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Erreur d’affichage d’un permis de construire : effets sur le délai de recours

Conseil d’État

N° 330702   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
9ème et 10ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur
M. Collin Pierre, commissaire du gouvernement
FOUSSARD, avocat

lecture du jeudi 1 juillet 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le pourvoi et le nouveau mémoire, enregistrés les 11 août et 16 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA, dont le siège est n° 2 avenue Péglion B.P. 189 à Menton (06507 Cedex) ; le CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 29 juillet 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de l’arrêté du 28 juillet 2008 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a délivré un permis de construire à la ville de Menton sur un terrain situé 8 avenue Laurenti à Menton ;

2°) statuant en référé, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 28 juillet 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre de la commune de Menton, enregistrée le 17 juin 2010 ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,

– les observations de Me Foussard, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA,

– les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’article 12 du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, dispose que : Le délai de recours contentieux à l’encontre (…) d’un permis de construire (…) court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 ; que l’article R. 424-15 du même code dispose que : Mention du permis (…) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté (…) et pendant toute la durée du chantier. (…) / Un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme règle le contenu et les formes de l’affichage ; que l’article A. 424-17 du même code dispose que : Le panneau d’affichage comprend la mention suivante :/ Droit de recours :/ Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code l’urbanisme) (…) ; que cette mention relative au droit de recours est un élément indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le panneau d’affichage du permis de construire litigieux, mis en place le 31 juillet 2008, ne comportait pas la mention prévue par l’article A. 424-17 du code de l’urbanisme mais uniquement la mention tout recours doit être exercé dans le délai fixé par l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme ; qu’en jugeant que cette circonstance n’était pas de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard du requérant, alors que l’article R. 490-7, qui n’était alors plus en vigueur, fixait de façon différente le point de départ du délai de recours contentieux, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, dès lors le CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation (…), le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Sur la recevabilité de la requête tendant à l’annulation de l’arrêté contesté :

Considérant que si la requête tendant à l’annulation du ou des actes administratifs dont la suspension est demandée est irrecevable, aucun des moyens présentés au soutien d’une requête formée sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité du ou des actes administratifs contestés ;

Considérant, toutefois, qu’ainsi qu’il a été dit, la circonstance que le panneau d’affichage du permis de construire litigieux ne comportait pas la mention prévue par l’article A. 424-17 du code de l’urbanisme faisait obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard du requérant ; que, par ailleurs, s’il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier doit, comme le soutient le ministre en défense, être regardé comme ayant eu connaissance de l’arrêté délivrant le permis au plus tard à la date du 29 septembre 2008 à laquelle il avait introduit un premier recours à son encontre, il n’était pas forclos lorsqu’après s’être désisté de celui-ci, il a introduit, le 27 octobre 2008, un second recours, toujours pendant ; que par suite, le moyen tiré de ce que la demande de suspension devrait être rejetée en raison de l’irrecevabilité de la requête tendant à l’annulation de l’arrêté contesté ne peut qu’être écarté ;

Sur l’urgence à prononcer la suspension demandée :

Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que si, en règle générale, l’urgence s’apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l’atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu’il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d’un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d’un bâtiment, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu’il ne peut en aller autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l’autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières, tenant, notamment, à l’intérêt s’attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les travaux relatifs au permis de construire litigieux ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu’il n’est pas établi, en l’état de l’instruction, que, contrairement à ce que soutenait la commune en juillet 2009, d’une part le bâtiment en cours de rénovation et d’extension doive toujours accueillir des étudiants à la rentrée 2010, et d’autre part, qu’un retard dans les travaux remettrait en cause le financement du projet ; qu’ainsi la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit, en tout état de cause, être regardée comme remplie ;

Sur l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux :

Considérant que le moyen tiré de ce que les voies d’accès au terrain d’assiette de la construction ne respectent pas les prescriptions des articles R. 111-5 du code de l’urbanisme et UC 3 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué ; qu’en revanche, pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les autres moyens ne sont pas de nature à faire naître un tel doute ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA est fondé à demander la suspension de l’arrêté du 28 juillet 2008 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a délivré le permis de construire litigieux à la commune de Menton ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la commune de Menton et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement au CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA d’une somme de 2 500 euros en application de ces dispositions ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 29 juillet 2009 est annulée.
Article 2 : L’exécution de l’arrêté du 28 juillet 2008, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a délivré un permis de construire à la commune de Menton, est suspendue.
Article 3 : L’Etat versera une somme de 2 500 euros au CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Menton devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE MENTON – LA PALMOSA, au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat et à la commune de Menton.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

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