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Plan Local d’Urbanisme : quelles modalités pour le classement d’un secteur naturel communal en zone à urbaniser (AU) ?

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
06-12-2023
n° 466055
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

L’association Présence des Terrasses de la Garonne, Mme C., M. et Mme B. et M. A. ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 5 août 2016 du maire de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) délivrant aux sociétés PCE et Foncière Toulouse Ouest un permis de construire un centre commercial et de loisirs, deux bâtiments de commerces de moyennes surfaces et un parc de stationnement sur un terrain situé dans la zone d’aménagement concerté des Portes de Gascogne. Par un jugement n° 1806163 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 21TL21402, 21TL21523 du 25 mai 2022, la cour administrative d’appel de Toulouse a rejeté les appels formés, d’une part, par la commune de Plaisance-du-Touch, et d’autre part, par les sociétés PCE et Foncière Toulouse Ouest contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Plaisance-du-Touch demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’association Présence des Terrasses de la Garonne, Mme C., M. et Mme B. et M. A. la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d’Etat,

– les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas – Feschotte-Desbois – Sebagh, avocat de la commune de Plaisance-du-Touch et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l’association Présence des terrasses de la Garonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne) a délivré le 5 août 2016 aux sociétés PCE et Foncière Toulouse Ouest un permis de construire un centre commercial et de loisirs dans la zone d’aménagement concerté des Portes de Gascogne. Par un jugement du 5 février 2021 le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce permis. La commune de Plaisance-du-Touch se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 mai 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Toulouse a rejeté l’appel qu’elle a formé contre ce jugement.

2. Sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, et à la condition de faire en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions d’urbanisme pertinentes remises en vigueur par l’effet de la déclaration d’illégalité, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal. Cette règle s’applique que le document ait été illégal dès l’origine ou que son illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures. Il s’ensuit que c’est à la date de délivrance du permis de construire attaqué qu’il convient d’apprécier la légalité du plan local d’urbanisme sous l’empire duquel il a été délivré.

3. Aux termes de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme, applicable en l’espèce, en vertu de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, dès lors que la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Plaisance-du-Touch est intervenue par une délibération du 20 décembre 2005 : « Les zones à urbaniser sont dites  » zones AU « . Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d’aménagement et d’équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU n’ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone, son ouverture à l’urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d’urbanisme ».

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les secteurs à caractère naturel de la commune peuvent être ouverts à l’urbanisation selon des modalités différentes en fonction du caractère suffisant ou insuffisant des voies publiques et des réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate de la zone à urbaniser – dite zone AU – pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone. Lorsque les voies et réseaux existant à la périphérie immédiate des terrains ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de la zone, celle-ci est ouverte à l’urbanisation et les constructions y sont autorisées dans les conditions fixées par le deuxième alinéa de l’article R. 123-6. Au cas contraire, en application du troisième alinéa du même article, le plan local d’urbanisme peut soit subordonner l’ouverture à l’urbanisation de la zone à une modification ou à une révision de ce plan, soit fixer immédiatement les règles de constructibilité applicables dans la zone en subordonnant la possibilité d’autoriser des constructions à la réalisation des voies et réseaux nécessaires à la périphérie immédiate de la zone.

5. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que pour apprécier la légalité du transfert, par la délibération du 20 décembre 2005 portant révision du plan local d’urbanisme de la commune de Plaisance-du-Touch, du secteur d’assiette du projet de centre commercial et de loisirs litigieux d’une zone 2AUe « fermée à l’urbanisation car non desservie en quantité suffisante par les réseaux divers » en zone 1AUf « ouverte à l’urbanisation » et pour juger ce transfert, à la date du permis de construire attaqué, entaché d’erreur manifeste d’appréciation, la cour a estimé, par une appréciation souveraine qui n’est pas entachée de dénaturation, que les voies ouvertes au public en périphérie de la zone n’étaient pas suffisantes pour que celle-ci puisse être ouverte à l’urbanisation et que les travaux nécessaires pour doter ces voies de la capacité requise n’étaient certains ni dans leur principe, ni dans leur échéance de réalisation. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour s’est prononcée, sans erreur de droit, sur l’état de la voirie existant en périphérie de la zone à urbaniser en litige et non dans la zone elle-même. Si elle a, par ailleurs, examiné non seulement les voies et réseaux existants, mais aussi les travaux projetés à la date du permis de construire attaqué, ce motif, qui, ainsi qu’il résulte du point 4, est erroné en droit, est surabondant.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Plaisance-du-Touch n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 € à verser à l’association Présence des Terrasses de la Garonne au titre de ces mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Plaisance-du-Touch est rejeté.

Article 2 : La commune de Plaisance-du-Touch versera une somme de 3 000 € à l’association Présence des Terrasses de la Garonne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Plaisance-du-Touch et à l’association Présence des Terrasses de la Garonne.

Copie en sera adressée à la société PCE, à la société SNC Foncier Toulouse Ouest et à Mme C., première dénommée pour l’ensemble des autres défendeurs devant la cour administrative d’appel de Toulouse.

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