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Déclaration préalable : illégalité d’une décision de non opposition assortie de prescription !

CAA de LYON 

N° 16LY02452    
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BOUCHER, président
M. Thierry BESSE, rapporteur
Mme VACCARO-PLANCHET, rapporteur public
SCP AVOCATS ASSOCIES BARTHELEMY-MERESSE, avocat

lecture du mardi 19 juin 2018

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A… C… a demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler l’arrêté du 16 mai 2013 par lequel le maire de la commune de Montéléger ne s’est pas opposé à sa déclaration préalable de travaux en tant que, en son article 2, il lui impose des prescriptions, ainsi que la décision du 15 juillet 2013 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1304997 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu’il comporte des prescriptions relatives au stockage de produits agricoles et au stationnement de matériel et d’engins agricoles ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. C….

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 18 juillet 2016, 7 avril 2017 et 30 novembre 2017, M. A… C…, représenté par la SCP J.L. Barthélémy-F. Méresse, demande à la cour :
1°) d’annuler l’article 2 de ce jugement du 19 mai 2016 portant rejet partiel des conclusions de sa demande ;
2°) d’annuler l’article 2 de l’arrêté du maire de Montéléger du 16 mai 2013 en tant qu’il a prescrit que la plateforme projetée ne pourrait servir de dépôt vente aux particuliers, de stationnement pour les véhicules étrangers à l’exploitation et qu’elle serait strictement affectée à un usage agricole ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montéléger la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
– les prescriptions dont la décision du maire de Montéléger du 16 mai 2013 est assortie sont insuffisamment motivées au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
– le caractère erroné des indications relatives au délai de naissance d’une décision tacite de rejet fait obstacle à la naissance d’une telle décision et viole les droits de la défense ;
– la prescription en litige entrave sans justification son droit à disposer de sa propriété et l’empêche d’exercer son activité agricole, la commercialisation de ses fruits et légumes entrant dans le champ de cette activité ;
– l’existence de risques pour la sécurité résultant de l’aménagement d’un stand de vente de fruits et légumes n’est pas établie ;
– il n’a pas commis de fraude en ne faisant pas état de ce que l’autorisation était sollicitée en vue de l’exercice d’une activité commerciale.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 mars 2017, 2 octobre 2017 et 16 janvier 2018, ce dernier mémoire n’ayant pas été communiqué, la commune de Montéléger, représentée par la SELARL cabinet Champauzac, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en ce qu’il a partiellement annulé l’arrêté de son maire du 16 mai 2013 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de M. C… une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– aucun des moyens de la requête n’est fondé ;
– la prescription relative au stockage des produits agricoles et au stationnement des matériels et engins agricoles était suffisamment motivée et était justifiée par le fait que la finalité poursuivie par M. C… n’était pas celle qu’il indiquait dans sa demande.

La clôture de l’instruction a été fixée au 30 janvier 2018 par une ordonnance du même jour.

Par courrier du 4 mai 2018, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d’office le moyen tiré de ce que les travaux d’exhaussement en litige n’étaient pas soumis à déclaration préalable, en vertu des dispositions de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
– et les observations de Me B… pour la commune de Montéléger ;

1. Considérant que M. C… a déposé le 18 avril 2013 une déclaration préalable en vue de la réalisation de travaux d’exhaussement de terres pour la réalisation d’une plateforme à usage agricole sur un terrain lui appartenant, à proximité de la route départementale 261 ; que, par arrêté du 16 mai 2013, le maire de Montéléger a décidé de ne pas s’opposer à cette déclaration mais a assorti sa décision de plusieurs prescriptions, portant notamment sur l’usage de cette plateforme ; que, par jugement du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la prescription selon laquelle la plateforme ne pourrait servir au stockage même provisoire de produits agricoles, ni au stationnement de matériels ou engins agricoles au-delà de la période de travail, et a rejeté la demande de M. C… tendant à l’annulation de la prescription selon laquelle elle ne pourrait « servir de dépôt, vente aux particuliers, stationnement de véhicules étrangers à l’exploitation, même en bordure de la route départementale, et sera strictement affectée à un usage agricole, sans aucun détournement possible de cet objet » ; que M. C… relève appel de ce jugement en tant qu’il a partiellement rejeté sa demande ; que, par la voie de l’appel incident, la commune de Montéléger relève appel de ce jugement en tant qu’il a annulé la prescription relative au stockage de produits et matériels agricoles ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme :  » Doivent être précédés d’une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : / (…) f) A moins qu’ils ne soient nécessaires à l’exécution d’un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s’il s’agit d’un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d’un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ;(…)  » ;

3. Considérant que la déclaration préalable de M. C… porte sur des travaux d’exhaussement d’une hauteur d’un mètre cinquante sur une superficie de 400 m² en vue de réaliser une plateforme destinée au chargement et au déchargement de produits et matériels agricoles ; que, compte tenu de la hauteur des exhaussements envisagés, les travaux n’étaient pas soumis à déclaration préalable ; qu’il en résulte que le maire de Montéléger ne pouvait assortir de quelconques prescriptions la décision superfétatoire de non-opposition qu’il a prise ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête, M. C… est fondé à demander l’annulation de l’article 2 de l’arrêté du maire de Montéléger du 16 mai 2013 en tant qu’il a prescrit que la plateforme projetée ne pourrait servir comme dépôt, ni pour la vente aux particuliers ou le stationnement de véhicules étrangers à l’exploitation et qu’elle serait strictement affectée à un usage agricole ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n’a fait que partiellement droit aux conclusions de sa demande et qu’il n’a pas prononcé l’annulation totale de l’article 2 de l’arrêté du maire de Montéléger du 16 mai 2013 ; que, pour les motifs exposés au point 3, la commune de Montéléger n’est, pour sa part, pas fondée à se plaindre de ce que, par ce même jugement, le tribunal administratif de Grenoble a annulé partiellement cet article 2 en tant qu’il comporte des prescriptions relatives au stockage de produits agricoles et au stationnement de matériel et d’engins agricoles ;

5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C…, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Montéléger la somme qu’elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions que M. C… présente au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :
Article 1er : L’article 2 de l’arrêté du maire de Montéléger du 16 mai 2013, en tant qu’il a prescrit que la plateforme projetée ne pourrait servir de dépôt vente aux particuliers, de stationnement pour les véhicules étrangers à l’exploitation et qu’elle serait strictement affectée à un usage agricole, et le jugement n° 1304997 du 19 mai 2016 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il rejette les conclusions de la demande de M. C… tendant à l’annulation de cette prescription, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… C… et à la commune de Montéléger.
Délibéré après l’audience du 29 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2018.

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