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ICPE – Eoliennes : apprécier le respect des règles relatives aux garanties financières pour les installations d’éoliennes

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
09-08-2023
n° 455196

Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

L’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein, l’association Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, Mme K. D., M. B. A., Mme J. I., M. E. C., Mme F. L. et M. et Mme H. G. ont demandé à la cour administrative d’appel de Lyon d’annuler l’arrêté du 4 janvier 2019, par lequel le préfet de l’Yonne a autorisé la société Web Parc éolien des Vents du Serein à construire et exploiter six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Poilly-sur-Serein et de Sainte-Vertu. Par un arrêt n° 19LY01729 du 3 juin 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté leur requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 août et 29 octobre 2021 et 26 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur requête ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Web Parc éolien des Vents du Serein la somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’environnement ;

– l’arrêté du 26 août 2011 de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ;

– l’arrêté du 26 août 2011 modifié de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ;

– l’arrêté du 22 juin 2020 de la ministre de la transition écologique et solidaire portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Web Parc éolien des Vents du Serein ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 juillet 2023, présentée par la société Web Parc éolien des Vents du Serein.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 4 janvier 2019, le préfet de l’Yonne a autorisé la société Web Parc éolien des Vents du Serein à construire et exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Poilly-sur-Serein et de Sainte-Vertu. Par un arrêt du 3 juin 2021, contre lequel l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d’appel a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l’article L. 515-46 du code de l’environnement : « L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ou, en cas de défaillance, la société mère est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site, dès qu’il est mis fin à l’exploitation, quel que soit le motif de la cessation de l’activité. Dès le début de la production, puis au titre des exercices comptables suivants, l’exploitant ou la société propriétaire constitue les garanties financières nécessaires […]. » Aux termes de l’article R. 515-101 du même code : « I. – La mise en service d’une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l’article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l’exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l’article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d’actualisation de ce montant sont fixés par l’arrêté d’autorisation de l’installation. / II. – Un arrêté du ministre chargé de l’environnement fixe, en fonction de l’importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement […]. »

3. En application de ces dispositions, la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a pris, le 26 août 2011, un arrêté relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui fixait, en son annexe I, le montant initial de la garantie financière. Ce montant était égal au nombre d’aérogénérateurs, multiplié par le coût unitaire forfaitaire correspondant au démantèlement d’une unité, à la remise en état des terrains et à l’élimination ou à la valorisation des déchets générés, lui-même fixé à 50 000 € par le même arrêté. Les dispositions de cet arrêté ont toutefois été modifiées par de nouvelles dispositions issues de l’arrêté du 22 juin 2020, portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement. L’arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement prévoit ainsi, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêt attaqué, au II de son annexe I, que le montant initial de la garantie financière d’un aérogénérateur dont la puissance unitaire est supérieure à 2 MW, est désormais calculé selon la formule définie par le b) de ce II, selon laquelle : « Cu = 50 000 + 10 000 * (P-2) / où : / Cu est le montant initial de la garantie financière d’un aérogénérateur ; / P est la puissance unitaire installée de l’aérogénérateur, en mégawatt (MW) ».

4. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation, et d’appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme, qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation. Lorsqu’il relève que l’autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l’autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l’illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant initial des garanties financières, fixé à 324 565 € par l’article 2.2 de l’arrêté attaqué, a été calculé sur la base d’un coût unitaire forfaitaire de 50 000 € par aérogénérateur, quelle que soit la puissance de celui-ci, par application des dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 26 août 2011 cité au point 3, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté attaqué. Pour écarter le moyen tiré de l’insuffisance du montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site, la cour a considéré qu’en se bornant à soutenir que l’arrêté litigieux serait illégal notamment en ce qu’il ne prévoit pas un coût unitaire initial d’au moins 66 000 € par machine, en méconnaissance des dispositions de l’annexe I de l’arrêté du 26 août 2011 modifié par l’arrêté du 22 juin 2020, les requérants ne démontreraient pas que le montant prévu par la société pétitionnaire serait insuffisant. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de faire application des dispositions réglementaires applicables à l’installation dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle elle s’est prononcée, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Web Parc éolien des Vents du Serein et de l’Etat la somme de 1 500 € chacun à verser à l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

Décide :

Article 1er : L’arrêt du 3 juin 2021 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 3 : La société Web Parc éolien des Vents du Serein et l’Etat verseront chacun à l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein et autres une somme de 1 500 €, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Web Parc éolien des Vents du Serein au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association Environnement et patrimoines en Pays du Serein, première dénommée pour l’ensemble des requérants, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Web Parc éolien des Vents du Serein.

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