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Commissaire enquêteur : quelles implications d’une motivation « trop succincte » des conclusions ?

Cour administrative d’appel de Douai

N° 12DA01458   
Inédit au recueil Lebon
1re chambre – formation à 3
M. Yeznikian, président
Mme Marie-Odile Le Roux, rapporteur
M. Delesalle, rapporteur public
SELARL ENCKELL AVOCATS, avocat

lecture du mercredi 9 avril 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2012, présentée pour la SNC MSE Le moulin de Séhen, dont le siège est Tour de Lille, boulevard de Turin à Lille (59077), par Me Carl Enckell ;

La SNC MSE Le moulin de Séhen demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0906452 du 19 juillet 2012 du tribunal administratif de Lille qui, à la demande de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, a annulé l’arrêté du 17 avril 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a accordé un permis de construire pour l’implantation de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Bourthes ainsi que la décision du 6 août 2009 rejetant le recours gracieux présenté par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, et a mis à sa charge une somme de 150 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2014, présentée pour la SNC MSE Le moulin de Séhen ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Marie-Odile Le Roux, président-assesseur,

– les conclusions de M. Hubert Delesalle, rapporteur public,

– et les observations de Me Carl Enckell, avocat de la SNC MSE Le Moulin de Séhen ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer :

1. Considérant qu’il est constant que le jugement attaqué a été notifié à la SNC MSE Le moulin de Séhen le 2 août 2012 et que sa requête d’appel a été enregistrée au greffe de la cour le 27 septembre 2012 suivant, dans le délai d’appel prévu par l’article R. 811-2 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ne peut qu’être écartée ;

Sur le motif d’annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Considérant que, pour prononcer, à la demande de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, l’annulation de l’arrêté du 17 avril 2009 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a accordé à la SNC MSE Le moulin de Séhen un permis de construire pour l’implantation de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Bourthes ainsi que la décision du 6 août 2009 par laquelle le préfet a rejeté le recours gracieux présenté par cette association, le tribunal administratif de Lille, par le jugement attaqué, s’est fondé sur le motif tiré de l’irrégularité de l’enquête publique ; qu’en application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ce motif qui est contesté devant elle ;

3. Considérant qu’aux termes du I de l’article L. 553-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors applicable :  » I. – L’implantation d’une ou plusieurs installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent dont la puissance installée totale sur un même site de production, au sens du troisième alinéa (2°) de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, excède 2,5 mégawatts, est subordonnée à la réalisation préalable : / (…) / b) D’une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-17 du même code :  » Pendant la durée de l’enquête, les appréciations, suggestions et contre-propositions du public peuvent être consignées sur le registre d’enquête tenu à leur disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier ; ce registre, établi sur feuillets non mobiles, est coté et paraphé par le commissaire enquêteur, (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 123-22 de ce code :  » A l’expiration du délai d’enquête, le ou les registres d’enquête sont clos et signés par le préfet ou par le sous-préfet, lorsque le lieu d’enquête est la préfecture ou la sous-préfecture, et par le maire dans tous les autres cas, puis transmis dans les 24 heures, avec le dossier d’enquête et les documents annexés, au commissaire enquêteur ou au président de la commission d’enquête. / Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête entend toute personne qu’il lui paraît utile de consulter ainsi que le maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l’opération (…)  » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, dont le rapport ne fait aucune référence aux registres déposés dans les communes voisines de Hucqueliers et de Zoteux et se borne à examiner les observations recueillies dans le registre de Bourthes, n’a pas examiné l’ensemble des registres tenus à la disposition du public dans les mairies durant l’enquête publique ; qu’en outre, en se bornant à relever, dans ses conclusions,  » l’importance des besoins en terme de production d’énergie électrique « ,  » la modestie du projet d’installation de cinq éoliennes  » et le fait que le projet de la pétitionnaire  » entre dans le champ d’application des dispositions du code de l’environnement « , alors qu’il était saisi d’observations de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer contestant de façon développée le choix du site d’implantation du projet, le commissaire enquêteur n’a pas suffisamment motivé son avis ;

5. Considérant, toutefois, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

6. Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les observations présentées par l’association requérante dans le registre de Zoteux auraient été substantiellement différentes de celles qu’elle avait mentionnées dans le registre de Bourthes, et qui seules ont été signalées dans le rapport ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que d’autres observations enregistrées dans les registres ouverts à Zoteux ou à Hucqueliers auraient dû être prises en compte par le commissaire enquêteur, lequel n’a pas, en tout état de cause, à répondre à chacune des observations émises ; que, par suite, le vice qui a entaché le rapport du commissaire enquêteur, qui s’est borné à signaler les observations figurant dans l’un des trois registres, n’a pas, en l’espèce, privé les intéressés de la garantie qui s’attache à la prise en compte des appréciations, suggestions et contre-propositions émises par le public lors de l’enquête publique, ou exercé une influence sur la décision attaquée ;

7. Considérant qu’en revanche, les conclusions en l’espèce très succinctement motivées ayant conduit à l’avis favorable du commissaire enquêteur ne sont pas à la mesure des enjeux du projet et des critiques émises par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ; que, dans ces conditions, et même si ce vice n’a pas, en l’espèce, exercé d’influence sur le sens de la décision prise par le préfet, il a privé le public de la garantie qui s’attache à l’expression d’une position personnelle du commissaire enquêteur dont le caractère se manifeste par la motivation des conclusions et non seulement par l’avis rendu ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SNC MSE Le moulin de Séhen n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l’arrêté préfectoral du 17 avril 2009 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SNC MSE Le moulin de Séhen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SNC MSE Le Moulin de Séhen une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SNC MSE Le moulin de Séhen est rejetée.

Article 2 : La SNC MSE Le moulin de Séhen versera à l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC MSE Le moulin de Séhen, à l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer et au ministre du logement et de l’égalité des territoires.

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