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La redevance d’archéologie préventive est illégale et doit être remboursée !

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Nantes
23-10-2020
n°18NT04279

Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieures :

La société « Les Sablières de l’Atlantique » a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge totale de la redevance d’archéologie préventive mise à sa charge par un avis d’imposition en date du 3 janvier 2012 émis par le directeur régional des affaires culturelles des Pays de la Loire.

Par un jugement n°1210174 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°15NT00512 du 1er juillet 2016, la cour a rejeté la requête du ministre de la culture et de la communication tendant à l’annulation de ce jugement du tribunal administratif de Nantes.

Par une décision n°403028 du 3 décembre 2018, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi formé par le ministre de la culture et de la communication, a annulé l’arrêt du 1er juillet 2016 de la cour administrative d’appel de Nantes et a renvoyé l’affaire devant cette juridiction, affaire qui porte désormais le n°18NT04279.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 février 2015, 18 mars 2016, 24 juillet 2019 et 27 mai 2020, le ministre de la culture et de la communication, demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2014 et de rejeter la demande présentée devant le tribunal par la société « Les Sablières de l’Atlantique ».

Il soutient que :

– le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que l’autorisation d’exploiter des granulats sous-marins délivrée à la société n’entrait pas dans le champ de la redevance d’archéologie préventive ;

– les moyens soulevés par la société « Les Sablières de l’Atlantique » devant les premiers juges ne sont pas fondés ;

– la demande de décharge formée au titre des dispositions de l’article L. 542-12 du code du patrimoine est irrecevable et mal fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 avril 2015, 2 septembre 2015, 9 janvier 2019, 26 mars 2020 et 8 juin 2020, la société « Les Sablières de l’Atlantique », représentée par le cabinet Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 500 € soit mise à la charge de l’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– aucun des moyens d’annulation soulevés par le ministre n’est fondé et s’en remet, pour le surplus, à ses moyens exposés en première instance ;

– en tout état de cause, elle doit être, sur le fondement des dispositions du 2ème alinéa de l’article L. 524-12 du code du patrimoine, déchargée de la taxe en litige dès lors qu’elle n’a pas eu l’occasion d’exploiter la concession du Grand Charpentier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

– le code minier ;

– le code du patrimoine ;

– le code de l’environnement ;

– le code de l’urbanisme ;

– le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 ;

– le décret n° 2006-798 du 6 juillet 2006 ;

– la décision n°2019-825 QPC du Conseil constitutionnel en date du 7 février 2020 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société « Les Sablières de l’Atlantique » ;

– le code de justice administrative.

– Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

– Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A. L’Hirondel,

– les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

– et les observations de Me C., représentant la société « Les Sablières de l’Atlantique ».

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 13 septembre 2007, les sociétés « Les Sablières de l’Atlantique », Cetra, Sarelo et Dtm ont été déclarées attributaires d’une concession, dite du « Grand Charpentier », d’exploitation de sables siliceux marins extraits des fonds du domaine public maritime situé, sur un périmètre d’une superficie estimée de dix kilomètres carrés, au large des côtes du département de la Loire-Atlantique, entre Saint-Nazaire et La Baule. La société « Les Sablières de l’Atlantique », agissant en qualité de mandataire de ce groupe, a obtenu le 14 juin 2011, sur le fondement du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l’exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains, l’autorisation de procéder à l’extraction des granulats des fonds marins sur une superficie de 2 464 400 m². A raison de cette autorisation, elle a été déclarée redevable de la somme de 1 207 556 € au titre de la redevance d’archéologie préventive. Par le jugement attaqué du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Nantes, saisi par la société « Les Sablières de l’Atlantique » d’une demande tendant à la décharge de cette redevance, a fait droit à cette demande. Le ministre de la culture et de la communication relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal a suffisamment précisé les circonstances de l’affaire et, après avoir mentionné les textes qu’il estimait applicables au litige, a précisé les éléments de fait qui ont fondé sa décision. Il n’avait pas, à peine d’irrégularité de son jugement, à faire état d’autres dispositions dont il écartait implicitement mais nécessairement l’application.

3. Par ailleurs, le tribunal ayant intégralement fait droit à la demande de la société « Les Sablières de l’Atlantique », il n’avait pas, en l’absence de dispositions lui en faisant obligation, à répondre à l’ensemble des moyens invoqués par la société requérante. Par suite, le ministre ne peut utilement soutenir que le jugement serait irrégulier en l’absence de réponse à un moyen développé par cette société.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le moyen de décharge retenu par le tribunal administratif :

4. D’une part, selon l’article L. 524-2 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : « Il est institué une redevance d’archéologie préventive due par les personnes, y compris membres d’une indivision, projetant d’exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : / a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l’urbanisme ; / b) Ou donnent lieu à une étude d’impact en application du code de l’environnement ; […]. » En vertu de l’article L. 524-4 du même code : « Le fait générateur de la redevance d’archéologie préventive est : / […] / b) Pour les travaux et aménagements autres que ceux mentionnés au a et donnant lieu à une étude d’impact, à l’exception des zones d’aménagement concerté, l’acte qui décide, éventuellement après enquête publique, la réalisation du projet et en détermine l’emprise ; […]. » En vertu du II de l’article L. 524-7 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 8 de la loi du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés : « Lorsqu’elle est perçue sur des travaux visés aux b et c de l’article L. 524-2, son montant est égal à 0,50 € par mètre carré. Ce montant est indexé sur l’indice du coût de la construction. / La surface prise en compte est selon le cas : / – la surface au sol des installations autorisées pour les aménagements et ouvrages soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d’une étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement ; / – la surface au sol des aménagements et ouvrages non soumis à autorisation administrative qui doivent être précédés d’une étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement sur la base du dossier transmis pour prescription de diagnostic éventuelle en application des articles L. 522-1 et suivants du présent code ; / […] / La redevance n’est pas due pour les travaux et aménagements réalisés sur des terrains d’une superficie inférieure à 3 000 m². »

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de saisine de l’autorité compétente : « Les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation, ainsi que les documents d’urbanisme, doivent respecter les préoccupations d’environnement. / Les études préalables à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages qui, par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d’impact permettant d’en apprécier les conséquences. […] » Aux termes de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article R. 122-1, dans sa rédaction alors applicable : « La réalisation d’aménagements ou d’ouvrages donne lieu à l’élaboration d’une étude d’impact, sauf dans les cas visés aux articles R. 122-4 à R. 122-8. » Aux termes de l’article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « Ne sont pas soumis à la procédure de l’étude d’impact, sous réserve des dispositions de l’article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux définis au tableau ci-après, dans les limites et sous les conditions qu’il précise. […] » Il ressort de la première ligne de ce tableau que sont dispensés d’étude d’impact, s’agissant des travaux concernant les « 1° Ouvrages et travaux sur le domaine public fluvial et maritime », les « Travaux de modernisation ». Aux termes, enfin, de l’article 3 du décret du 6 juillet 2006 relatif à la prospection, à la recherche et à l’exploitation de substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains : « […] Le dossier unique dont sont assorties ces demandes en vue d’une instruction simultanée comprend : / […] / 5° L’étude d’impact définie à l’article R. 122-3 du code de l’environnement ; […]. »

6. Avant même que le décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements ne fixe la liste, en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable aux demandes d’autorisation déposées à compter du 1er juin 2012, des cas où une étude d’impact est exigée en application de l’article L. 122-1 de ce code, en mentionnant expressément au i du 24° de cette annexe l’« ouverture de travaux d’exploitation concernant les substances minérales ou fossiles contenues dans les fonds marins du domaine public et du plateau continental métropolitains », l’autorisation d’extraction de granulats provenant du sous-sol des fonds marins ne pouvait être délivrée qu’après la réalisation d’une étude d’impact exigée en application de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article R. 122-1 du code de l’environnement citée au point 5, dès lors que, s’agissant des travaux sur le domaine public maritime, l’article R. 122-5 du même code ne prévoyait pas de dispense d’une telle étude pour les travaux autres que de modernisation. Il suit de là que l’autorisation d’exploitation litigieuse étant soumise à la réalisation d’une étude d’impact prévue en application du code de l’environnement, elle est susceptible de justifier l’assujettissement au paiement de la redevance d’archéologie préventive en vertu du b de l’article L. 542-4 du code du patrimoine. Par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Nantes s’est fondé, pour décharger la société « Les Sablières de l’Atlantique » de la redevance d’archéologie préventive, sur le moyen tiré de ce que les autorisations d’exploitation sous-marine de granulats n’entraient pas dans le champ d’application de cette redevance.

7. Il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par la société « Les Sablières de l’Atlantique » devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par la société « Les Sablières de l’Atlantique » :

8. D’une part, aux termes de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « 1. Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. / 2. Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union […]. »

9. D’autre part, aux termes du paragraphe 1 de l’article 107 du même traité : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. » Aux termes du paragraphe 3 de l’article 108 de ce même traité : « La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides […]. » Il résulte de ces stipulations que, s’il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché intérieur, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation, qu’impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l’article 108 de ce traité, d’en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet. L’exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d’Etat au sens de l’article 107 du traité.

10. Aux termes de l’article 1er de la loi du 17 janvier 2001 relative à l’archéologie préventive codifié à l’article L. 521-1 du code du patrimoine : « L’archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l’archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d’assurer à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement. Elle a également pour objet l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus. » Aux termes de l’article 2 de cette même loi, codifié à l’article L. 522-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : « L’Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l’étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de toute opération d’archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d’évaluation de ces opérations. » Aux termes de l’article 4 de cette loi, codifié à l’article L. 523-1 du même code : « Sous réserve des cas prévus à l’article L. 523-4, les diagnostics et opérations de fouilles d’archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif. Celui-ci les exécute conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l’Etat et sous la surveillance de ses représentants […]. » L’article 1er du décret n° 2002-90 du 16 janvier 2002 codifié à l’article R. 545-24 de ce code, a dénommé cet établissement public « Institut national de recherches archéologiques préventives ».

11. A la différence des activités par lesquelles l’Etat, d’une part, prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde du patrimoine archéologique et, d’autre part, contrôle et évalue les opérations d’archéologie préventive, qui sont des missions de police administrative, les diagnostics et opérations de fouilles d’archéologie préventive doivent être regardés comme des activités économiques. Malgré son statut d’établissement public à caractère administratif, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) constitue donc, du fait de l’exercice de telles activités, une entreprise au sens des articles précités du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

12. Les opérations de diagnostics et de fouilles d’archéologie préventive relèvent, compte tenu de la nécessité de protéger le patrimoine archéologique à laquelle elles répondent et de la finalité scientifique pour laquelle elles sont entreprises, de missions d’intérêt général au sens de l’article 106 du traité précité. Si, eu égard, en premier lieu, aux liens que ces opérations comportent avec l’édiction des prescriptions d’archéologie préventive et le contrôle de leur respect par l’Etat, en deuxième lieu, aux conditions matérielles dans lesquelles elles doivent être entreprises, en troisième lieu, au besoin de garantir l’exécution de ces opérations sur l’ensemble du territoire et, en conséquence, de les financer par une redevance assurant une péréquation nationale des dépenses exposées, les stipulations de cet article autorisaient le législateur à doter l’établissement public national créé par l’article 4 de la loi du 17 janvier 2001, en vue de permettre l’accomplissement des missions d’intérêt général rappelées ci-dessus, de droits exclusifs dont l’exercice n’entraine par lui-même aucun abus de position dominante prohibé par l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les dispositions qui régissent les activités à caractère économiques exercées par cet établissement public demeurent soumises aux autres règles, auxquelles renvoient les stipulations susmentionnées du paragraphe 1 de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, destinées à garantir le libre jeu de la concurrence au sein du marché intérieur, au nombre desquelles figure l’interdiction des aides d’Etat mentionnées au paragraphe 1 de l’article 107 du même traité.

13. A cet égard, par un arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que des subventions représentant la contrepartie des prestations effectuées par des entreprises pour exécuter des obligations de service public ne constituaient pas des aides d’Etat, à condition de remplir les quatre conditions cumulatives suivantes : premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies ; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes ; troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable ; quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise chargée de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public au sens des conventions soumises aux règles communautaires de publicité et de mise en concurrence, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations.

14. Le montant de la redevance d’archéologie préventive est calculé selon les modalités fixées par les dispositions de l’article L. 524-7 du code du patrimoine citées au point 4 applicables en l’espèce.

15. S’agissant de l’affectation de cette taxe, l’article L. 524-1 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : « Le financement de l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1 est assuré notamment : a) Par la redevance d’archéologie préventive prévue à l’article L. 524-2 ; b) Par les subventions de l’Etat ou de toute autre personne publique ou privée ; c) Par les rémunérations qu’il perçoit en contrepartie des opérations de fouilles qu’il réalise. » et l’article L. 524-11 du même code dispose que : « Après encaissement de la redevance, le comptable public compétent en reverse le produit à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1 ou, dans le cas mentionné au b de l’article L. 523-4, à la collectivité territoriale ou au groupement de collectivités territoriales après déduction des frais d’assiette et de recouvrement et après prélèvement du pourcentage du produit de la redevance alimentant le Fonds national pour l’archéologie préventive prévu à l’article L. 524-14. Le reversement intervient au plus tard à la fin du mois qui suit le mois d’encaissement. » Aux termes de l’article L. 524-14 du même code : « Il est créé, dans les comptes de l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1, un Fonds national pour l’archéologie préventive. / Les recettes du fonds sont constituées par un prélèvement sur le produit de la redevance d’archéologie préventive prévue à l’article L. 524-2. La part du produit de la redevance qui lui est affectée ne peut être inférieure à 30 %. Elle est fixée chaque année par décision de l’autorité administrative. […] » Ces dispositions ne garantissent pas, par elles-mêmes, que le montant de la redevance d’archéologie préventive ou le montant qui est effectivement reversé à l’INRAP, après prélèvements, soient fixés à un niveau permettant seulement de compenser les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public de l’INRAP au titre de la réalisation de diagnostics archéologiques.

16. Au surplus, il résulte de l’instruction, et notamment du courrier du premier président de la Cour des comptes du 6 juin 2013 adressé à la ministre de la culture et de la communication et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche que si la redevance d’archéologie préventive est destinée à financer exclusivement l’activité de l’INRAP, il n’existe cependant pas de mécanisme permettant de garantir que cette activité est ajustée au montant de la redevance effectivement encaissée. De même, il résulte du rapport sénatorial n° 164 sur le projet de loi de finances rectificative adopté par l’assemblée nationale pour 2011, que si l’INRAP a évalué, pour 2010, à 59,5 M€ les besoins annuels de fonctionnement de l’archéologie préventive pour les activités de diagnostic, l’établissement n’a pas été en mesure de détailler avec précision la décomposition de ses coûts, la méthode d’évaluation restant largement estimative. Enfin, la lettre du 27 mai 2015 de la mission d’expertise sur l’évolution de la redevance d’archéologie préventive pour des projets d’aménagements susceptibles d’impacter le patrimoine archéologique marin conclut à l’inadaptation de la redevance d’archéologie préventive, notamment pour les projets de concession d’exploitation de granulats marins, dans la mesure où elle conduit à liquider des montants trop élevés pour les opérateurs économiques concernés dès lors que le dispositif existant, qui a été conçu pour des interventions en milieu terrestre sur la base d’un prix au mètre carré, se révèle inapplicable en milieu maritime dont les surfaces concernées sont considérablement plus étendues.

17. Au demeurant, l’article 79 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a modifié les règles de calcul de la redevance d’archéologie préventive pour les opérations d’aménagement en haute mer, le paragraphe III de l’article L. 524-7 du code du patrimoine prévoyant désormais que le montant de la redevance est égal à 0,10 € par mètre carré, et a institué, pour ces mêmes opérations, un dispositif conventionnel susceptible de se substituer à la redevance d’archéologie préventive.

18. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que, eu égard aux modalités de calcul de la redevance d’archéologie préventive en vigueur à la date d’établissement de avis d’imposition en litige en date du 3 janvier 2012, le montant de cette redevance reversé à l’INRAP ne dépassait pas ce qui était strictement nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des missions d’intérêt général assurés par l’INRAP, ni, au moins en ce qui concerne en particulier l’archéologie marine, que le montant de la redevance reversé à cet établissement public au titre de la compensation des frais inhérents à la réalisation des diagnostics archéologiques ait été calculé en conformité avec les principes énoncés par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt Altmark Trans Gmbh et, en particulier, avec le principe de stricte compensation des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public.

19. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que, dès lors que l’un au moins des quatre critères fixés par l’arrêt Altmark Trans Gmbh n’est pas satisfait en l’espèce, la redevance d’archéologie préventive présente le caractère d’une aide d’Etat soumise à l’obligation de notification à la Commission européenne, obligation qui n’a pas été, en l’espèce, respectée. Par suite, le moyen tiré de ce que la redevance d’archéologie préventive constitue une aide d’Etat illégale doit être accueilli.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la société « Les Sablières de l’Atlantique », ni les autres moyens présentés par cette société devant le tribunal administratif et devant la cour, que le ministre de la culture et de la communication n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la société « Les Sablières de l’Atlantique » de la redevance d’archéologie préventive mise à sa charge par l’avis d’imposition émis le 3 janvier 2012.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par la société « Les Sablières de l’Atlantique » et non compris dans les dépens.

Décide :

Article 1er : La requête du ministre de la culture et de la communication est rejetée.

Article 2 : L’Etat versera à la société « Les Sablières de l’Atlantique » la somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la culture et à la société « Les Sablières de l’Atlantique ».

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