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Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) : contentieux de l’autorisation unique !

Conseil d’État 

N° 412773    
ECLI:FR:CECHR:2018:412773.20180411
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Louis Dutheillet De Lamothe, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GASCHIGNARD, avocats

lecture du mercredi 11 avril 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La confédération paysanne du Lot, l’association Groupement associatif de défense de l’environnement lotois (GADEL) et l’association France nature environnement ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 9 novembre 2016 portant autorisation unique d’exploiter une unité de méthanisation et un plan d’épandage à la SAS Bioquercy à Gramat. Par une ordonnance n° 1702795 du 10 juillet 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et deux nouveaux mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 25 juillet et 9 août 2017 et les 30 janvier et 1er février 2018, la confédération paysanne du Lot et autres demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Bioquercy le versement, d’une part, à la confédération paysanne du Lot et à l’association Groupement associatif de défense de l’environnement lotois (GADEL), d’autre part, à l’association France nature environnement, de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la confédération paysanne du Lot et autre, à la SCP Gaschignard, avocat de l’association France nature environnement, et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SAS Bioquercy.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision « .

2. L’ordonnance du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement a prévu que, sur le territoire de plusieurs régions, dont la région Midi-Pyrénées, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, plusieurs types de projets, notamment les projets d’installations de méthanisation, sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé  » autorisation unique « . Elle vaut autorisation au titre de l’article L. 512-1 du code de l’environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, autorisation d’exploiter au titre de l’article L. 311-1 du code de l’énergie, approbation au titre de l’article L. 323-11 du même code et dérogation au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. En application de ces dispositions, le décret du 2 mai 2014 relatif à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement a fixé le contenu du dossier de demande d’autorisation unique et les modalités de son instruction ainsi que de sa délivrance par le préfet.

3. Sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Lot a, par un arrêté du 9 novembre 2016, délivré à la SAS Bioquercy l’autorisation unique d’exploiter, sur le territoire de la commune de Gramat, une unité de méthanisation et ses installations annexes ainsi que le plan d’épandange associé. Par une ordonnance du 10 juillet 2017, contre laquelle la confédération paysanne du Lot et autres se pourvoient en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu partiel en cassation présentées par la société Bioquercy :

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de constat d’huissier réalisé les 9 et 13 octobre 2017 à la demande de la société Bioquercy, joint à son mémoire en défense, que la construction de l’ensemble des bâtiments autorisés par le permis de construire délivré au titre de l’autorisation unique litigieuse est désormais achevée, et qu’ils ont d’ailleurs été mis en exploitation. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette partie de l’autorisation unique délivrée à l’exploitant est divisible des autres autorisations qu’elle comporte. Il en résulte que le présent pourvoi est devenu sans objet en tant qu’il est dirigé contre l’ordonnance rejetant la demande de suspension de l’arrêté litigieux en tant qu’il vaut permis de construire. Il n’y a, dès lors, plus lieu de statuer sur le pourvoi dans cette mesure.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

5. En premier lieu, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, au regard de l’argumentation présentée devant lui, suffisamment motivé son ordonnance en ce qui concerne l’admission des interventions en défense de la coopérative agricole des productions et élevages La Quercynoise et de divers éleveurs de la Quercynoise.

6. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le juge des référés a commis une erreur de droit en ne regardant pas la condition d’urgence comme en principe satisfaite dès lors que l’autorisation unique litigieuse attaquée devant lui valait permis de construire et que les travaux projetés allaient commencer ou avaient déjà commencé. Toutefois, ce moyen ne peut être utilement invoqué que contre le refus de suspendre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire. Par suite, il est inopérant à l’appui du pourvoi en tant qu’il concerne les autres parties de l’arrêté attaqué.

7. En troisième lieu, c’est sans insuffisance de motivation que le juge des référés a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que, compte tenu des justifications fournies devant lui tant par le requérant que par les autres personnes concernées, et notamment l’exploitant, la situation d’urgence posée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne pouvait être regardée comme satisfaite.

8. Enfin, l’article L. 122-2 du code de l’environnement prévoit que le juge des référés peut faire droit à une demande tendant à la suspension de l’exécution d’une autorisation ou d’une décision d’approbation d’un projet visé au I de l’article L. 122-1 du même code lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’étude d’impact et qu’il constate cette absence, sans avoir alors à se prononcer sur la condition d’urgence. Toutefois, il n’appartient pas au juge des référés de mettre en oeuvre d’office ces dispositions. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si les requérantes avaient invoqué l’insuffisance de l’étude d’impact, elles n’invoquaient pas le bénéfice des dispositions de l’article L. 122-2 du code de l’environnement. Par suite, en l’absence de conclusions tendant à la mise en oeuvre de ces dispositions, c’est sans erreur de droit que le juge des référés a pu, par une ordonnance suffisamment motivée, rejeter la demande de suspension dont il était saisi en se fondant sur le défaut d’urgence, sans se prononcer sur le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact.

9. Il résulte de ce qui précède que le surplus des conclusions du pourvoi, y compris celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en revanche de mettre à la charge des requérantes la somme globale de 3000 euros à verser à la SAS Bioquercy au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 10 juillet 2017, en tant qu’elle rejette la demande de suspension de l’exécution du permis de construire litigieux.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 3 : La confédération paysanne du Lot, l’association Groupement associatif de défense de l’environnement lotois et l’association France nature environnement verseront à la SAS Bioquercy une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la confédération paysanne du Lot, à l’association Groupement associatif de défense de l’environnement lotois, à l’association France nature environnement, à la SAS Bioquercy et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

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