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Plan Local d’Urbanisme : quelle est l’importance du lexique annexé au règlement du PLU ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
17-01-2024
n° 467572
Texte intégral :
Vu les procédures suivantes :

M. F. E., M. H. R., M. B. J., M. C. J., M. G. Q., Mme K. Q., Mme P. N., M. L. I., Mme M. I., M. A. O. et Mme D. O. ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 1er décembre 2021 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine a délivré à la société Agri Bioénergies un permis de construire pour la construction d’une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Bourg-des-Comptes (Ille-et-Vilaine).

Par une ordonnance n° 2204126 du 6 septembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a suspendu l’exécution de cet arrêté jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

1) Sous le n° 467572, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 et 29 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Agri Bioénergies demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M. E. et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. E. et autres la somme globale de 3 500 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2) Sous le n° 467772, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 10 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 2204126 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions présentées par M. E. et autres devant le juge des référés de ce même tribunal.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

– le code rural et de la pêche maritime ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,

– les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société Agri Bioénergies et à la SCP Buk Lament – Robillot, avocat de M. E. et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société Agri Bioénergies et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont dirigés contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Rennes que, par un arrêté du 1er décembre 2021, le préfet d’Ille-et-Vilaine a délivré à la société Agri Bioénergies un permis de construire une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Bourg-des-Comptes (Ille-et-Vilaine). La société Agri Bioénergies et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 6 septembre 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, faisant droit à la demande présentée par plusieurs riverains, a ordonné la suspension de l’exécution de cet arrêté jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

4. D’une part, aux termes de l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Bourg-des-Comptes, applicable à la zone A : « En-dehors des secteurs situés en agglomération, les bâtiments nouveaux doivent respecter une marge de recul de : […] – RD 48 : 100 mètres minimum par rapport à l’axe de la voie pour les constructions d’habitations ; 50 m pour les autres usages […]. / Ces reculs ne s’appliquent pas : / […] Aux bâtiments d’exploitation agricole et à la mise aux normes d’exploitations agricole existantes. » Le lexique de ce règlement précise que : « […] Les bâtiments d’exploitation agricole et forestière comprennent tout bâtiment lié et nécessaire au fonctionnement de l’exploitation agricole ou forestière. / – EXPLOITATION AGRICOLE : cette sous-destination recouvre les constructions destinées à l’exercice d’une activité agricole ou pastorale et notamment les constructions destinées au logement du matériel, des animaux et des récoltes. Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation […]. »

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime : « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation. […]. Il en est de même de la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d’exploitations agricoles. […] Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret. » L’article D. 311-18 du même code dispose que « Pour que la production et, le cas échéant, la commercialisation de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation soient regardées comme activité agricole en application de l’article L. 311-1, l’unité de méthanisation doit être exploitée et l’énergie commercialisée par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles. Ces exploitants agricoles sont, soit des personnes physiques inscrites au registre national des entreprises avec la qualité d’actif agricole mentionnée à l’article L. 311-2, soit des personnes morales dont le ou les associés détenant conjointement au moins 50 % des parts de la société, sont des exploitants agricoles inscrits à ce registre avec la qualité d’actif agricole mentionnée à l’article L. 311-2. / Le respect de la condition de provenance des matières premières à partir desquelles l’énergie est produite est apprécié, par exercice, au niveau de la structure gestionnaire de l’unité de méthanisation, et en masse de matières brutes présentées sous leur forme habituelle, sans transformation ni hydratation supplémentaires […]. »

6. Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que, pour apprécier si le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune était de nature à créer un doute sérieux, le juge des référés du tribunal administratif a relevé que la circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime était sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux, délivré en application de la législation sur l’urbanisme. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, afin de déterminer si le projet litigieux pouvait bénéficier de l’exception aux règles de recul prévue à l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme, de rechercher si le projet d’unité de méthanisation en cause pouvait être regardé comme une activité agricole au regard de la définition qu’en donne le lexique du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Bourg-des-Comptes, éclairée par les dispositions du code rural et de la pêche maritime citées au point 5, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, que la société Agri Bioénergies et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sont fondés à demander l’annulation de l’ordonnance qu’ils attaquent.

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. E. et autres.

9. D’une part, l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

10. D’autre part, aux termes de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme : « Un recours dirigé contre […] un permis de construire […] ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite. » Le recours dirigé contre l’arrêté en litige ayant été assorti d’une requête en référé suspension déposée avant l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le tribunal, la condition d’urgence est présumée satisfaite. Les requérants font en outre valoir que le projet est susceptible d’occasionner des nuisances, notamment visuelles et olfactives, ainsi que des risques pour la sécurité des riverains, et que l’urgence est caractérisée du fait de l’ampleur et de l’irréversibilité des travaux qui seraient entrepris avant l’intervention de la décision du juge administratif.

11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société pétitionnaire a prévu de mettre en oeuvre de nombreuses mesures de maîtrise des risques qui ne permettent pas de regarder comme établis les troubles et nuisances allégués par les requérants, et que la suspension de l’exécution du permis litigieux est susceptible de conduire à l’interruption du projet en affectant sa viabilité économique et le déblocage des prêts bancaires nécessaires à sa réalisation, alors même qu’il répond à un motif d’intérêt général d’une part en contribuant à l’atteinte de plusieurs objectifs locaux, nationaux et européens de développement de la production d’énergies renouvelables, notamment de biogaz, et d’autre part en contribuant à un objectif d’intérêt environnemental par l’amélioration du traitement des déchets issus des exploitations agricoles.

12. Dans ces conditions, la société titulaire du permis litigieux fait état de circonstances particulières qui justifient d’écarter la présomption résultant des dispositions de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme et ne permettent pas de regarder la condition d’urgence comme remplie.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’intérêt à agir des requérants ou sur l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que la demande de suspension présentée par M. E. et autres doit être rejetée.

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat et de la société Agri Bioénergies, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande présentée par la société Agri Bioénergies au titre des mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : L’ordonnance du 6 septembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. E. et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Agri Bioénergies ainsi que par M. E. et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. F. E., premier dénommé pour l’ensemble des demandeurs en référé, à la société Agri Bioénergies et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

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