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Lotissement : les gestionnaires des réseaux doivent-il être consultés et les pétitionnaires au courant ?

CAA de NANTES

N° 12NT02189   
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. le Pdt. BACHELIER, président
M. Jean-Frédéric MILLET, rapporteur
Mme GRENIER, rapporteur public
GOSSELIN, avocat

lecture du lundi 21 juillet 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2012, présentée pour la commune de Saint-Philibert, représentée par son maire en exercice, par Me Gosselin, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Saint-Philibert demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0904638 en date du 21 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d’urbanisme négatif délivré le 14 avril 2009 par le maire de la commune sur la demande présentée par M. et MmeB…, en vue de la réalisation d’un lotissement de 44 lots sur une unité foncière située au lieu-dit  » Kernevest « , ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B…devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme B…le versement d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
– le maire a invité la commission départementale des sites et le préfet à émettre un avis le 30 mars 2009 et qu’elle ne peut être tenue pour responsable de la date à laquelle ces instances ont répondu en juin et juillet 2009 ;
– la décision est conforme à l’analyse de la commission et du préfet ;

– les dispositions de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, qui figurent sous le titre II relatif aux permis et aux déclarations préalables, n’étaient pas applicables au certificat d’urbanisme ;

– même en cas d’annulation d’un plan d’occupation des sols d’une commune, le maire reste compétent pour délivrer les décisions administratives en matière d’urbanisme au nom de la commune ;

– le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 410-10 du code de l’urbanisme n’est pas fondé, ainsi qu’en atteste l’avis recueilli auprès de la commission des sites ;

– le projet n’avait pas pour effet de modifier un accès à la voie publique et il n’y avait pas lieu de solliciter un avis ;
– le certificat d’urbanisme est suffisamment motivé au regard de l’article R. 410-14 du code de l’urbanisme ;
– le tribunal administratif n’a pas retenu les moyens de légalité interne invoqués par les requérants en première instance ;
– la circonstance que le terrain d’assiette du projet, qui ne constitue pas une  » dent creuse « , soit enserré entre plusieurs lotissements n’est pas la démonstration de ce que la parcelle serait dans une partie actuellement urbanisée de la commune ;

– à supposer que le terrain d’assiette du projet constitue une  » dent creuse « , le fait de favoriser une urbanisation incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants permet de fonder un certificat d’urbanisme négatif dès lors que le terrain correspond à une coupure d’urbanisation nécessitant une protection comme espace naturel particulier ;
– ainsi qu’il a déjà été jugé par le tribunal le 10 janvier 2008, en cas de raccordement au réseau public d’assainissement, le projet de lotissement contribuerait à une aggravation des dysfonctionnements de la station d’épuration de  » Kerran  » ;
– le certificat d’urbanisme indique les limitations administratives au droit de propriété et en l’absence de la nécessité d’un avis conforme du préfet, ce certificat pouvait se fonder sur les dispositions des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l’urbanisme ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2013, présenté pour M et MmeB…, demeurant…, par Me Chauvat, avocat au barreau de Vannes ; M. et Mme B…concluent au rejet de la requête, à ce qu’il soit enjoint à la commune de Saint-Philibert de reprendre l’instruction de la demande de certificat d’urbanisme, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
– c’est à juste titre que le tribunal a fait application des dispositions de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, et de l’article R. 410-11 du même code, pour prononcer l’annulation du certificat d’urbanisme négatif du 14 avril 2009 pour incompétence, en l’absence d’avis conforme du préfet ;

– rien ne justifie qu’il soit dérogé aux règles de compétence, alors que l’ordonnance du 8 décembre 2005 avait pour objectif d’uniformiser le  » régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions « , visé au livre IV du code de l’urbanisme ;

– en outre, le certificat d’urbanisme contesté est daté du 14 avril 2009 ; le courrier postérieur du préfet du 10 juillet 2009, ainsi que l’avis de la commission des sites du 30 juin 2009 auquel il se réfère, ne peuvent valoir avis conforme au sens de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme ;
– en appliquant la procédure prévue à l’article R. 410-6, la commune, revenue à l’application sur son territoire du règlement national d’urbanisme à la suite à l’annulation de son POS et à l’abrogation des documents d’urbanisme anciens, a manifestement et faussement considéré qu’elle relevait des dispositions de l’article L. 422-1 b) ;

– le certificat aurait dû être délivré par le maire au nom de l’Etat ;
– le tribunal a fait une exacte application de l’article R. 410-10 du code de l’urbanisme ; les avis du département, gestionnaire de la RD 28, et du syndicat gestionnaire du réseau d’assainissement, n’ont pas été recueillis ;
– le certificat d’urbanisme négatif n’est pas suffisamment motivé ;
– le rapport joint au dossier de l’enquête publique en vue de l’abrogation des POS ( p13/19) admet lui-même que le terrain d’assiette du projet, rue des plages, se situe dans une partie urbanisée de la commune comme l’illustre le fait que dans le compte rendu n° 25 du groupe de travail en charge de l’élaboration du PLU, il est présenté comme  » la dent creuse deB…  » , que l’urbanisation est continue et dense entre le centre-bourg et le site du projet qui se trouve en continuité de l’agglomération et le terrain est desservi par la totalité des réseaux et voirie ;
– il n’y a pas de coupure d’urbanisation, ni d’espace naturel particulier à protéger, le terrain d’assiette du projet étant séparé de la zone naturelle de l’étang de Kercadoret, à l’ouest, par une ligne de crête créant une séparation naturelle renforcée par les aménagements que sont le chemin d’exploitation et une voie vélos nouvellement créée par la commune ;
– la commune est membre du syndicat mixte de Belz Auray Quiberon qui gère la station d’épuration de Kerran et porte la responsabilité du fonctionnement illégal de la station, ainsi que du non-respect des normes européennes ;

– le certificat d’urbanisme se prononce simplement sur la faisabilité du projet sans autoriser la moindre construction ;

– l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme est inapplicable dès lors que le terrain se situe dans les parties urbanisées de la commune ;
– les éléments figurant dans la correspondance du préfet du 10 juillet 2009 ne sont pas de nature à justifier la légalité du certificat d’urbanisme négatif et en outre, la délibération du 30 mars 2009 par laquelle la commune a saisi la commission des sites n’est pas motivée, en méconnaissance du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme ;

– l’avis de la commission des sites procède à une analyse erronée des faits dès lors qu’il n’y a pas de vue sur une vaste lande et qu’il est impossible d’observer le littoral depuis la parcelle d’assiette du projet ;

– la commune verse un compte rendu de la commission signé de M.C…, alors que ce dernier ne participait pas à la réunion et que le rapporteur a fait preuve de partialité ;
Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 18 juin 2014, présenté pour la commune de Saint-Philibert ;
Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 25 juin 2014, présenté pour M. et MmeB… ;
Vu les mémoires, enregistrés les 25 et 26 juin 2014, présentés pour la commune de Saint-Philibert, qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2014, présenté pour M. et MmeB…, qui maintiennent leurs précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er juillet 2014 :
– le rapport de M. Millet, président-assesseur ;
– les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
– les observations de Me Gosselin, avocat de la commune de Saint-Philibert ;
-et les observations de Mme Chauvat, avocat de M. et MmeB… ;
1. Considérant que, par un jugement en date du 21 juin 2012, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d’urbanisme négatif délivré le 14 avril 2009 par le maire de Saint-Philibert (Morbihan), sur la demande présentée par M. et MmeB…, en vue de la réalisation d’un lotissement de 44 lots sur une unité foncière située au lieu-dit  » Kernevest « , ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ; que la commune de Saint-Philibert relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité du certificat d’urbanisme négatif du 14 avril 2009 :
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme :  » Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : b) Indique (…), lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. (…)  » et qu’aux termes du dernier alinéa de cet article :  » Le certificat d’urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d’Etat par l’autorité compétente mentionnée au a et au b de l’article L. 422-1 du présent code.  » ; que ces dernières dispositions n’ont ni pour objet, ni pour effet de rendre applicables au certificat d’urbanisme l’ensemble des règles relatives au permis de construire, d’aménager ou de démolir, ainsi qu’aux déclarations préalables ; qu’elles se bornent seulement à renvoyer, pour la détermination de l’autorité compétente, aux règles prévues par l’article L. 422-1 du même code pour la délivrance des autorisations du sol ; que, par ailleurs, les dispositions de l’article R. 410-10 du même code, relatives à la procédure d’instruction du certificat d’urbanisme, ne mentionnent pas que l’avis conforme du préfet serait requis préalablement à sa délivrance ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme :  » En cas d’annulation par voie juridictionnelle ou d’abrogation d’une carte communale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l’autorité compétente et lorsque cette décision n’a pas pour effet de remettre en vigueur un document d’urbanisme antérieur, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale recueille l’avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation.  » ; que ces dispositions sont, ainsi que le soutient la commune, relatives aux permis de construire et aux déclarations préalables de travaux et non aux certificats d’urbanisme lesquels ne rentrent pas, par suite, dans son champ d’application ;

4. Considérant que, si le plan d’occupation des sols de la commune de Saint-Philibert adopté le 17 juillet 2001 par le conseil municipal de la commune a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 novembre 2004 devenu définitif et si, par une délibération du 10 décembre 2004, le conseil municipal a abrogé les plans d’occupation des sols antérieurement en vigueur, adoptés par des délibérations des 4 juillet 1990 et 26 décembre 1979, les conditions de délivrance du certificat d’urbanisme sollicité en l’espèce n’étaient pas soumises aux dispositions précitées de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme ; que, par suite, c’est à tort que, pour annuler le certificat d’urbanisme négatif du 14 avril 2009, les premiers juges se sont fondés, en soulevant au demeurant ce moyen d’office, sur la circonstance que ce certificat était subordonné à l’avis conforme du préfet du Morbihan ; que, par voie de conséquence, la commune de Saint-Philibert est également fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a estimé qu’à défaut d’avoir recueilli un tel avis, le maire ne pouvait régulièrement opposer à la demande de M. et Mme B…les dispositions des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l’urbanisme, ni invoquer les capacités insuffisantes de la station d’épuration de Kerran ;
5. Considérant, toutefois, qu’aux termes de l’article R. 410-10 du code de l’urbanisme:  » Dans le cas prévu au b de l’article L. 410-1, le délai d’instruction est de deux mois à compter de la réception en mairie de la demande. / L’autorité compétente recueille l’avis des collectivités, établissements publics et services gestionnaires des réseaux mentionnés à l’article L. 111-4 ainsi que les avis prévus par les articles R.423-52 et R. 423-53. (…)  » ; que l’article R. 423-53 du même code dispose que :  » Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d’un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l’autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l’autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d’accès à ladite voie.  » ; qu’il est constant que les avis du syndicat mixte d’Auray-Belz-Quiberon, gestionnaire du réseau d’assainissement collectif sur le territoire de la commune de Saint-Philibert, et du département du Morbihan, gestionnaire de la route départementale n° 28 sur laquelle M. et Mme B…ont prévu que leur projet ait un accès, n’ont pas été recueillis ; qu’eu égard à l’objet même de ces certificats, cette absence de consultations a été, dans les circonstances de l’espèce, susceptible d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision du maire de Saint-Philibert, et de nature à priver les pétitionnaires de la garantie d’une information complète sur l’état des équipements publics existants et les conditions d’accès à la voirie départementale ;
6. Considérant qu’il résulte de ce tout qui précède que la commune de Saint-Philibert n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le certificat d’urbanisme négatif du 14 avril 2009 ;
Sur les conclusions à fin d’injonction présentées par M. et MmeB… :
7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre à la commune de Saint-Philibert de statuer à nouveau sur la demande de certificat d’urbanisme présentée par M. et Mme B…dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu’il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
8 . Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeB…, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Saint-Philibert demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Saint-Philibert le versement à M. et Mme B…de la somme de 2 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Philibert est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Saint-Philibert de statuer à nouveau sur la demande de certificat d’urbanisme présentée par M. et Mme B…dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saint-Philibert versera à M. et Mme B…la somme de
2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B…est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Philibert et à M. et Mme A…B….
Copie en sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l’audience du 1er juillet 2014, à laquelle siégeaient :
-M. Bachelier, président de la Cour ;
-M. Millet, président-assesseur ;
-Mme Piltant, premier conseiller ;
Lu en audience publique le 21 juillet 2014.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le greffier,
C. GOY
Le président,
G. BACHELIER

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