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Droit des architectes : attention, la « perte des garanties de moralité » vous expose à une radiation du tableau !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
18-12-2023
n° 466528
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

M. A. B. a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France a prononcé sa radiation administrative du tableau de l’ordre des architectes, ainsi que la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé le 18 juillet 2019 contre cette décision.

Par une ordonnance du 29 août 2019, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Melun la demande formée par M. B. devant lui et tendant aux mêmes fins.

Par un jugement nos 1907884, 1908191 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a, d’une part, annulé la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B. du tableau de l’ordre des architectes et, d’autre part, enjoint au conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France de procéder à son inscription à ce tableau.

Par un arrêt n° 21PA04262 du 9 juin 2022, la cour administrative d’appel de Paris, sur appel de la ministre de la culture, a annulé le jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Melun et, statuant par la voie de l’évocation, a, d’une part, annulé la décision par laquelle la ministre de la culture a implicitement confirmé la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B. et, d’autre part, rejeté comme irrecevables les conclusions présentées devant le tribunal par M. B. tendant à l’annulation de la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 9 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de la culture demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il lui est défavorable ;

2°) réglant l’affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B. la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

– le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 ;

– l’arrêté du 18 mai 2017 portant modification de l’arrêté du 19 avril 2010 portant approbation du règlement intérieur du conseil national de l’ordre des architectes ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas-Feschotte-Desbois Sebagh, avocat du ministre de la culture et à Me Balat, avocat de M. B. ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A. B. a été inscrit au tableau régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France en juin 2000. Par une décision du 5 juillet 2019, le conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France a procédé à sa radiation administrative de ce tableau au motif qu’il ne présentait plus les garanties de moralité nécessaires à l’exercice de sa profession. Le 18 juillet 2019, M. B. a formé auprès du ministre de la culture un recours administratif à l’encontre de cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a, à sa demande, annulé ce rejet implicite et enjoint au conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France de procéder à son inscription au tableau. Par un arrêt du 9 juin 2022, la cour administrative d’appel de Paris, statuant sur appel de la ministre de la culture, a annulé ce jugement mais confirmé l’annulation de la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. B. contre la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France prononçant sa radiation administrative. Par le présent pourvoi, la ministre de la culture demande l’annulation de cet arrêt en tant qu’il lui est défavorable.

2. Aux termes de l’article 9 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture : « Les personnes physiques inscrites à un tableau régional d’architectes conformément aux dispositions des articles 10 et 11 ci-après peuvent seules porter le titre d’architecte. / Les personnes morales inscrites à un tableau régional d’architectes conformément aux dispositions de l’article 12 ci-après peuvent seules porter le titre de société d’architecture. / L’inscription à un tableau régional ou à son annexe confère le droit d’exercer sur l’ensemble du territoire national. » L’article 10 de cette loi prévoit que sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional d’architectes les personnes physiques de nationalité française ou ressortissantes d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui jouissent de leurs droits civils, qui « présentent les garanties de moralité nécessaires » et qui remplissent certaines conditions de diplôme ou de qualification professionnelle prévues par les dispositions du même article. Aux termes de l’article 23 de cette loi : « Le conseil régional assure la tenue du tableau régional des architectes. Il procède à l’inscription des architectes après avoir vérifié qu’ils remplissent les conditions requises par la présente loi et ses textes d’application. / Il procède à leur radiation si ces conditions cessent d’être remplies. / Les refus d’inscription ou les décisions de radiation peuvent être frappés de recours devant le ministre chargé de la culture qui statue après avis du conseil national. / Le ministre chargé de la culture peut annuler les décisions d’inscriptions irrégulières et radier du tableau régional les personnes qui auraient cessé de remplir les conditions requises. […]. »

3. Il résulte de ces dispositions qu’il incombe au conseil régional de l’ordre des architectes de tenir à jour le tableau relevant de son ressort et de radier de celui-ci les architectes qui, par suite de l’intervention de circonstances postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir les conditions requises pour y figurer. Pour cette procédure de mise à jour régulière du tableau, qui comporte une faculté de recours devant le ministre chargé de la culture avant saisine éventuelle du juge de l’excès de pouvoir, les instances ordinales siègent dans leur formation administrative. Les garanties de moralité mentionnées à l’article 10 précité de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture sont au nombre de celles qui doivent être remplies tant au moment de l’inscription que durant l’exercice de sa profession par l’architecte après son inscription. Il s’ensuit que la perte de ces garanties de moralité expose l’architecte en cause à une radiation du tableau, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que ce comportement soit susceptible, par ailleurs, de faire l’objet de poursuites disciplinaires.

4. Il résulte de ce qui précède qu’en se fondant, pour annuler la décision implicite du ministre de la culture rejetant le recours administratif de M. B. contre la décision du conseil régional des architectes d’Ile-de-France prononçant sa radiation administrative du tableau de l’ordre des architectes, sur ce qu’une telle mesure de radiation motivée par la perte des garanties de moralité ne pouvait être prononcée que par une juridiction de l’ordre dans le cadre d’une procédure disciplinaire, et non par le conseil régional de l’ordre statuant dans le cadre d’une procédure administrative, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la culture est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant que, par son article 2, il a annulé pour excès de pouvoir la décision implicite confirmant la décision du 5 juillet 2019 du conseil régional de l’ordre des architectes d’Ile-de-France prononçant la radiation administrative de M. B.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B. la somme de 3 500 € à verser à l’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

Décide :

Article 1er : L’article 2 de l’arrêt du 9 juin 2022 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : M. B. versera à l’Etat la somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B. au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture et à M. A. B.

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