rejeté la demande de MM. C…et A…tendant à l’annulation de la délibération du 14 décembre 2012 en tant qu’elle crée l’emplacement réservé n° 22, ainsi que, dans cette mesure, la délibération attaquée, au motif que la voie d’accès et les places de stationnement existaient à la date à laquelle le conseil municipal a approuvé cette modification ; que la commune d’Ansouis se pourvoit en cassation contre cet arrêt en ce qu’il a fait droit, en ses articles 1, 2 et 4, aux conclusions d’appel de MM. C…et A…;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération litigieuse et dont la teneur a été reprise à l’actuel article L. 151-41 de ce code :  » Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions. / A ce titre, le règlement peut : / (…) / 8° Fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ainsi qu’aux espaces verts ; (…)  » ;

3. Considérant que ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d’un document d’urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d’intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d’un droit de délaissement lui permettant d’exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu’elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables ; que s’il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l’utilisation de son terrain sous réserve qu’elle n’ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en se fondant sur la circonstance que les aménagements correspondant à la vocation du terrain telle que fixée par la délibération attaquée prise en application de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme étaient déjà existants pour en déduire que la commune ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour réserver comme elle l’a fait l’usage du terrain en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, que la commune d’Ansouis est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il a accueilli les conclusions d’appel de MM C…etA… ;

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de MM. C… et A…la somme de 750 euros chacun à verser à la commune d’Ansouis au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Les articles 1, 2 et 4 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 15 janvier 2016 sont annulés.
Article 2 : L’affaire est renvoyée dans la mesure de l’annulation prononcée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : MM. C…et A…verseront chacun la somme 750 euros à la commune d’Ansouis au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Ansouis, à M. B…C…et à M. D…A….

Regardez aussi !

Plan Local d’Urbanisme : quelles modalités pour le classement d’un secteur naturel communal en zone à urbaniser (AU) ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat 06-12-2023 n° 466055 Texte intégral : Vu la procédure suivante …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.