M. J H. et la société [1] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, 11e chambre, en date du 2 mars 2023, qui, pour infraction au code de l’urbanisme, a condamné, le premier, à 5 000 € d’amende, la seconde, à 20 000 € d’amende, a ordonné la publication de la décision et la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. J. H. et de la société [1], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Tarabeux, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a déclaré M. J. H. et la société [1] (la société) coupables, notamment, pour avoir utilisé le sol en méconnaissance du plan local d’urbanisme (PLU), les a condamnés à deux peines d’amende, a ordonné une mesure de publication et la remise en état sous astreinte.
3. M. H., la société, le procureur de la République et la commune de [Localité 2], partie civile, ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré M. H. et la société coupables d’avoir, à [Localité 2] (Morbihan), entre novembre 2015 et mai 2019, utilisé le sol en méconnaissance du PLU, et a en conséquence confirmé les peines prononcées et statué sur l’action civile, alors : « 1°/ seule une utilisation du sol contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme adopté par l’autorité compétente est susceptible de caractériser l’élément matériel de l’infraction prévue par les articles L. 610-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme ; que le plan local d’urbanisme de la commune du [Localité 2] autorise en zone Ao et Ac les constructions et installations nécessaires à des activités économiques exigeant la proximité de l’eau et les installations et constructions afférentes aux activités aquacoles et exigeant la proximité immédiate de l ‘eau ; qu’en jugeant que l ‘activité de dégustation exercée par les prévenus était contraire au plan local d’urbanisme aux motifs qu’elle ne respectait pas les prescriptions encadrant cette activité, issues d’un arrêté du préfet du Morbihan du 1er juillet 2015, la cour d ‘appel a violé les articles susvisés, ensemble l’article 593 du code de procédure pénale ».
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer M. H. et la société coupables d’avoir utilisé le sol en méconnaissance du PLU, l’arrêt attaqué énonce que le bâtiment principal de la société, initialement destiné à stocker et conditionner les crustacés, est progressivement devenu au rez-de-chaussée une poissonnerie avec une grande terrasse extérieure de 180 m2 et à l’étage une salle de restaurant de 160 m2 avec une terrasse de 20 m2 dans le prolongement, selon le certificat de superficie établi par un géomètre en mars 2019.
7. Le juge ajoute que les permis de construire ont été délivrés sur le fondement d’une activité d’ostréiculture et que les travaux ont abouti à un changement de destination.
8. Il retient que M. H. et la société proposent à leur clientèle des produits comprenant un apport substantiel de denrées alimentaires d’une provenance extérieure à sa production, en sorte que leur activité est passée progressivement de la dégustation des produits aquacoles issus de l’exploitation à la restauration, la partie supérieure du bâtiment et la terrasse en bois implantée sur la partie du domaine maritime étant consacrées à cette activité commerciale de restauration.
9. Il considère que ces prestations de restauration, compte tenu de l’importance des moyens qui leur a été consacrée et des achats dépourvus de tout lien avec l’activité de production ostréicole qu’elles ont nécessité, et leur prédominance sur cette dernière d’un point de vue économique, ne sont pas le prolongement de cette activité.
10. Il rappelle que M. H. a obtenu en 2011 un permis de construire pour l’extension du bâtiment d’ostréiculture et un permis modificatif en 2012, mais que, par courrier du 20 juin 2013, le maire de la commune lui a demandé la régularisation des travaux qu’il avait effectués par la demande d’un nouveau permis de construire.
11. Il indique que, le 24 juin 2013, M. H. a déclaré qu’il allait déposer un tel permis, mais qu’en novembre 2015 et en janvier 2016, il a déposé des déclarations de travaux, la seconde ayant fait l’objet d’un refus par le maire de la commune, subordonnant de nouveaux travaux à la régularisation de ceux déjà effectués.
12. Il retient que, le 25 juillet 2016, la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a constaté que les travaux n’étaient pas conformes aux permis de construire accordés en 2011 et 2012.
13. Il rappelle que selon les dispositions du PLU, seules les constructions ou installations nécessaires aux services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau sont autorisées, le changement de destination des bâtiments existants n’étant autorisé que s’ils sont nécessaires à un intérêt général lié à la mer et aux activités de la mer.
14. Il en déduit que l’utilisation du sol est contraire au règlement d’urbanisme et que l’activité de restauration des prévenus ne constitue pas un accessoire de l’activité aquacole mais est prédominante d’un point de vue économique.
15. En l’état de ces seules énonciations, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
16. En effet, si, répondant aux conclusions des prévenus, elle a fait état des dispositions de l’arrêté préfectoral du 1er juillet 2015, c’est cependant par d’autres motifs suffisants qu’elle a caractérisé un changement de destination des bâtiments existants, dont l’utilisation n’était pas conforme aux activités autorisées par le PLU.
17. Ainsi, le grief doit être écarté.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
18. Le moyen critique l’arrêt en ce qu’il a ordonné la remise en état des lieux conformément au permis de construire accordé le 28 juin 2011 et modifié par arrêté du maire de la commune du [Localité 2] du 4 avril 2012 et le PLU, et a imparti un délai d’un an pour exécuter l’ordre de remise en état des lieux à compter du jour où l’arrêt sera définitif, alors « 1°/ que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation qu’à l’égard des faits dont ils sont saisis ; qu’en ordonnant à M. H. et à l’EURL [1] de remettre en état les lieux conformément au permis de construire accordé le 28 juin 2011 et modifié par arrêté du maire de la commune du [Localité 2] du 4 avril 2012, cependant qu’elle n’était pas saisie de faits de travaux réalisés en méconnaissance du permis de construire, mais uniquement de défaut de conformité de l’activité effectivement exercée au règlement du PLU, de sorte qu’elle ne pouvait ordonner une telle mesure portant sur des faits hors de sa saisine, la cour d’appel a méconnu les articles L. 480-5 du code de l’urbanisme, 388 et 512 du code de procédure pénale ».
Réponse de la Cour
19. Pour ordonner la remise en état conformément au permis de construire accordé le 16 mai 2011, modifié par arrêté du maire de la commune de [Localité 2] le 4 avril 2012 et au PLU, l’arrêt attaqué énonce que ces permis ont été délivrés compte tenu de l’activité d’ostréiculture de M. H. et de ses déclarations sur la nature des travaux envisagés telle qu’elle figurait dans ses demandes de permis de construire.
20. Le juge ajoute que ces demandes, relatives à une activité aquacole, ne mentionnaient pas ce qui s’est finalement révélé être un changement de destination, avec la création d’une activité de restauration.
21. Il indique que, s’il est exact que l’activité de dégustation peut être autorisée, la capacité de la salle dédiée à la vente de la production proprement dite et à la dégustation ne peut dépasser 20 m2, conformément aux dispositions du PLU, qui en l’espèce n’ont pas été respectées.
22. Il relève que, le 25 juillet 2016, la DDTM, venue pour contrôler les travaux réalisés à la suite de la délivrance du permis de construire en 2011 et du permis modificatif de 2012, a constaté que ces travaux n’étaient pas conformes aux autorisations délivrées et que des surfaces nouvelles avaient été édifiées sans nouveau permis de construire, l’étage étant devenu un restaurant avec vingt-sept tables de deux personnes et cinq tables de six places, qu’une terrasse extérieure couverte de 25 m2 avait été aménagée, alors qu’elle n’était pas prévue dans la déclaration préalable, avec une surface au sol ajoutée au projet de 79 m2, qu’une extension en appentis de 15 m2 avait été réalisée au rez-de-chaussée pour installer un bar et que le rez-de-chaussée était essentiellement consacré à la vente de crustacés et de produits de la mer transformés avec des plats préparés, un rayon de boissons à emporter, une terrasse en bois extérieure avec vingt tables de restauration étant située pour partie sur le domaine public maritime.
23. Il considère que le bâtiment principal de la société, initialement destiné à stocker et conditionner des crustacés, est progressivement devenu au rez-de-chaussée une poissonnerie avec une grande terrasse extérieure de 180 m2 et à l’étage, une salle de restaurant de 160 m2 avec une terrasse de 20 m2 dans le prolongement, selon le certificat de superficie établi par un géomètre en mars 2019.
24. Il retient que lors d’un contrôle en mai 2019, la DDTM a constaté la poursuite de l’activité de restauration, avec quatre-vingt-onze couverts en salle et cent quatre-vingt-dix couverts sur la terrasse extérieure.
25. Il retient encore que l’étage du bâtiment transformé en salle de restauration, l’agrandissement de la surface réalisée par M. H. d’environ 80 m2 par rapport à l’autorisation du permis de construire et l’agrandissement réalisé à l’étage non autorisé par le permis de construire ne sont pas régularisables.
26. Il rappelle que tant le préfet du département que le maire de la commune se sont prononcés en faveur de la suppression de la terrasse en bois en façade, de la terrasse couverte à l’étage, des deux appentis et de l’escalier extérieur.
27. En l’état de ces énonciations, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
28. En effet, d’une part, en application des dispositions des articles L. 610-1 et L. 480-5 du code de l’urbanisme, les infractions aux dispositions des plans locaux d’urbanisme peuvent donner lieu à mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la seule circonstance que l’infraction porte sur l’utilisation de bâtiments de manière non conforme à celle autorisée par le PLU ne faisant pas obstacle à ce qu’une telle mesure à caractère réel soit prononcée.
29. D’autre part, la cour d’appel, qui était saisie des infractions consistant à avoir, en violation du PLU n’y autorisant que les activités aquacoles, dédié la partie supérieure d’un bâtiment à une activité commerciale de restauration et construit une terrasse implantée sur le domaine public maritime, n’a pas excédé sa saisine en ordonnant une telle mesure, dès lors que ces permis de construire, dont les préconisations n’ont pas été respectées, avaient été délivrés en application de ce document de planification et sur le fondement de l’activité d’ostréiculteur du demandeur.
30. Dès lors, le grief doit être écarté.
31. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
Par ses motifs, la Cour :
rejette les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt-quatre.