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Permis de construire : refusé car nécessite des travaux sur les réseaux publics inutiles !

Conseil d’État

N° 361074   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Samuel Gillis, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DIDIER, PINET, avocats

lecture du mercredi 11 juin 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 11 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Champcella, représentée par son maire ; la commune de Champcella demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10MA01300 du 16 mai 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, annulé, à la demande de M. B…A…, le jugement du 5 février 2010 du tribunal administratif de Marseille et les arrêtés des 23 octobre et 30 novembre 2007 de son maire opposant à l’intéressé un refus de permis de construire une bergerie et, d’autre part, a enjoint à son maire de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire de M. A…;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. A…;

3°) de mettre à la charge de M. A…la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Samuel Gillis, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Champcella et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B… A…;

1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par un arrêté du 23 octobre 2007, le maire de la commune de Champcella a refusé le permis de construire sollicité par M. A…pour l’édification d’une bergerie en zone agricole ; qu’il s’est fondé, pour prendre cette décision, sur l’absence de desserte du terrain d’assiette par le réseau public d’alimentation en eau potable ; que, par un arrêté du 30 novembre 2007, le maire a retiré cet arrêté mais a confirmé son refus, au motif qu’avait été réalisée, aux fins de desserte du terrain précité, une extension du réseau par une personne autre qu’une collectivité publique ou un concessionnaire, sans que la commune ait eu l’occasion de se prononcer préalablement sur l’exécution des travaux et la capacité du réseau à supporter cette extension ; que, saisi par M. A… et par le préfet des Hautes-Alpes, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 5 février 2010, rejeté la demande d’annulation de l’arrêté du 30 novembre 2007 et dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande d’annulation de l’arrêté du 23 octobre 2007 ; que, par un arrêt du 16 mai 2012, contre lequel la commune de Champcella se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille et les deux arrêtés litigieux ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme :  » Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (…).  » ; qu’aux termes des premier et quatrième alinéas de l’article L. 332-15 du même code :  » L’autorité qui délivre l’autorisation de construire, d’aménager ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l’alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l’évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l’éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés (…). L »autorisation peut également, avec l’accord du demandeur et dans les conditions définies par l’autorité organisatrice du service public de l’eau ou de l’électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n’excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d’autres constructions existantes ou futures. (…)  » ;

3. Considérant que les dispositions de l’article L. 111-4 poursuivent notamment le but d’intérêt général d’éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d’être contraints, par le seul effet d’une initiative privée, de réaliser des travaux d’extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d’urbanisation et de développement de la collectivité ; qu’une modification de la consistance d’un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment du réseau public de distribution d’eau, ne peut être réalisée sans l’accord de l’autorité administrative compétente ; que, pour le réseau public de distribution d’eau, une telle modification peut notamment consister en l’installation d’une canalisation d’une longueur importante traversant des terrains autres que celui du pétitionnaire ; que l’autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d’un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d’urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité ou lorsque des travaux de modification du réseau ont été réalisés sans son accord ;

4. Considérant que la cour a jugé que, pour refuser d’accorder le permis de construire sollicité par M.A…, la commune de Champcella ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme, dès lors que l’intéressé avait déjà réalisé le branchement nécessaire en installant une conduite privée de quelque 400 mètres pouvant être raccordée au réseau existant et que la commune ne démontrait pas l’impossibilité technique de ce raccordement ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent, sans qu’il y ait lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par M.A…, laquelle exige une appréciation des faits à laquelle il n’appartient pas au juge de cassation de se livrer, qu’en se prononçant ainsi la cour a commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Champcella est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;

6. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Champcella au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Champcella qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 16 mai 2012 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Champcella et par M. A…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Champcella et à Monsieur B…A…. Copie en sera adressée à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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