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Certificat d’Urbanisme (A) : conforme à un PLU annulé, donc lui-même illégal, et créateur d’un préjudice réparable !

Conseil d’État

N° 414233   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
Mme Sandrine Vérité, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP POULET, ODENT ; SCP GATINEAU, FATTACCINI, avocats

lecture du lundi 18 février 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. et Mme B…et Isabelle A…ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de L’Houmeau à leur verser la somme de 525 409,69 euros en réparation du préjudice résultant de l’illégalité du classement d’une partie de leur parcelle en zone constructible, ainsi que du certificat d’urbanisme obtenu par le vendeur le 30 janvier 2006 et du permis de construire qui leur a été délivré le 12 avril 2007. Par un jugement n°1201832 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune à leur verser la somme de 18 365,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012.

Par un arrêt n° 15BX02550 du 13 juillet 2017, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur l’appel principal de M. et Mme A…et l’appel incident de la commune, annulé ce jugement en tant qu’il a omis de statuer sur les conclusions des requérants tendant à la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités allouées, a porté à 284 431,60 euros la somme que la commune a été condamnée à verser aux épouxA…, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012 et capitalisation des intérêts, a réformé en ce sens le jugement du 13 mai 2015 et a rejeté le surplus des conclusions des épouxA….

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat les 12 septembre et 24 octobre 2017 et le 1er juin 2018, la commune de L’Houmeau demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. et Mme A…et de faire droit à ses conclusions incidentes ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A…la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sandrine Vérité, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Poulet, Odent, avocat de la commune de L’Houmeau et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de M. et MmeA….

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en vue de la construction d’une maison d’habitation, les époux A…ont acquis le 21 novembre 2006, au vu d’un certificat d’urbanisme obtenu par le vendeur le 30 janvier précédent, une parcelle située rue du Port dans la commune de L’Houmeau. Toutefois, le permis de construire une maison d’habitation qui leur a été délivré le 12 avril 2007 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2008, confirmé en appel, au motif qu’en dépit du classement partiel du terrain d’assiette par le plan local d’urbanisme en zone UEb, où est autorisée la construction d’un habitat de faible hauteur, il méconnaissait les dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme. Les époux A…ont alors demandé la condamnation de la commune à les indemniser des préjudices résultant, notamment, de la délivrance du certificat d’urbanisme du 30 janvier 2006, qui mentionnait que la parcelle était partiellement située en zone UEb. Par un arrêt du 13 juillet 2017, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que la mention du classement du terrain dans cette zone, alors qu’il ne pouvait être regardé comme un espace urbanisé au sens du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, entachait d’illégalité le certificat d’urbanisme délivré le 30 janvier 2006 et a condamné la commune de L’Houmeau à verser à M. et Mme A…une indemnité de 266 065,70 euros assortie des intérêts capitalisés, s’ajoutant à celle de 18 365,90 euros allouée en première instance en raison de l’illégalité du permis de construire du 12 avril 2007. La commune de L’Houmeau se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, applicable au certificat d’urbanisme délivré le 30 janvier 2006 :  » Le certificat d’urbanisme indique les dispositions d’urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain, ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus « .

3. En vertu d’un principe général, il incombe à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s’appliquer, en l’absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l’annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d’un document d’urbanisme, ou certaines d’entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d’illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d’exception en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, par l’autorité chargée de délivrer des certificats d’urbanisme ou des autorisations d’utilisation ou d’occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d’une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu’il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme.

4. La cour administrative d’appel de Bordeaux a relevé que le terrain litigieux avait été illégalement classé pour partie en zone UEb par le plan local d’urbanisme, alors que, situé dans la bande des cent mètres à partir du rivage, il ne pouvait être regardé comme un espace urbanisé au sens des dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’elle n’a pas commis d’erreur de droit en en déduisant l’illégalité du certificat d’urbanisme délivré le 30 janvier 2006 par le maire de L’Houmeau, qui faisait mention de ce classement, alors même que le certificat, délivré sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, avait vocation non à préciser si le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d’une opération particulière mais seulement à indiquer les dispositions d’urbanisme applicables au terrain, ainsi que les limitations administratives au droit de propriété, le régime des taxes et participations d’urbanisme et l’état des équipements publics existants ou prévus.

5. En deuxième lieu, la circonstance, relevée par la cour, que le plan local d’urbanisme applicable sur le territoire de la commune de L’Houmeau avait été approuvé par une délibération du 25 février 2005 du conseil communautaire de la communauté d’agglomération de La Rochelle, qui exerçait cette compétence en vertu des articles L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales et L. 123-18 du code de l’urbanisme, ne faisait pas obstacle à ce que la commune soit reconnue responsable de la faute commise par son maire en délivrant un certificat d’urbanisme comportant la mention du classement illégal d’une parcelle par ce plan. Par suite, la cour administrative d’appel de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit et n’a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs en jugeant que la faute résultant de la délivrance du certificat d’urbanisme du 30 janvier 2006, qui mentionnait le classement illégal d’une partie du terrain d’assiette en zone UEb, était de nature à engager la responsabilité de la commune de L’Houmeau, alors même qu’elle jugeait que sa responsabilité n’était pas engagée par l’illégalité du plan local d’urbanisme de la communauté d’agglomération de La Rochelle procédant à ce classement, en l’absence d’élément de nature à établir que la commune aurait commis une faute lors de l’élaboration concertée du plan.

6. En dernier lieu, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le préjudice financier résultant de la baisse de la valeur vénale du terrain des époux A…devait être évalué à la différence entre son prix d’acquisition, alors même qu’il était pour une partie seulement classé en zone constructible par le plan local d’urbanisme, et sa valeur comme terrain inconstructible.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par les épouxA…, que la commune de L’Houmeau n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qu’elle attaque.

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des épouxA…, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de L’Houmeau une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A…au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la commune de L’Houmeau est rejeté.
Article 2 : La commune de L’Houmeau versera à M. et Mme A…une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de L’Houmeau et à M. B…et IsabelleA….
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

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