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Autorisation environnementale : le département n’a pas, par principe, un intérêt à agir contre une autorisation environnementale !

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Bordeaux
31-05-2022
n° 19BX04905
Texte intégral :
1. Par arrêté du 6 septembre 2019, le préfet de la Charente-Maritime a délivré à la société Centrale éolienne La plaine des Fiefs une autorisation pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire de la commune de Forges, comportant huit éoliennes d’une hauteur de 184 mètres en bout de pales et trois postes de livraison. Le département de la Charente-Maritime demande l’annulation de l’arrêté du 6 septembre 2019.

2. En vertu du 2° de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, les autorisations délivrées au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 obéissent, après leur délivrance, au régime de l’autorisation environnementale, notamment en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elles sont contestées. En application de l’article R. 181-50 du code de l’environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative « par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 ». L’article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l’article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients « soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Pour pouvoir contester une autorisation environnementale, les collectivités territoriales doivent justifier d’un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité pour en demander l’annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour elles l’installation en cause, appréciés notamment en fonction de leur situation, de la configuration des lieux et des compétences que la loi leur attribue.

3. Aux termes de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. / Il est compétent pour mettre en oeuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l’accueil des jeunes enfants et à l’autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l’accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. / Il a compétence pour promouvoir les solidarités, la cohésion territoriale et l’accès aux soins de proximité sur le territoire départemental, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des régions et des communes. » En admettant même que, comme le soutient le département de la Charente-Maritime, le territoire du département accueillerait un nombre de parcs éoliens relativement plus important que la plupart des autres départements et que le nord du département en accueillerait beaucoup plus que le sud, la compétence du département en matière de promotion des solidarités et de la cohésion territoriale, sur laquelle il n’est pas allégué que le projet de la société Centrale éolienne La plaine des Fiefs serait de nature à avoir des conséquences directes, ne lui confère pas par elle-même un intérêt direct à l’annulation de l’arrêté attaqué. La promotion des solidarités et de la cohésion territoriale ne sont, au surplus, pas au nombre des intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

4. Le département requérant ne peut davantage se prévaloir de l’atteinte que le projet porterait à la commodité de ses habitants.

5. Aux termes de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme : « Le département est compétent pour élaborer et mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l’article L. 101-2. » Le département, qui invoque ces dispositions, ne fait cependant état d’aucun espace naturel sensible au sens desdites dispositions auquel le projet serait susceptible de porter atteinte.

6. Aux termes de l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales : « Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. / Ils concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, à la promotion de la santé, à la lutte contre les discriminations, à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’à la protection de l’environnement, à la lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie, et à l’amélioration du cadre de vie. Ils peuvent associer le public à la conception ou à l’élaboration de ces politiques, selon les modalités prévues à l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration […]. »

7. Si le département se prévaut de son rôle en matière d’aménagement du territoire, d’utilisation rationnelle de l’énergie et de protection de l’environnement, les dispositions précitées se bornent à donner vocation aux départements à agir dans le sens de la promotion des intérêts qu’elles visent, sans leur conférer aucune compétence dans ces domaines. Par suite, et alors au surplus que, s’agissant de l’aménagement du territoire, cet intérêt ne figure pas parmi ceux visés à l’article L. 511-1 précité du code de l’environnement et que, s’agissant de l’utilisation rationnelle de l’énergie, le département ne fait état d’aucune caractéristique du projet susceptible de porter atteinte à cet intérêt, l’article L. 1111-2 précité du code général des collectivités territoriales ne lui confère pas un intérêt direct à l’annulation de l’arrêté contesté.

8. L’article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, qui désigne le département comme chef de file quant à l’exercice des compétences relatives à l’action sociale, le développement social et la contribution à la résorption de la précarité énergétique, l’autonomie des personnes et la solidarité des territoires, ne donne aux départements aucune compétence dans des domaines d’action relatifs aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.

9. Si le code du tourisme donne compétence aux départements pour élaborer et mettre en oeuvre une politique touristique sur leurs territoires, le département requérant n’invoque en l’espèce aucune atteinte particulière que le projet, de par son implantation ou ses caractéristiques, serait susceptible de porter à sa politique touristique ou à un élément de son patrimoine. Il ne résulte par ailleurs d’aucun élément de l’instruction que le parc éolien en litige, de par son implantation ou ses caractéristiques, serait susceptible de porter atteinte à l’image du département de la Charente-Maritime.

10. Enfin, si le conseil départemental de la Charente-Maritime a voté, au mois d’octobre 2018, la création d’un observatoire de l’éolien et, le 22 mars 2019, une demande de moratoire de deux ans quant à l’implantation de parcs éoliens sur le territoire du département, ces délibérations ne confèrent pas davantage, par elles-mêmes, un intérêt direct au département pour contester l’arrêté préfectoral du 6 septembre 2019.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département n’est pas recevable à demander l’annulation de l’arrêté du 6 septembre 2019.

12. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Charente-Maritime le versement à la société Centrale éolienne La plaine des Fiefs d’une somme de 1 500 € au titre des frais d’instance exposés.

Décide :

Article 1er : La requête du département de la Charente-Maritime est rejetée.

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