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Infractions au Code de l’urbanisme : existe t-il un délai entre un procès verbal d’infraction et un arrêté interruptif de travaux ?

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Marseille
02-02-2023
n° 20MA02004
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D. A.- B. a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler l’arrêté n° 280/2017 par lequel le maire du Castellet, agissant au nom de l’Etat, l’a mis en demeure d’interrompre immédiatement les travaux entrepris sur la parcelle cadastrée B n° 150 située vallon du Cannet sur le territoire de la commune du Castellet. Par un jugement n° 1704775 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2020, M. C. et le Groupement Foncier Agricole (GFA) La Capucine, représentés par Me Pichard, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 avril 2020 ; 2°) d’annuler l’arrêté du maire de Nice non daté n° 280/2017 ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Castellet une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que :

– le jugement est insuffisamment motivé en ce qu’il ne précise pas les raisons pour lesquelles les travaux ne correspondraient pas aux objectifs de la politique de protection et de gestion d’espaces naturels au sens de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme ;

– les travaux étaient achevés à la date de l’arrêté interruptif de travaux ;

– les travaux réalisés sont conformes aux dispositions du règlement de la zone Ne du plan local d’urbanisme et à celles de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2021, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C. et le GFA La Capucine ne sont pas fondés. La commune du Castellet, représentée par Me Chassany, a présenté des observations enregistrées le 18 juin 2021, par lesquelles elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée au département du Var, qui n’a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier. Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. d’Izarn de Villefort, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l’article R. 222-26 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. d’Izarn de Villefort

– et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 mars 2014, le département du Var a conclu avec M. C. une convention portant autorisation d’occupation du domaine public d’une partie de la parcelle cadastrée B n° 150 sise Vallon du Cannet, sur le territoire de la commune du Castellet. A la suite de l’établissement d’un procès-verbal de constat d’infractions, dressé le 7 décembre 2016, le maire du Castellet a, par un arrêté non daté n° 280/2017 pris au nom de l’Etat, mis en demeure l’intéressé ainsi que le président du conseil départemental du Var, d’interrompre immédiatement les différents travaux d’exhaussement entrepris sur ce terrain. M. C. et le GFA La Capucine, dont il est le gérant, relèvent appel du jugement du 10 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. C. tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 9 du code de justice administrative : « Les jugements sont motivés. »

3. M. C. soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en ce qu’il ne préciserait pas les raisons pour lesquelles les travaux ne correspondraient pas aux objectifs de la politique de protection et de gestion d’espaces naturels au sens de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme. Toutefois le tribunal, qui a précisé que la création de l’oliveraie envisagée à l’aide de la modification du terrain d’assiette par des travaux d’exhaussement ne permettait pas la réintroduction d’une pratique agricole traditionnelle respectueuse de l’environnement et notamment du site naturel, et qui n’était pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés par les parties, a suffisamment motivé son jugement. Le moyen soulevé doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme : « Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. […]. » Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 480-2 du même code : « Dès qu’un procès-verbal relevant l’une des infractions prévues à l’article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. / […] / Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d’aménagement sans permis d’aménager, le maire prescrira par arrêté l’interruption des travaux […]. » Selon l’article L. 480-4 de ce code : « Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d’une amende […]. » Aux termes de l’article L. 610-1 du même code : « En cas d’infraction aux dispositions des plans locaux d’urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l’article L. 480-4 s’entendant également de celles résultant des plans locaux d’urbanisme. »

5. Le maire ne peut ordonner, sur le fondement de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, l’interruption de travaux achevés, quelle que soit leur nature.

6. Il ressort des pièces du dossier que l’agent assermenté a fait état, dans le procès-verbal de constat d’infraction dressé le 7 décembre 2016, de la réalisation de deux exhaussements d’une hauteur supérieure à deux mètres, l’un d’une surface de 1 885 mètres carrés et l’autre de 2 859 mètres carrés, ainsi que de trois exhaussements d’une hauteur inférieure à 2 mètres, d’une surface respective de 1 010 mètres carrés, 1 525 mètres carrés et 11 631 mètres carrés. Ce procès-verbal, visé dans l’arrêté contesté, précise que de tels exhaussements sont en infraction avec les dispositions des articles L. 152-1 et L. 610-1 du code de l’urbanisme ainsi qu’au règlement applicable à la zone N du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. Si M. C. soutient que les travaux en cause ont été achevés avant l’intervention de l’arrêté contesté, d’une part, il reconnaît lui-même avoir poursuivi la réalisation des travaux postérieurement au procès-verbal et, d’autre part, il n’apporte aucun élément probant de nature à démontrer l’achèvement des travaux à la date de l’arrêté, permettant de remettre en cause les mentions de ce procès-verbal d’infraction qui, en vertu de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, fait foi jusqu’à preuve du contraire.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article N2 du règlement du PLU du Castellet, relatif aux types d’occupation et utilisations soumises à des conditions particulières : « […] est autorisé ce qui n’est pas interdit à l’article N1 précédent, notamment : les travaux confortatifs, transformations ou agrandissement des constructions existantes à la date d’approbation du présent PLU, à condition que : […] Pour les exploitations agricoles existantes à la date d’approbation du PLU, les travaux, serres et autres, les installations nécessaires à leur conservation à leur modernisation ou à leur transformation sont autorisées sans qu’ils aient pour effet une extension de la surface du terrain qu’elles occupent. […] Dans le secteur Ne : / Les activités liées à l’ouverture au public d’un Espace Naturel Sensible, conformément aux dispositions énoncées dans les articles L. 142-1 et suivants du code de l’urbanisme. […]. » Aux termes de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme, reprenant les dispositions de l’article L. 142-1 : « Le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l’article L. 101-2. »

8. Il ressort des pièces du dossier que les exhaussements réalisés, qui ont pour objet d’étendre la surface des terres agricoles exploitées par le GFA La Capucine dont M. C. est le représentant, en vue de l’implantation d’une oliveraie, s’inscrivent en contradiction avec les dispositions du règlement du PLU applicables à la zone Ne, dans laquelle s’inscrit la parcelle cadastrée B n° 150, dès lors que ces exhaussements entraînant une dénaturation et un bouleversement de cet espace naturel sensible. A la supposer établie, la circonstance alléguée par M. C. que la hauteur des exhaussements aurait été ramenée à moins de deux mètres n’est pas de nature à rendre les travaux réalisés conformes aux dispositions du règlement du PLU. Par suite, le moyen tiré de ce que les travaux litigieux seraient conformes aux dispositions du règlement de la zone Ne du PLU et de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en tant qu’elle est présentée par le GFA La Capucine, que M. C. et le GFA La Capucine ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. C.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A. B. et le GFA La Capucine demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Elles font également obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune du Castellet, qui ayant été appelée en cause pour observations, n’a pas la qualité de partie à l’instance.

Décide :

Article 1er : La requête de M. A. B. et du GFA La Capucine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Castellet au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D. A.-B., au Groupement Foncier Agricole La Capucine, au ministre de l’écologie et de la cohésion des territoires, à la commune du Castellet et au département du Var

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