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Installation Classée pour la Protection de l’Environnement : dans la procédure contentieuse, le sursis à statuer pour régulariser est possible !

Avis rendu par Conseil d’Etat
10-11-2023
n° 474431
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

L’association Limousin nature environnement, M. A. G. et Mme D. G., M. C. K. et Mme B. K., M. N. T., M. H. M. et Mme U. M., Mme F. M., M. I. J. et M. L. X. ont demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler, d’une part, l’arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a délivré à la société à responsabilité limitée ENEDEL 7 un permis de construire une unité de méthanisation située lieu-dit « Le Francour » sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes (Haute-Vienne), d’autre part, l’arrêté du 3 novembre 2017 du préfet de la Haute-Vienne portant enregistrement d’une unité de méthanisation située au lieu-dit « Le Francour » sur le territoire de la commune de Saint-Junien-les-Combes et de ses sites de stockage de digestats situés sur le territoire des communes de Saint-Junien-les-Combes et Berneuil (Haute-Vienne) au titre des installations classées pour la protection de l’environnement. Par un jugement nos 1800191, 1800324 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés des 8 août 2017 et 3 novembre 2017.

Par un arrêt n° 21BX00134 du 23 mai 2023, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Bordeaux, avant de statuer sur la requête de la société ENEDEL 7 tendant à l’annulation de ce jugement, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, issues de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, qui confèrent de nouveaux pouvoirs au juge, notamment lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, sont-elles applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 512-7 du même code, faisant seulement l’objet d’un enregistrement et qui, n’étant pas soumises à évaluation environnementale, ne constituent pas un projet mentionné au deuxième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 ?

2°) Dans la négative, lorsque le juge constate que le vice dont est entachée la décision d’enregistrement est tiré de ce que la demande d’enregistrement aurait dû être instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, en application de l’article L. 512-7-2 du code de l’environnement, les dispositions de l’article L. 181-18 de ce code sont-elles cependant applicables ?

3°) Enfin, doit-on considérer que ces dispositions sont applicables lorsque le préfet a décidé, en application de l’article L. 512-7-2 du code de l’environnement, de soumettre une demande d’enregistrement aux règles de procédures prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales ?

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

– la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 ;

– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

– le code de l’environnement ;

– la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;

– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

– La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Enedel 7, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de l’association Limousin nature environnement et autres et à Me Balat, avocat de M. et Mme M. et autre ;

REND L’AVIS SUIVANT :

1. En application des articles L. 511-2 et L. 512-7 du code de l’environnement, les installations classées pour la protection de l’environnement sont soumises à un régime d’autorisation, d’autorisation simplifiée, sous la dénomination d’enregistrement, ou de déclaration en fonction de leur inscription dans les rubriques correspondantes de la nomenclature des installations classées établie par décret, et suivant la gravité des dangers et des inconvénients que peut présenter leur exploitation pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code.

2. En vertu de l’article L. 512-1 du code de l’environnement, sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code. L’autorisation, dénommée autorisation environnementale, est délivrée dans les conditions prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier, issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale. Aux termes de l’article L. 181-1 du code de l’environnement : « L’autorisation environnementale […] est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire : / […] 2° Installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 512-1. / Elle est également applicable aux projets mentionnés au deuxième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 lorsque l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation est le préfet, ainsi qu’aux projets mentionnés au troisième alinéa de ce II […] ». Aux termes de l’article L. 181-2 du même code : « I. – L’autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l’application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d’activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l’article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / […] 7° Récépissé de déclaration ou enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8, à l’exception des déclarations que le pétitionnaire indique vouloir effectuer de façon distincte de la procédure d’autorisation environnementale, ou arrêté de prescriptions applicable aux installations objet de la déclaration ou de l’enregistrement […] ».

3. En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, l’autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. En outre, aux termes de l’article L. 181-18 du même code, dans sa rédaction applicable aux litiges engagés à compter du 11 mars 2023, date de publication de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : « I. – Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, même après l’achèvement des travaux : / 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, limite à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; / 2°Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle ou de sursis à statuer est motivé. / II.- En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées ». Ces dispositions précisent les pouvoirs dont dispose le juge de l’autorisation environnementale. D’une part, les dispositions du paragraphe I prévoient que lorsqu’il est saisi de conclusions contre cette autorisation, le juge, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit sursoit à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés, soit limite la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction. D’autre part, les dispositions du paragraphe II permettent au juge de prononcer la suspension de l’exécution de parties non viciées de l’autorisation environnementale.

4. En vertu de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d’enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du même code, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées. Les activités relevant de ce régime concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises ni à la directive du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I, ni à une obligation d’évaluation environnementale systématique au titre de l’annexe I de la directive du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Conformément aux articles L. 512-7-1 et L. 512-7-3 du code de l’environnement, le dossier de demande d’enregistrement est mis à disposition du public avant que le préfet prenne, après avis des conseils municipaux intéressés, un arrêté d’enregistrement qu’il peut assortir de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l’installation. L’article L. 512-7-5 du même code permet au préfet d’imposer, par arrêté complémentaire, de telles prescriptions particulières après la mise en service de l’installation. L’article L. 512-7-2 du même code prévoit, en outre, que le préfet peut décider que la demande d’enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, c’est-à-dire selon le régime de l’autorisation : « […] 1° Si, au regard de la localisation du projet […], la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d’autres projets d’installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l’aménagement des prescriptions générales applicables à l’installation, sollicité par l’exploitant, le justifie. / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n’est pas soumis à évaluation environnementale ». Conformément au premier alinéa de l’article L. 514-6 du code de l’environnement, les décisions prises en application des articles L. 512-7-3 et L. 512-7-5 de ce code sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

5. Les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, qui concernent les pouvoirs du juge de l’autorisation environnementale, sont applicables aux recours formés contre une décision d’enregistrement d’une installation classée dans le cas où le projet fait l’objet, en application du 7° du paragraphe I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, d’une autorisation environnementale tenant lieu d’enregistrement ou s’il est soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du même code.

6. Dans les autres cas où le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision relative à l’enregistrement d’une installation classée, y compris si la demande d’enregistrement a été, en application de l’article L. 512-7-2 du code de l’environnement, instruite selon les règles de procédure prévues pour les autorisations environnementales, les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement ne sont pas applicables. Cependant, en vertu des pouvoirs qu’il tient de son office de juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement, le juge administratif, s’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision.

7. Enfin, lorsque l’annulation n’affecte qu’une partie seulement de la décision, le juge administratif peut déterminer s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de cette décision. Et lorsqu’il prononce l’annulation, totale ou partielle, d’une décision relative à une installation classée soumise à enregistrement, il a toujours la faculté, au titre de son office de juge de plein contentieux, d’autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation de l’installation en cause, dans l’attente de la régularisation de sa situation par l’exploitant.

Le présent avis sera notifié à la cour administrative d’appel de Bordeaux, à la société à responsabilité limitée (SARL) ENEDEL 7, à l’association Limousin nature environnement, première dénommée, à M. H. M., premier dénommé, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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