Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Safa, M. D. F., Mme B. C., M. G. F., M. J. F., M. A. F., M. H. F., M. E. F. et M. I. F. ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 mai 2019 déclarant d’utilité publique, au bénéfice de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, la réalisation du projet de restructuration urbaine du secteur Paris-Joffre, et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme d’Epinay-sur-Seine.
Par un jugement nos 1908334, 1913024, 1914040, 1914043 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.
Par un arrêt nos 20PA03228 à 20PA03230, 21PA05130 à 21PA05133 du 10 juin 2022, la cour administrative d’appel de Paris a sursis à statuer sur les requêtes présentées en appel par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, pour permettre la régularisation éventuelle des illégalités entachant l’arrêté litigieux dans un délai de six à douze mois.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SCI Safa, Mme B. C., M. G. F., J. F., M. A. F., M. H. F., M. E. F. et M. I. F. demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les requêtes d’appel de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France ;
3°) de mettre à la charge de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Safa et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique, au bénéfice de l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, la réalisation du projet de restructuration urbaine du secteur Paris-Joffre à Epinay-sur-Seine, emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de cette commune. Par un jugement du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, notamment sur la demande de la société civile immobilière (SCI) Safa, M. D. F., Mme B. C., M. G. F., M. J. F., M. A. F., M. H. F., M. E. F. et M. I. F., annulé cet arrêté. La SCI Safa et les consorts F… se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 10 juin 2022 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a, compte tenu des insuffisances de l’étude d’impact concernant les nuisances sonores et l’inventaire de la flore et de la faune, sursis à statuer sur les requêtes présentées en appel par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, pour permettre la régularisation éventuelle des illégalités entachant l’arrêté litigieux dans un délai de six à douze mois.
2. Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entaché l’arrêté attaqué.
3. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la faculté de régularisation d’un arrêté déclarant d’utilité publique des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme peut être mise en oeuvre pour la première fois en appel. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise la cour administrative d’appel de Paris en faisant usage de cette faculté alors qu’elle était saisie dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel ne peut qu’être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’arrêté du 27 mai 2019 était illégal en raison des insuffisances de l’étude d’impact concernant les nuisances sonores et l’inventaire de la flore et de la faune et a alors sursis à statuer pour permettre la régularisation éventuelle de ce vice. Contrairement à ce qui est soutenu, un tel vice est au nombre de ceux pouvant donner lieu à régularisation, sans que la circonstance que cette régularisation puisse impliquer, le cas échéant, la réalisation d’une enquête publique complémentaire soit de nature à y faire obstacle. Par suite, en jugeant que les illégalités relevées étaient susceptibles d’être régularisées, au besoin par la réalisation d’une enquête publique complémentaire, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit.
5. En troisième lieu, la cour administrative d’appel de Paris a relevé que compte tenu ce qu’elle avait jugé quant au caractère lacunaire des inventaires faunistiques et floristiques, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaissait le principe d’action préventive et de correction faute de comporter les mesures d’évitement et de réduction suffisantes pour permettre d’assurer le respect du principe de prévention, devait être accueilli. Elle a également indiqué que les vices entachant l’arrêté litigieux étaient susceptibles d’être réparés par l’élaboration d’études complémentaires destinées, notamment, à préciser les mesures visant à éviter, réduire et compenser les impacts négatifs du projet sur l’environnement. Il en résulte que la cour a entendu inclure le vice tiré de la méconnaissance du principe d’action préventive et de correction dans le champ de la régularisation donnant lieu au sursis à statuer. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que, par l’arrêt attaqué, qui n’est pas entaché de contradiction de motifs et est suffisamment motivé, la cour aurait commis une erreur de droit en accueillant le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’action préventive sans se prononcer sur la régularisation de ce vice.
6. En quatrième et dernier lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Paris, qui a constaté que les autres moyens n’étaient pas fondés, a toutefois estimé que les lacunes de l’étude d’impact concernant les nuisances sonores et l’inventaire de la flore et de la faune ne lui permettaient pas d’apprécier l’utilité publique du projet et que la réponse au moyen contestant cette utilité publique supposait de disposer des éléments complémentaires attendus de l’éventuelle régularisation. En décidant, dans les circonstances de l’espèce, de réserver cette réponse, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Safa et les consorts F. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent. Par suite, leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la SCI Safa et autres est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Safa, première requérante dénommée, et à l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.