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Interprétation de l’article L600-2 CU : mise en oeuvre de la cristallisation des règles d’urbanisme !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
13-11-2023
n° 466407
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Par quatre demandes distinctes, M. A. C. et Mme B. C. ont demandé au tribunal administratif de Lyon d’annuler les arrêtés des 24 janvier et 15 février 2019 par lesquels le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable qu’ils avaient déposée en vue de la création d’un lot à bâtir de 1 500 m2 sur un terrain leur appartenant, et les arrêtés des 24 janvier et 15 février 2019 par lesquels le même maire a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable qu’ils avaient déposée en vue de la création d’un lot à bâtir de 740 m2 sur le même terrain. Par un jugement nos 1901769-1902114-1902755-1902756 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les demandes dirigées contre les arrêtés du 24 janvier 2019 et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Par un arrêt n° 20LY02165 du 28 juin 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur appel de M. et Mme C., annulé ce jugement ainsi que les arrêtés du 15 février 2019, rejeté les conclusions des appelants tendant à l’annulation des arrêtés du 24 janvier 2019 et enjoint au maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or de prendre des décisions de non-opposition aux déclarations préalables litigieuses dans le délai d’un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 28 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il lui fait grief ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A. C. et Mme B. C. la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano & Goulet, avocat de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or et à Me Balat, avocat de M. et Mme A. et B. C. ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux arrêtés du 19 janvier et du 17 mars 2015, le maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or s’est opposé aux déclarations préalables successivement déposées par M. et Mme C. en vue de la création, sur un terrain leur appartenant, d’un lot à bâtir de 740 m², puis d’un lot à bâtir de 1500 m². Par un arrêt n° 17LY02150 du 20 décembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé ces deux arrêtés. Par deux arrêtés du 24 janvier 2019, le maire a opposé un sursis à statuer aux mêmes déclarations préalables. Par deux arrêtés du 15 février 2019, il a confirmé ce sursis à statuer après que les pétitionnaires ont confirmé leur demande en application de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme. L’arrêt du 20 décembre 2018 est par la suite devenu irrévocable à l’expiration du délai de pourvoi en cassation. Par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé les arrêtés du 15 février 2019, rejeté les conclusions de M. et Mme C. tendant à l’annulation des arrêtés du 24 janvier 2019 et enjoint au maire de Saint-Didier-au-Mont-d’Or de prendre des décisions de non-opposition aux mêmes déclarations préalables dans le délai d’un mois à compter de la notification de cet arrêt.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ».

3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que, lorsqu’un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à une déclaration préalable a été annulé par un jugement ou un arrêt et que le pétitionnaire a confirmé sa demande ou sa déclaration dans le délai de six mois suivant la notification de cette décision juridictionnelle d’annulation, l’autorité administrative compétente ne peut rejeter la demande de permis, opposer un sursis à statuer, s’opposer à la déclaration préalable dont elle se trouve ainsi ressaisie ou assortir sa décision de prescriptions spéciales en se fondant sur des dispositions d’urbanisme postérieures à la date du refus ou de l’opposition annulé. Toutefois, le pétitionnaire ne peut bénéficier de façon définitive du mécanisme institué par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme que si l’annulation juridictionnelle de la décision de refus ou d’opposition est elle-même devenue définitive, c’est-à-dire, au sens et pour l’application de ces dispositions, si la décision juridictionnelle prononçant cette annulation est devenue irrévocable. Par suite, dans le cas où l’autorité administrative a délivré le permis sollicité ou pris une décision de non-opposition sur le fondement de ces dispositions, elle peut retirer cette autorisation si le jugement ou l’arrêt prononçant l’annulation du refus ou de l’opposition fait l’objet d’un sursis à exécution ou est annulé, sous réserve que les motifs de la nouvelle décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un autre refus, dans le délai de trois mois à compter de la notification à l’administration de cette nouvelle décision juridictionnelle. L’administration doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations. L’autorisation d’occuper ou utiliser le sol délivrée au titre de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme peut être contestée par les tiers sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l’arrêt ayant annulé le refus ou la décision d’opposition.

4. Pour annuler les arrêtés du 15 février 2019 au motif que la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or ne pouvait légalement surseoir à statuer sur les déclarations préalables en se fondant sur l’état d’avancement du nouveau plan local d’urbanisme dans son état à la date de ces arrêtés, la cour administrative d’appel de Lyon s’est fondée sur ce que M. et Mme C. ont confirmé ces déclarations préalables sur le fondement de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dans le délai de six mois suivant la notification de l’arrêt du 20 décembre 2018 par lequel la cour a annulé les décisions d’opposition à ces déclarations. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en statuant ainsi, elle n’a pas commis d’erreur de droit. Si elle a en outre relevé que le maire ne pouvait ignorer, à la date des arrêtés annulés, que la commune n’introduirait pas de pourvoi en cassation contre l’arrêt du 20 décembre 2018 et qu’aucun pourvoi en cassation n’a par la suite été introduit par la commune, ces motifs présentent un caractère surabondant et ne peuvent être utilement critiqués en cassation.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or ne soutenait pas devant eux que les arrêtés de sursis à statuer du 15 février 2019 auraient été fondés sur l’avancement de l’élaboration du futur plan local d’urbanisme de la métropole de Lyon à la date des arrêtés des 19 janvier et 17 mars 2015. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en s’abstenant de rechercher si l’état d’avancement du plan à ces deux dates justifiait les décisions de sursis à statuer et en jugeant que le maire s’était illégalement fondé sur des circonstances de droit postérieures à ces mêmes dates ne peuvent qu’être écartés.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la commune de Saint-Didier-au-Mont d’Or n’est pas fondée à soutenir que l’arrêt attaqué, en ce qu’il enjoint à la commune de prendre des décisions de non-opposition aux déclarations préalables litigieuses, serait entaché d’erreur de droit au motif que les arrêtés du 15 février 2019 n’étaient pas illégaux, contrairement à ce qu’il a jugé.

7. En quatrième et dernier lieu, lorsque le juge annule un refus d’autorisation d’urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l’article L 600-2 du code de l’urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

8. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, la décision de sursis à statuer opposée à une déclaration préalable doit indiquer l’intégralité des motifs qui la justifient, conformément aux dispositions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme, de sorte que son annulation est susceptible de donner lieu à une injonction tendant à l’édiction d’une décision de non-opposition à cette déclaration, dans les conditions rappelées au point 7. La commune n’est donc pas fondée à soutenir que l’arrêt attaqué serait entaché d’erreur de droit en ce que, après avoir annulé ses décisions de sursis à statuer, il a enjoint à son maire, en application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre des décisions de non-opposition aux déclarations préalables litigieuses dans un délai d’un mois à compter de la notification de cet arrêt.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M. et Mme C., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme de 3 000 € à la charge de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or au titre des mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or est rejeté, ensemble ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or versera la somme de 3 000 € conjointement à M. et Mme C. au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or ainsi qu’à M. A. C. et Mme B. C.

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